Le retour à l'Agence Azazel ne s'était pas faite sans mal. Je ne me souvenais encore de mon arrivée ici, et des préjugés associés à mon époque. Mais les temps changent, et désormais loin de considérer le Japon comme un ennemi, la France s'en est faite un allié culturel de poids. Revirement surprenant, mais après tout, l'Allemagne elle-même est devenue un appui solide. L'Alsace est française aux yeux de tous, et les visées conquérantes sont loin. Je n'avais aucun remord à laisser ma patrie pour découvrir l'autre bout de monde, au sein d'un contexte de paix.
Quelques papiers signés et négociations pour mon cabinet plus tard, l'on m'indiqua la localisation de mon logement. Temporaire ou non, j'y étais, clés en main. Mon bagage était léger, le reste serait livré plus tard. Avec une petite valise à roulettes - une innovation moderne que j'ai très vite adoptée, et un perchoir, j'avais quand même tenu à directement apporter mes bêtes avec moi. Je n'avais pas le cœur de les laisser indéfiniment en cage, et la volière ne serait pas prête tout de suite.
Sur mon épaule trônait Perle, placide. Je sentais ses serres, mais il était tout en délicatesse pour ne pas me blesser ou déchiqueter mon habit. A mon poing s'accrochait Ambre, plus petit mais plus agité. Il picorait le cuir de mon gant, impatient de se dégourdir les ailes. Je lui grattai le dessus de la tête en roucoulant une promesse à mi-mot. Je prélassais un instant mes doigts dans la soie de ses plumes. Nous irons chasser très bientôt. Les souterrains ne sont pas faits pour les oiseaux.
Mon premier réflexe après l'ouverture de la porte fut de lever le poing, provoquant un battement d'ailes inopiné d'Ambre pour garder son équilibre, suivi d'un sifflement de protestation. Mais le chat s'était presque jeté sur ses jets, et je ne tenais pas à ce qu'il prenne mes compagnons pour des jouets ou des proies.
La pensée me fit sourire. Il se rendra vite compte que ces oiseaux-là sont tout à fait capables de retourner la situation.
Maintenant le matou à distance, je soupirai en constatant le côté terre à terre de l'entreprise. J'avais hâte d'être installé pour faire la connaissance de mes colocataires et découvrir la ville. J'avais oublié ô combien un déménagement était fastidieux. Mais c'était presque terminé. J'ouvrais la porte à de nouveaux rêves.
18.01.19 18:43