~ T'es où ?

Le temps est une notion que tu ne connais pas. Tu comptes en dodo et tu n’as pas fait beaucoup de dodo depuis la dernière fois où tu as vu papa. Un très long, surtout, de plusieurs années. Ton frère jumeau chez les vivants doit avoir déjà rencontré plusieurs petites-amies. Il ne doit pas t’avoir oublié mais il a déjà fait son deuil. Sais-tu seulement ce qu’est un deuil ? Je présume que non. Au final, les gens diront que c’est triste mais toi, tu ne vois rien triste, si ce n’est de pas voir tes frères, ta sœur et ton papa. Ce qui ne peut te toucher puisque tu dors. Rêves-tu ? Et si tu rêves, à quoi rêves-tu ?

Quand tu cauchemardes, tu vois des trains. Ils te font peur mais tu n’en comprends pas la raison. Quand tu rêves, tu es magicien. Tu as une baguette magique et avec tu fais apparaître des lapins, des fleurs, des voitures, des bonhommes et même parfois tu fais apparaître ton papa.

Autour de toi, les gens s’agitent. Tu n’es pas Blanche Neige ni Aurore, mais tu dors sur ton lit et les autres te veillent. Ils prennent ton sang, ils surveillent ton états, ils te maintiennent en vie. Dernièrement, pourtant, ces gens sont plus inquiets. Plus stressés. Il faut dire que quelqu’un te recherche, depuis bon nombre d’années et que telle l’araignée, lorsqu’il aura formé sa toile et capturé sa proie, il ne la laissera pas s’échapper.

Est-ce pour ça que tu es réveillé ? Qu’ils ton réveillé ? Sans doute. Tes yeux sont fatigués. Ton corps est fatigué. Tu viens à peine de te lever que déjà, déjà tu veux te reposer. Dans ton pantalon de magicien, tu as du mal à te lever. Tu t’assoies sur le lit, on te soulève le bras, une aiguille te prend du sang. Tu te rendors. Un nouveau cauchemar. Encore un train, un train qu’on t’injecte, qui roule dans tes veines et fait des roulements stridents.

Tu ouvres les yeux à nouveau. Tu es dans une petite chambre, tout seul. Autrefois, il y avait d’autres enfants. Tes petits pieds remuent sur le lit où tu es assis. Tu ouvres la bouche pour dire « Daddy ? » puis tu te rendors. Encore. Encore.

Allez, il faut te lever. Essaye seulement. Non ? Cela ne fait rien. On essayera un autre soir. Un autre matin. Ne t’en fais. Quelques parts, un monstre veille sur toi.