Flashback | You look a little tired... [TW : Mutilation]

Silence vite rompu alors que les dispositions ont été prises, ce qui était de la surprise se transforme en honte de ce qui pourrait avoir été entendu, puis de la colère — certain que l'autre sait.

On se tâte d'abord à garder le silence, illusion dans laquelle on devrait dormir, avant de se faire le même reproche que l'on le dira réellement à l'interlocuteur.

Quitte le drap délibérément placé entre les dents pour atténuer les râles, on ne fait pas dans la dentelle quand vient le tour de parler. 

— La lumière sous la porte, ça te dit rien ?

Que rétorque la voix rendue acerbe par l'ignorance arriérée qui aurait pu être évitée. Irritable à souhait maintenant que l'activité doit prendre fin, on se lèvera d'un coup sec pour sortir la tête furibonde derrière l'embrasure de la porte - tanière secrètement gardée.

— Qu'est-ce que tu m'veux, bordel ?

Visage du dédain qui accueille, c'est qu'il devrait s'estimer non seulement chanceux à avoir obtenu une réponse, mais qu'en plus, les nerfs précédemment apaisés soient suffisamment solides pour ne pas l'envoyer davantage sur les roses avec le vocabulaire cinglant qui a, plus d'une fois, déjà fait ses preuves ici.

Et avec ça, aucun effort pour cacher les dégâts. L'air de dire ouvertement,

Grimace le visage aux paupières écarquillées par la rage de ce que supporte le mental, la voilà, la triste vérité du soi, la vérité brute, celle qui conserve son énergie, recluse dans sa tanière pour ne pas effrayer les autres, parce qu'on préfère faire ça tout seul — et avec ça, on se félicite déjà de ne pas toucher aux drogues, seul moment où l'esprit s'apaise à la reconnaissance après l'auto-destruction massive.

Interlocuteur au grand sourire (tout sauf confiant) face à la porte, la gêne palpable nous tend, au même niveau qu'on sait qu'il ne veut pas reconnaître la vérité des traces sur la peau — qu'il les évite du regard, ne leur donnant aucun crédit. Choix fait par l'ignorance, on accueil mal sa décision ; c'est pire.
  
— Et donc ?

Devine la déduction face à ce que les yeux ne peuvent manquer d'une tasse dans la main, on l'évertue au courage d'annoncer la réelle raison de sa venue à travers le sarcasme, tacite dans son effet, qui ne fournit aucun effort à bousculer ses émotions.

Déni que l'estime à toujours détester, on ne saurait tolérer ce défaut chez les autres, même en quantité réduite.

— Y a du lait dans ton truc ?

Invitation à rentrer qui n'a rien à voir avec la politesse, on filtre les éventuelles oreilles baladeuses, désireux d'amenuiser les rumeurs auxquelles on ne tolérait aucune naissance qui remontera jusqu'aux nôtres. Vivant de l'être qui a connu ses ravages, l'âme à encore des souvenirs qu'elle ne souhaite pas revivre dans la mort.

Se ferme la porte, on lui laisse choisir son coin dans la chambre avant que tombe brutalement ce qui nous brûlait les lèvres.

— Tu vas continuer à faire comme si tu n'avais rien remarqué ou tu vas enfin dire quelque chose ?

À la rhétorique autant qu'il y paraît, le corps adosse ses vertèbres sur le bureau aux prémices d'une création, bestialité du dragon sur papier, au souffle ardent glacial.  

Croise les bras au regard direct, on semble le tenir en otage avec la conviction que c'est le prix à payer pour avoir osé déranger dans les activités intimes, et que, maintenant que c'est fait, les conséquences doivent s'élever au prix de la vérité ; comme pour inciter Léon à mieux voir, comme pour inciter Léon à mieux nous connaître,

Visage hermétique exposé aux déclarations, les agissements profonds n'ont aucune raison effective de ruiner la tentative de bien faire — mais le cœur n'est pas forcément aussi affecté par ce geste qu'on estime comme le strict minimum à connaître de l'autre. Incapacité à faire semblant de s'intéresser, c'est une raison pour lesquelles on ne s'est jamais particulièrement épanché sur ses goûts.

Fausse empathie qu'on jauge à travers des sourires et des excuses qui en sont sous la forme de justifications à ne plus en finir, le carcan mental a du mal à croire que tout de lui puisse être sincère dans ses propos, puisque les expériences ont bien appris que l'être humain est seulement motivé par ses besoins égoïstes. Chez Léon, c'est purement un besoin de reconnaissance qu'il nourrit à travers l'aide excessive à laquelle il peut contribuer — pire, c'est sa tendance vraisemblablement innée à s'aplatir et s'adapter qui vide le peu de patience encore disponible : on a pour devoir de réveiller tout ça.

— Et alors ? Y a pas, en fait. Je suis totalement en droit de m'énerver si tes questions me déplaisent. Par contre, est-ce que ça veut dire que tu dois te taire ? Non, certainement pas.

De ce que l'analyse en a saisi, Léon s'écrase (encore) facilement face à une autorité ou semblant d'autorité — rien qui n'a été difficile à déduire, car il suffit de faire attention à ce qui est exprimé, autant qu'avoir la capacité à lire entre les lignes. Il est comme les autres, incapable de se rebeller face à un système oppressif.

Habitudes qui ne tariront jamais de mettre les autres face à ce qui les dérangent par la force du caractère, le regard reste fixe même si les bras se croisent pour protéger le stress qui noue la poitrine.

— Abrège Léon. Si tu veux dire un truc, tu le dis. On n'a pas le temps pour ça. Tu crois que je te ménage moi ? Bah non, alors pourquoi tu me fais toutes ses courbettes inutiles ?

Léon représente ce qui exècre. Peur dans l'anticipation qui nous montre une sorte de version parano de ce qu'on aurait pu être à travers lui si dénuer de valeurs et de but moraux ; on en devient irritant à tort, crachant presque délibérément dans la main tendue.

— Pourquoi je t'intéresse autant même ? T'as pas mieux à faire, genre ?

Affreusement affalé, on tire une gueule peu avenante - l'air cruellement paresseux, mais d'apparence seulement, puisque c'est la cohérence du système de valeurs qui est motivé par un intérêt grandissant pour la cause du colocataire, l'emportant bien plus que l'apathie nocturne.

Du passé, les expériences sont déjà venues en aide à un type qui était comme Léon, autrement dit, complètement soumis à la volonté des autres. Il a fallu beaucoup d'écoute pour en venir à bout, mais la force de caractère prêté a suffi, après de nombreux essais, à l'éloigner de son bourreau. Sauf, à notre connaissance, des bourreaux, Léon devrait en avoir plusieurs - voire se suffire à lui-même à force de s'aplatir devant n'importe qui : c'est à se demander comment il a survécu jusqu'ici... Enfin... bon.

Profusion de paroles à ne plus en finir, les nerfs semblent encore avoir assez de patience, puisque ce sera seulement une forte inspiration comme premier indicateur d'énervement qui viendra manifester la limite de ce qu'on peut vocalement endurer. Par contre, on ne se fera pas prier de dire ce qu'on en pense, lors du tour de parole.

— Donc sous prétexte qu'on est mort, alors on peut avoir tout le temps requis, sans prendre en compte un autre paramètre que "le temps qu'on a." Du coup la fatigue, "j'ai pas envie," ça ne te parle pas ? Elle est guez ta logique, Léon.

Puis - offusque sur l'expression du visage à ce qu'on entend comme étant qualifié d'animal blessé. Ne voulant en avoir l'air, ce sont les bras croisés qui nous étreignent pour soulager l'anxiété, qui, malgré tout, submerge.

— Eh beh, tu as l'air de suite vachement plus à l'aise pour quelqu'un qui ne voulait ni m'emmerder, ni m'énerver.

Car il fait sens que la colère restera froide, puisque détachement total des émotions face au jugement des autres. L'identité, on l'a forgée au fil des années -et des traumatismes- en rien, elle ne sera définie par ce qui est à l'extérieur de nous-même.

— Pourtant, les gens ferment toujours les yeux devant ce qu'ils ne veulent pas voir, alors que c'est juste sous leur nez. Positionnement direct, l'individualité cherche à se préserver. On placarde des affiches contre le suicide juste parce qu'une personne a commis l'irréparable. Est-ce que ça arrête le suicide pour autant ? Non. Les gens continuent de passer devant les mêmes affiches, mais ne font rien. Et toi, t'es déjà passé devant ma chambre en fermant les yeux ; alors, pourquoi, pourquoi aujourd'hui ?

Ainsi, se confirme ouvertement la frustration qu'il ait fallu autant de temps à Léon pour que les choses évidentes connues de l'être depuis des lustres deviennent enfin claires.

—  Tu te rends compte que tes propos sont extrêmement choquants ? Tu imposes ta personne aux autres avec la ferme conviction de pouvoir aider alors que certaines personnes refusent catégoriquement une aide quelconque, faut être givré jsp.

Curiosité de savoir s'il ne sera toujours pas aussi découragé après ça, n'essaye pas de le faire la morale, seulement, la méthode ne semble pas compatible avec toutes les personnes qu'il dit vouloir aider - mais, de ce qu'on anticipe déjà, il y trouverait son compte : aider à ne pas aider. Pathétique au sens du caractère, on admet tout de même que la volonté est là.

Marque un point supplémentaire l'adversaire a souligné que c'est bien la volonté qui l'a laissé pénétrée dans la taverne. Difficulté à l'admettre, c'est en lui ruinant le moral par les mots tranchants qu'on espère garder -ou confirmer- l'autorité.

—  Du reste, je ne crois pas avoir demandé à ce qu'on s'occupe de moi.

Au sens profond des valeurs, c'est plutôt Léon qui aurait besoin d'aide. Personne ne peut se complaire à prendre constamment la responsabilité du bien-être des autres. De par ce que l'analyse aiguë en à saisi : c'est de la vaine gloire, rien de plus.

—  Si tu attends toute ta vie qu'on te dise quoi faire, t'es mal barré mon pauvre.

Au final, on ne saurait dire si c'est plus notre procès que le sien.

—  Déjà, reste toi-même, ça t'évitera d'être la marionnette de n'importe qui.

Sans savoir pourquoi, on l'imagine inactif au cœur d'un conflit concernant deux de ses amis sans qu'il puisse en prendre parti pour l'un ou pour l'autre - ce doit être épuisant, à force, de se modeler à ce que les autres veulent sans réussir à trouver son identité dans ce bazar, car Léon ne nous fera pas croire que sa vaine gloire est une partie intégrante de son identité.

Au visage dénotant une expression de stoïcisme, on absorbe pourtant toute l'émotion - c'est qu'on reste figé par la tétanie de ne pas savoir comment traiter les sentiments du rouge qui pèse lourd alors que parallèlement peu exprimé. De l'enfance jusqu'à l'adolescence, les émotions ont été ignorées, si bien qu'il est aujourd'hui difficile d'identifier ce qui cause de la peine chez l'autre : on la sent, on l'insère en nous, et finalement ça fatigue et puis on en veut à la Terre entière.

Au silence de la réponse, les paupières s'abaissent pour ne pas causer plus de peine que les mots ont déjà su le faire. Relation aux motivations conflictuelles, c'est qu'on n'est pas prêt à abandonner les convictions qui ont longtemps construit le tempérament sous couvert de ne pas piétiner l'autre.

Dualité sévère qui nous fait prendre du recul, le carcan mental réalise que les fonctionnements de Léon entrent en conflit avec les nôtres au même titre que l'inverse.

Prise de décisions mise en priorité sur les valeurs personnelles, bien qu'on soit parfois d'humeur a écouter ceux des autres, le critère mettra toujours le confort personnel avant l'état émotionnel d'autrui, même si toutes les raisons du monde ne pointent pas l'aiguille en notre faveur.

Alors qu'il est préférable de le laisser aller, les sourcils se soulèvent de surprise en le voyant revenir qu'on n'est pas plus bavard. Épuisement de l'échange qui aura provisoirement raison de la combativité de gagner les débats, les orbes se font avaler par la peau autour, tant se froncent les sourcils à le fixer avec incrédulité.

Tourne les talons chez Léon, on fixe la trousse de soin que les bras meurtris par le passage du récent événement sont déjà en train de s'en panser, une fois la porte close. Sifflement du désinfectant qui évapore son nuage gazeux sur la zone, on sent la douleur qui remonte au prix qu'on connaît d'avoir eu le tort de se soulager sur soi-même.


Orage passé après avoir rechargé son énergie émotionnelle à dessiner aux aquamarker, l'esprit plus léger est disponible à enregistrer son numéro au papier laissé sur le bureau. Lueur dans les yeux qui n'hésite pas, le corps affalé aux mains allongées sur le meuble attrape le portable.  

D'une certaine manière, la fierté n'a jamais empêché l'action. Malgré ce qu'un bon nombre pourrait reprocher aux convictions de trop s'accrocher et de paraître antipathique, le cœur agit sans détour - y a jamais d'artifice dans ce que l'on dit.

"t'as pleuré ??"
[1:02]
"pcq je te sentais ému"
[1:02]
"ct pas un reproche au cas où"
[1:05]
"g mis trop de jugement sur ce que je croyais que tu ressentais"
[1:05]
"je crois tjrs ce que j'ai dit, mais je voulais pas te faire affront"
[1:05]
"t'es une bonne prsn, c juste que j'ai pas l'habitude qu'on s'occupe de moi"
[1:06]

Forme d'excuses à notre sauce, on n'a jamais été prompt à le faire dans la croyance que leur emploi serait synonyme d'abandonner la certitude qu'on a de soi. En revanche, parce qu'on est quand même sensible à la cause de l'autre, on sait se remettre en question par l'explication du fonctionnement interne : ça passera ou ça cassera, mais dans tous les cas, l'empathie se félicite de l'avoir exprimé.