Un duo de choix | PV : Céleste

“Peut être que je vois trop loin, et même si je respecte vos vues, je pense qu’aborder le problème de cette manière sera plus aisée.”
“Hm bien sûr. Je porte déjà la mauvaise couleur de peau, n’allons pas ajouter une autre complication.”

De sa vie, Louis a toujours réfléchi de cette manière.
C’est triste probablement. Plus encore qu’il en ait eu l’habitude, à force.

Vous entrez alors dans l’hôpital. Bientôt les visites seront fermées, alors il ne faudra pas tarder. Le plus simple sera encore d’aller s’enfermer dans les toilettes une fois le couvre-feu passé. Pour l’instant, il ne faut simplement pas se faire repérer. Pas de chance, Mme. Smith ne passe pas. Louis tire une moue confuse, expressément confuse il faut dire - et à demi surjouée. Smith, ça passe toujours, ou presque.

“Vraiment ? Pourtant maman avait dit qu’elle est chambre 315.”

L’agent à l’accueil vérifie de nouveau.
Louis le voit baisser les yeux sur son ordinateur.

“Peut être qu’elle vous a donné son nom de jeune fille…”
“Ah mais oui, suis-je bête ! Voyez-vous, je suis un ami de la famille*, et j’avais oublié que cette chère “Mme. Smith” n’avait pas changé de nom lors de son mariage. Ça se fait de plus en plus paraît-il. Les jeunes n’ont plus aucun respect des institutions, de nos jours.”

Louis n’a jamais été croyant pour un sou.
Mais visiblement, ce qu’il baragouine fait fortement plaisir à l’agent d’accueil, plutôt âgé, typé à droite, porté religion. Il vous dit que c’est bon, on peut passer. Troisième étage, service cardiologie.

Vous vous éloignez tranquillement de l’accueil, direction l’ascenseur.
Tout paraît parfaitement normal.

“Eh bien, quelle manque de chance. Mme. Smith fonctionne toujours pourtant.”

Il a l’air réellement gêné.

“Hm qu’importe. J’espère que vous êtes prêtes à passer quelques heures sur la cuvette des toilettes. Ils font le nettoyage au matin, alors nous devrions déjà être sortis à cette heure-là.”

“Pourquoi je ne suis pas étonnée ?”
“Probablement parce que fouiller l’hôpital de jour, avec beaucoup de passage, serait une idée extrêmement mauvaise ?”
“Vers quelle heure en sort-on ?”
“Hm voyons… Les visites s’arrêtent à dix-huit heures, le dîner est servi dans la foulée, l’hôpital ferme ses portes à dix-neuf heures trente et les équipes de nuit prennent le relais à vingt heures.”

Il fait un calcul rapide, semble compter sur ses doigts avant de se prononcer définitivement.

“Mettons vingt-et-une heures trente, soit une demi-heure après l’extinction des feux. Ça laissera le temps aux équipes de nuit de faire des tours dans les couloirs et qu’ils s’installent dans leurs salles de repos.”

Les hôpitaux fonctionnent tous à peu près de la même façon. Et Louis les infiltre régulièrement, que ce soit comme aujourd’hui pour des poches de sang, ou pour mordre des cas désespérés. Les cancéreux en phase terminale par exemple - jamais d’enfant néanmoins, c’est là l’une de ses limites.

Louis s'installe donc dans les toilettes homme.
C’est propre, il en serait presque ravi - ce n’est pas toujours le cas.

Et il attend. Il joue avec la montre que lui avait offert Camille voilà des années, sort un petit ouvrage de poésie qui rentre dans la poche intérieure de sa veste, s’amuse à compter le nombre de carreaux sur les murs et au plafond. Le temps passe lentement, il est vrai, mais il en a l’habitude. Il somnole à un moment, pour oublier qu’il commence à avoir faim - la vraie faim, celle de nourriture solide. Si le temps vous le permet, vous pourriez peut-être aller manger un morceau dans un restaurant fast-food qui ouvre jusqu'à minuit ?

Vingt-et-une heure trente arrive.
Louis sort discrètement de ses toilettes.

Le couloir est sombre et désert. Vous ne vous êtes pas arrêtés dans un service, donc peu de chances que des agents de nuit ne viennent vous déranger. Lorsque tu le rejoins, Louis se trouve devant le plan de l’établissement, où sont indiqués les services. Il te sourit.

“Le temps n’a pas été trop long ?”

Il pointe le plan.

“Les poches sont conservées en chambre froide, au sous-sol. Il faudra se servir sur celles qui ont été prélevées dans la journée, sinon ils commencent à séparer les composants et ça n’est plus d’aucune utilité.”

Bien évidemment, une fois prélevées, ces poches devront être utilisées le plus rapidement possible par les services de Refuge. Sinon, elles perdent en qualité - rien d’étonnant à ce que Louis, grand gourmet, préfère aller se servir à la source.

“Prenons les escaliers, ce sera plus discret.”

“C'est si précis que ça ? Je ne pensais pas que ça change grand-chose.”
“Disons qu’une fois les composants séparés, ça n’est plus d’aucune utilité pour nous.”

Et ils sont vite séparés, car ils se conservent différemment. A force de petites magouilles, Louis a fini par se renseigner. Il n’est pas biologiste, il est vrai - il est mathématicien, pas la même discipline - mais il aime savoir ce qu’il fait, et pourquoi il le fait. Sa logique toute mathématique le pousse déjà à aller voler des hôpitaux, plutôt que de prélever sur une personne fraîchement tuée.

Ça fait plus de poches.
Logique pour faire face à l’augmentation exponentielle du nombre de vampires.

“Sinon on peut s'amuser avec l'alarme incendie. Ou les protocoles indiquent peut-être de sécuriser ce que l'on recherche.”
“Hm… Ce peut être une possibilité en effet. Mieux vaut se faire discret.”
“Dans tous les cas, il nous faudra sûrement récupérer un petit déguisement.”
“En effet, les casiers des infirmiers ou la laverie sera parfaite pour ça.”

La laverie sera également au sous-sol, probablement.
Ce serait idiot qu’elle n’y soit pas.

Louis se tourne vers toi alors, hoche la tête. Il va falloir y aller, le plus vite possible. Rapide et discret seront vos deux mots d’ordre. Vous dirigez alors vers les escaliers, ils sont peu empruntés désormais et Louis peut bien en comprendre la raison - la facilité, avec sa jambe en vrac, aurait vraiment été de prendre l’ascenseur. Moins discret, pourtant. Alors tant pis.

Et des pas qui résonnent.
Louis se fige, les cheveux hérissés dans sa nuque.

“Flûte !”

Il souffle bruyamment, et se précipite vers la cage d’escalier.

En face de vous apparaît un infirmier. Il ne vous connaît pas, logique - et la question qui arrive à la suite l’est tout autant. Vous êtes qui ? Evidemment, c’est bien là le pire de ce qu’il pouvait survenir.

“Dr. Wilson, et voici mon assistante, Miss Raine - encore en plein dans ses études. Nous sommes de passage, nous sommes proposés pour aider à la garde de cette nuit.”

Ah il semble vous croire - tant mieux, Louis aurait été bien embêté dans le cas contraire. Qu’aurait-il fait de ce cas ? Eh bien, c’est une bonne question il est vrai. Ses capacités d’improvisation restent limitées tout de même.

“D'ailleurs, nous allons récupérer nos uniformes. Je n'ai pas encore l'habitude, vous seriez terriblement sympathique si vous pouviez nous montrer le chemin.”

Louis hausse un sourcil.
Terriblement sympathique ?

Il jauge le jeune homme, qui semble sans peine se laisser attraper. Un spécimen blessant pour la gente masculine, il est vrai. Mais bien pratique à cette occasion. Alors Louis ne dit rien, mais n’en pense pas moins à son égard.

Il vous propose de le suivre - surtout à toi, Louis et ses cinquante années physiques ne semblent pas l’intéresser le moins du monde - pour descendre les étages. Il te pose quelques questions, d’où venez-vous et que faites-vous, des basiques dont Louis enregistre tes réponses si jamais il faut les ressortir à un moment ou à un autre, mais avec lesquelles il te laisse te débrouiller. Quelques marches plus bas, difficiles à descendre pour Louis et sa canne, et vous voilà arrivés devant la laverie. Intérieurement, Louis se demande si la blouse lui siérait bien.

Il vous abandonne ici.
Un poids qui s’échappe.

“Eh bien, heureusement que ce jeune homme ne réfléchissait pas uniquement avec son cerveau… Merci de votre intervention, sans cela… Bref, essayons de trouver quelque chose à notre taille.”

Quelques blouses plus tard, Louis en dégote une qui lui tombe au milieu des cuisses, mais qui - fait rare - lui taillent parfaitement les épaules et les bras. Il se convainc de voler celle-ci.