Pourvu qu'on soit les seuls dans cet ascenseur ✦ Rory bro

Rory grimace faussement, puis hausse des épaules sans vraiment avouer s’il allait sérieusement à choisir une pizza aux goûts douteux pour Altan (il ne ferait pas ça, c’est toujours de fausses menaces, des taquineries sans fin). Au moins, ils s’éloignent de la prison pour aller ailleurs, peut-être à la destination finale, Rory l’espère. Il serait si fier si grâce à lui ils pouvaient fuir ce méchant manège. Ses pensées sont sûrement entendues, l’ascenseur s’arrête enfin et sonne, *TING*, c’est enfin le moment, il faut y croire. Rory, déjà tourné vers la porte d’ascenseur, la fixe intensément comme si ça allait la faire s’ouvrir plus rapidement, ou peut-être au contraire, la garder fermée.

À trop vouloir finir gagnant, voilà qu’il est un peu coupable en finalité. Rory serait prêt à croire qu’il a cassé l’ascenseur et il laisse échapper un juron, à peine audible avec Altan à côté qui s’exclame déjà. Son colocataire le regarde se ruer vers la porte pour essayer de l’ouvrir, sans succès, ils ont l’air bel et bien coincés. Un peu embêté, Rory se gratte l’arrière du crâne, prêt à rire pour détendre l’atmosphère. Rory est toujours là pour prétendre que tout va bien, quand tout va mal mais il est d’abord surpris par Altan qui fait volte face, sourire forcé.

« Je pense qu’on peut toujours essayer, on n’est pas à ça près… »

De toute façon, Altan n’attend pas vraiment son accord pour se préparer à appuyer sur tous les boutons. Rory le regarde faire, toujours derrière. Il aurait bien voulu l’aider, mais il laisse à Altan ce plaisir là, s’acharner sur l’ascenseur devait sûrement aider à décompresser un peu. L’ascenseur se remet en marche, continue son ascension, ou bien il descend encore, difficile à dire en réalité. Ils attendent encore un peu et cette fois-ci, les portes s’ouvrent de nouveau.

« Oh ! Je crois qu’on y est Altan ! »

Rory croit reconnaitre le couloir, celui qui mène aux différents appartements. Ils étaient enfin sauvés ! Il attrape le bras de son ami sans plus discuter et l’entraîne à l’extérieur de l’ascenseur. Seulement, la désillusion le rattrape bien assez vite et ça fait mal. S’ils étaient bien à l’un des étages des appartements de l’Agence, ce n’était pas celui de Van Gogh, mais ils n’étaient pas loin. Il n’attend alors pas plus longtemps et retourne au point de départ, un peu bêtement mais surtout par réflexe, dans l’ascenseur.

« C’est pas le bon en fait, mais on y est… Presque ! » Encore entendu par le démon, il les emprisonne encore et ferme les portes derrière eux. « Attends… Oups ? »

Dans la précipitation, Rory avait juste envie d’arriver au plus vite au bon étage, mais rien ne leur dit que leur souhait sera bien entendu pour une fois. Altan allait le détester, Rory les a jetés tous les deux de nouveau dans la gueule du loup sans réfléchir, telle une petite brebis apeurée. Il allait peut-être lui acheter double pizzas ce soir pour se faire pardonner, au final. Il n’ose plus bouger, jette juste un petit coup d’œil vers les boutons de l’ascenseur. Au fond, il a juste envie de laisser Altan réappuyer sur l’un d’eux, il a l’air d’avoir un peu plus de chance que lui.

Miracle, ô miracle de la porte ouverte que tu n’as pas le temps de savourer que déjà tu es précipité par Rory vers l’extérieur.
Le grand air (d’un étage d’appartements), la joie soulagée d’être enfin sorti quand tu étais à deux doigts de perdre patience, qu’importe si vous n’étiez pas au bon étage, au moins vous aviez pu sortir.

Pas grave si c’est pas le bon, les escaliers n’étaient pas loin, il suffisait même de ne monter qu’un seul étage.

Mais avant que tu n’aies pu entamer ta course, c’est un demi-tour subit qu’on te fait opérer et voilà que Rory vous jette à nouveau dans la gueule du loup.

Les portes se ferment à nouveau dans ce TING que t’as juste envie de faire ravaler si la surprise n’avait pas dissipé pendant quelques secondes ton irritation bien installée.

Mais en faisant ça, Rory avait simplement remis un ossement dans la cocotte-minute.

Silence de mort.

Ça siffle, ça fume, ça évacue la pression par les oreilles. Le poids de la crispation agrippe la peau de ton visage vers le bas pour y peindre à la truelle une grimace qui aurait pu être amusante si elle n’était pas accompagnée d’un cri silencieux.

Inspiration profonde.
Expiration plus longue.
Le calme de l’œil du cyclone.

Et tu empoignes les épaules et secoues d’avant en arrière le prunier roux qui te sert de pote.

« OUPS !? BRO BON SANG. JE T’AIME MAIS LÀ J’AI JUSTE ENVIE DE TE ZIGOUILLER ! » Façon de vociférer parler, mais il avait compris. « On aurait pu prendre les escaliers, l’appart’ est juste au-dessus ! Pourquoi t’as remis les pieds dedans en m’emportant avec toi !? T’es maso !? »

Encore quelques aller-retours de tête pour le pauvre Rory que tu finis par lâcher en poussant un grognement. Autant évacuer la pression maintenant, tes colères sont toujours courtes mais intenses.

Tu tentes à nouveau d’ouvrir la porte à la force de tes bras, sans succès. A quoi tu t’attendais.

« Je te JURE tu vas me le payer quand on sort de là ! »

Ce n’est jamais méchant avec toi, Rory savait ce que tu voulais dire, mais là n’était certainement pas le moment de réfléchir à un châtiment. Le colère et l’agacement (un stress externe à la situation sans doute quelque part) te font exagérer et tu sais pertinemment que tu garderas de l’évènement un souvenir désagréable dont il faut rire et charrier le Canadien.

C’est à nouveau tous les boutons que tu presses (fort) sans grand espoir.

« J’espère que t’es satisfait Ascenseur ! » (de mes deux)

Et toi aussi Rory. On te retient.

Rory garde le sourire, un peu désolé cette fois, parce qu’il a bien compris qu’il a joué au con. Le silence s’impose à l’intérieur de l’ascenseur démoniaque mais Rory sait bien que ce n’est qu’une question de temps avant que son ami n’implose. Il l’aura cherché après tout, il accepte sa sentence, même si au fond il avait juste envie de s’amuser encore un peu, le hasard fait parfois bien les choses et ça le faisait rire, mais ça ne semble pas être le cas de tout le monde… Parce que ça finit par éclater.

Ses épaules sont attrapées fermement et son corps secoué dans tous les sens, sa tête qui ne tient plus en place et les oreilles qui pourraient presque siffler avec les plaintes d’Altan, Rory se laisse faire sans dire un mot jusqu’à ce qu’il soit libéré. Il finit par ricaner un peu, que ce soit nerveux ou juste parce qu’il est si insouciant qu’il est impossible pour lui de s’inquiéter, il reste tout de même un peu sonné. Les colères d’Altan sont imprévisibles, aussi surprenantes que brutales, Rory considère tout de même tout ce cirque comme une réussite, avec ses bêtises il aura réussi à agacer son colocataire jusqu’au bout, mais ce n’est jamais avec mauvaise intention.

« Je t’avoue que je me rends le premier compte que… Ouais, peut-être bien que je suis maso. Mais on s’amuse non ? »

Il cherche un peu trop, là. Il laisse Altan essayer de forcer les portes à s’ouvrir, évidemment sans succès. Alors il laisse encore Altan devoir appuyer sur un des boutons pour leur destination finale s’ils y arrivent. De toute façon, dès que les portes s’ouvriront, impossible de garder Altan à l’intérieur, et c’est toujours plus amusant avec lui alors Rory finira bien par le suivre s’il le peut. En attendant, il se fait tout petit dans un des coins. Peut-être qu’il valait mieux ne plus rien dire, mais impossible pour Rory de rester silencieux trop longtemps.

« T’inquiètes pas mon bro, je comprends ton agacement mais je vais te faire oublier tout ça. Je te promets que tu vas vite oublier cette mésaventure quand je vais t’acheter tes pizzas préférées, tu peux tout me demander ce soir ! Si ça peut me pardonner… »

Il termine avec des yeux doux, presque larmoyants. Même s’ils ne font que de se charrier tout le temps, Rory n’a quand même pas envie de vexer son ami pour de vrai, là n’est pas le but. Il avait été bête, mais Rory est comme ça, toujours trop pris dans l’euphorie jusqu’à tout foirer au final. Il ne retient jamais ses erreurs, bravo. Seulement, il est persuadé que ce ne sera plus qu’un lointain souvenir, un mauvais moment passé dont ils riront plus tard (ou dont seul Rory rira, peut-être). Ça s’annonce au dernier TING, le final qui laisse ouvrir les portes de l’ascenseur au rez-de-chaussée. Le point de départ de l’Agence est leur destination finale. Au bout du compte Rory finit convaincu que l’ascenseur cache un réel démon qui peut les entendre et lire leurs pensées, qui s’amuse de leur malheur jusqu’au bout, mais il n’y a pas le temps d’y penser plus longtemps, évidemment ils sortent tous les deux sans attendre.

« Voilà, c’est fini promis ! Je me tiens même à deux mètres pour que tu sois sûr que je t’attrape pas et te jette avec moi dans l’ascenseur de nouveau, ok ? »

Il lève les mains en l’air, sourire faussement innocent, surtout taquin. Il finira bien par se rapprocher d’Altan tôt ou tard, lui offrir un câlin d’excuse pour se faire pardonner de toutes ses bêtises d’aujourd’hui, mais après tout, c’est aussi Altan qui avait commencé, il lui dira ça plus tard pour continuer de l’embêter… Pour le moment, il est temps de commander les pizzas et de prendre les escaliers jusqu’à leur appartement, surtout plus l’ascenseur.