Here comes trouble | Anathema & Hisa

Absorbé par le papier puis perdu entre les lignes, Hisa ne pourra pas voir son ex-mari sauter par-dessus le canapé.
Il distingue un souffle sortant du rembourrage mais l’oublie aussitôt, on ne peut pas se plaindre de quelque chose qu’on distingue à peine. Grande chance pour Anathema qui esquive de peu l’éternel regard désapprobateur du nécromancien.

Le stylo plume sur le papier ne produit qu’un léger son alors que le salon prend vie des déplacements de son occupant. Il se ravive là où Hisa ne s’y était que assoupi depuis plusieurs jours. C’était comme s’il reprenait des couleurs au rythme des rayons de soleil perçant les fenêtres suivant naturellement Anathema. Là où il allait le monde se teintait de ses couleurs les plus chaudes, c’était un effet que le blond avait pu apercevoir maintes et maintes fois. Il était l’été quand lui ne pouvait être que l’hiver froid, c’était peut-être ce qui les avait brisé.

N’importe quoi, Hisa sait bien qui a frappé le premier coup et qui a fini par tout faire partir en éclats.

Sa voix résonne jusque lui et lui sort la tête des feuilles infernales.
Il en avait besoin, d’une pause, d’une brise, et il s’en rendit compte en se tournant vers Anathema.

“ Oui c’est ça. “, répondit-il, légèrement surprit par la mémoire du poltergeist.

Soudain leurs soirées passées lui revint en tête comme un raz de marée.
Les doigts d’Anathema sur le lecteur DVD, le triturant comme la machine ancienne qu’elle était, le générique familier d’une série télé puis cette chaleur revenant à lui. Des bras l’entourant puis un plaid le recouvrant. Un thé comme accompagnement ou bien un chocolat chaud lorsque Noël se faisait proche. L’odeur du dîner toujours dans l’air, peut-être que ce soir Ana a touché à son assiette, peut-être que non.
Sa respiration stable contre lui, levant sa tête puis la descendant. Le sommeil se fait déjà sentir mais peu lui importe, il s’endormirait bien à ses côtés.

Lui aussi doit s’en souvenir, avec la sortie du lecteur, avec les saisons précédentes de leur série préférée.
A vrai dire Hisa se rappelait mieux de la sensation de la peau d’Anathema contre la sienne, de son souffle sur ses cheveux, de son regard sur ses paupières endormis, que du contenu des épisodes visionnés. C’était plus cher à ses yeux, ça l’était toujours d’une différente manière.

Un soupire fend l’air, le fonctionnaire ferait mieux de se reconcentrer sur le reste du formulaire.
Mais il le finira penché vers le salon, les pensées nostalgiques.

" J'ai totalement oublié ce qu'il s'est passé dans la saison précédente. "

Le Plus belle la vie du monde des morts, aussi difficile à résumer que leur deux longues vies et morts réunies. Hisa n'avait pas tout assimilé, certaines scènes lui revenaient en tête au fil des explications mais tout ce dont il se souvenait après l'aide d'Anathema était que : de un il n'aimait pas Rebecca et, de deux, qu'il avait eu une légère obsession envers Lúcio Carvalha après avoir vu la saison précédente. Les jeunes prodiges ont toujours ses faveurs, il se projette en eux sans s'en rendre compte.
Mais à part les personnages qu'il déteste et ses favoris, Hisa doit avouer ne pas se rappeler de grand chose.

Tant pis, il se souviendra bien en regardant et c'est ce que l'autre lui propose. Ses yeux se posent sur les feuilles entre ses mains.
Est-ce que ce serait très sérieux de les mettre de côté un moment ?
Avec le travail, Hisa avait totalement zappé avoir acheté le dvd avant cette visite surprise, ce serait le bon moment pour prendre le temps de le regarder.
Puis son regard se tourne vers le spectre, vers le canapé et ses plaids étalés comme s'ils attendaient impatiemment d'être enroulés autour de quelqu'un.

Est-ce que ce ne serait pas bizarre de se retrouver côtes à côtes devant sa télé après tout ce temps, après tout ce qu'il s'est passé ?

Hisa est en claire réflexion durant un court instant, il ne voudrait pas se laisser trop aller avec Anathema, il ne veut pas se faire avoir une seconde fois.

Son intérêt se reporte sur les documents. Presque remplis, peints de son encre noire formant son écriture soignée.

Après tout il a quasiment fini,
après tout ça fait un moment qu'il veut regarder la suite de cette série,

après tout Anathema lui a si gentiment demandé.

" D'accord j'arrive, j'ai bientôt fini de toute façon . "

Ses excuses bateau auront raison de lui.
Il se lève et vient s'installer sur le sofa vide.

Pourquoi a-t-il toujours autant de mal à lui refuser quoi que ce soit ?

Il en profite pour attraper son coussin préféré et le serre dans ses bras, peut-être à la recherche d'un soutien émotionnel, puis s'enroule dans l'un des plaids avant qu'Anathema ne puisse s'assoir à ses côtés.

L'écran s'assombri, la pièce devient silencieuse puis les premières images se dévoilent.

Les enceintes font résonner des dialogues dévoilant la suite de l'aventure mais c'est dans son salon que la tension se lève. Au moindre bruissement, à chaque mouvement de son voisin, Hisa se force tant à vouloir rester neutre en sa présence qu'il sursaute à chaque son.
Il aurait aimé qu'un mur les sépare mais au lieu de ça, même sous sa couverture, il peut sentir le canapé abaissé de son côté. Il peut entendre sa respiration qu'il imagine calme et nonchalante contrairement à lui.

Il l'énerve, ça l'énerve d'être le seul encore affecté par leur passé. Pour une raison qui l'échappe il est toujours sensible à la présence d'Anathema mais pourquoi, lui, ça n'a jamais l'air de l'affecter ?

Ses sourcils se froncent contre son gré et le nécromancien essaie désespérément de se replonger dans la trame de Toshi No Kimeras.
Il inspire profondément, fait le vide dans son esprit, puis expire en fixant son regard sur la télévision et cette image incandescente.

Ce gros plan infernal sur des flammes dansantes léchant le ciel du Tokyo des morts.

C'est plus fort que lui Hisa frissonne. Même en image il a du mal à ne pas réagir.
Il se sent bête,
si bête , surtout en sa présence.

Evidement, il espère ne pas avoir été vu.
Evidement, il sert les poings quelques secondes, le temps que l'image parte, puis essaie de suivre ce qui a causé un tel incident dans la série.

Il s'imagine déjà l'inquiétude agaçante d'Anathema, ses yeux vert le perçant de toute part. Se rappelant de sa phobie, la peine dans le regard.
Tout mais pas ça.

Ne commence pas à t'inquiéter pour moi maintenant.

Pense à autre chose,
pense à autre chose.
Reste calme et
dit quelque chose.

" Je suis sorti avec un pompier une fois "

Pas ça !

Anathema est piquant, comme toujours. Sa répartie n'a rien perdue de sa superbe.
Blaguer, c'est sa façon de se cacher, c'est sa façon de sociabiliser, c'est sa façon de tout, sa façade préférée.

S'il a remarqué le malaise d'Hisa, il n'en dit rien et le cache parfaitement, tant mieux pour lui. Peut-être sympathise-t-il avec le nécromancien, peut-être n'en a-t-il rien à faire après tout.
Gentillesse ou désintérêt, le blond décoloré ne peut pas deviner et passe vite à autre chose. Lui qui a un jour cru pouvoir décrypter son ex amant sait aujourd'hui que toute tentative est vaine.

Hisa passe à autre choses, Hisa sourit à la blague, essai de répondre mais est prit de court par la dernière remarque du poltergeist.

Cette phrase pince son cœur sans crier gare, et il se déteste pour ça. La nostalgie lui colle à la peau comme une maladie incurable, malgré tout ce qu'ils ont vécu, à cause de tout ce qu'ils ont vécu.

Il rit amèrement sans pouvoir le contrôler, lui aussi se défend grâce à son humour finalement. Il étreint le coussin entre ses bras plus fort et évite le regard d'Anathema le temps de trouver une réponse.

Il a peur d'acquiescer, ça lui ferait trop plaisir, mais comment mentir quand sa poitrine le sert si fort.

" Tu serais encore là si tu avais fait les bons choix ", c'est ce qu'il a envie de lui crier, mais sa force s'est décantée après leur énième dispute.
Maintenant c'est la nostalgie qui prend le dessus, le souvenir des bons moments uniquement, les mauvais occultés.

Hisa se mord la lèvre, matérialisation de son corps tentant de retenir ses paroles au fond de sa gorge. Il déchire un morceau de sa peau entre ses canines pendant deux secondes, sûrement longues pour son interlocuteur, puis après une trop intense réflexion pour leur banale discussion, il répond dans un souffle :

" Oui, j'aimais bien nos soirées télé. "

Une réponse bien simple qui lui a semblée avoir tétanisée son cerveau le temps de sa réflexion.
Mais c'est l'essentiel, la plus simple réponse à sa remarque.

Que peut-il dire de plus sans perturber ce rare moment de calme entre eux.
Hisa soupire, comme s'il retenait son souffle depuis cinq bonnes minutes, et fini par regarder dans la direction d'Ana sans pour autant soutenir son regard. Il est bien trop sur la défensive pour ça.

Il a envie de le piquer à son tour, ça rallumerai certainement le flambeau de leurs disputes mais son cœur s'allégerait peut-être.

" On pourrait en refaire, ça changerait de d'habitude. Pour une fois tu m'appelleras pour autre choses que remplir tes papiers administratifs. "

Oui ça le vexait, oui il voulait voir Anathema sous d'autres prétexte, non il ne l'avouera pas de cette façon. Ce serait avouer qu'il lui porte toujours de l'intérêt et Hisa ne veut pas paraître le plus misérable des deux une nouvelle fois.