Elle aimait se dire qu'elle n'avait peur de rien, elle aimait croire que rien ne l'atteignait, mais derrière son sourire factice, ses yeux qui se plissaient sous la fausse joie qu'elle peignant sur sa figure comme une guerrière éteinte, elle avait peur de beaucoup de choses, elle avait peur des chiens, elles avait peur de l'orage, elle avait peur des rongeurs, elle avait peur d'elle même, elle avait surtout peur de le perdre. Elle s'était habituée à lui si vite et malgré tout ils étaient si différents et si semblables à la fois. Elle avait peur qu'un jour elle trouve l'appartement vide, elle avait peur qu'il s'en aille tout simplement, elle avait peur qu'il en ait assez d'elle, elle avait peur d'être seule. Elle se rangeait sous de grands airs mais se réconfortait toujours quand ses grands bras s'enroulaient autour d'elle, elle se sentait mieux quand sa peau entrait en contact avec la sienne, elle se sentait mieux quand elle le voyait, quand elle l'avait dans son champ de vision. D'aucuns auraient dit qu'il n'avait rien de rassurant, ces gens là ne connaissaient pas ce côté de lui, ne le connaissaient pas tout court. Pas vraiment, et elle n'avait pas l'audace de croire tout connaître de lui, mais ce lui là, ce lui qui la serrait contre lui comme un doudou, celui qui avait couru pour venir la rassurer, celui qui la rassurait rien qu'avec la couleur et la profondeur de ses yeux, celui là, personne ne le connaissait mieux qu'elle, celui là, elle le connaissait par cœur. Elle aimait et avait appris à aimer tous ceux qu'il pouvait être, tout comme il était familier avec toutes celles qu'elle pouvait être, il était le Toulouze de Teodora, elle était la Teodora de Toulouze.
Elle connaissait son odeur, ses choix vestimentaires, ses bouderies, ses chamailleries et ses caprices, elle savait retracer les marques sur son corps les yeux fermés, elle savait reconnaître le timbre de sa voix à des kilomètres, elle ne connaissait pas tout de lui, mais elle en savait plus que beaucoup de monde. Il ne connaissait pas tout d'elle mais il en savait plus que le royaume des morts réuni aurait pu donner d'informations sur elle. Elle le reconnaissait dans ses yeux, elle adorait et chérissait ce côté d'enfant perdu qui se raccrochait à elle, elle chérissait ce côté indépendant qui parfois fuyait loin d'elle, elle chérissait ce côté désinvolte qui la laissait parfois en dehors de ce qu'il faisait. Elle aimait tout chez lui, même si elle avait fait des efforts pour tout monter, pour transporter le plateau jusqu'au lit alors qu'il n'avait plus l'air de vouloir manger, elle aimait cette boule de poils qui parfois ne lui laissait aucune intimité tellement elle était collée à celui qu'elle aimait, elle aimait ses attitudes grognons, elle aimait ce surnom qu'il lui avait donné sans même savoir qu'il correspondait à son second prénom, elle aimait son accent en suédois.
Elle se blottissait contre lui, elle l'avait laissé l'entraîner à nouveau au creux du lit, elle embrassait sa tempe en caressant ses cheveux. Elle se sentait bien, elle se sentait complète et en sécurité avec lui, la sonnette avait beau hurler elle continuait de lui offrir son plus beau sourire.
« C'est une option, de toute façon on a à manger si on veut, je ne suis pas pressée. »
Elle oubliait volontairement les assiettes et les verres laissés en bas, la machine à café qui tournait dans le vide, les pleurs factices de Rosette qui tentait désespérément d'obtenir l'attention du zombie, le petit cochon poilu qu'elle aimait autant que Jambon mais qui parfois ne lui rendait pas si bien. Elle enfonçait son nez dans ses cheveux, elle caressait sa peau foncée, elle oubliait sa peur, elle oubliait sa difficulté à retrouver le sommeil dans le nid qu'il lui construisait avec ses bras autour d'elle. Elle pouffait de rire à sa remarque qui lui plaisait mais soulevait tout de même des questions et inquiétudes légères et passagères.
« Et s'il s'acharne ? »
Elle savait, que ce n'était pas la voisine, mais bien quelqu'un qu'elle avait envoyé, c'est à dire son mari, elle ne serait jamais revenue après le spectacle que Toulouze lui avait offert, que Teodora avait trouvé parfait même si ce n'était sûrement pas l'avis de l'ancêtre. Elle regardait l'africain avec de la malice dans les yeux, venant embrasser le bout de son nez.
« On peut faire comme on a dit ceci dit, j'ai un t-shirt et une culotte à retirer, ça marchera peut-être mais il me semblait que tu étais contre cette idée. »
Elle lui offrait son sourire le plus malicieux, elle en jouait un peu, mais elle aimait aussi celui qu'il était quand il était possessif et jaloux, elle aimait sentir ses bras se refermer sur elle, retracer son tatouage alors qu'elle regardait les griffonnages au feutre qu'ils s'étaient infligés.
« On pourrait même l'inviter à prendre le petit déjeuner, je crois que j'en ai trop fait ? »
Elle plaisantait, elle préférait encore manger une pizza froide au réveil que de passer plus de temps que nécessaire avec leurs voisins trop encombrants et tatillons à son goût.