On en a gros ! [Ft la coloc Bozo]

Oh non.

Oh non, non, non.

Ça, il en était hors de question. Astard Wealdborn est définitivement privé de dessert. C’est quoi, ça ? C’est quoi ce genre de comportement honteux ? Bien évidemment que tout le monde ne va pas s’entendre, que chacun ait des différents ! Mais bon sang de bon Dieu de bois ! On ne fracasse pas la porte d’autrui quand on est en colère ! Et surtout pas avec un canon !

C’est un manque complet de respect¹, vous savez ?

Et puis, pourquoi est-ce que Astard se moquait du pauvre Liam, qui était tout simplement un garçon serviable ? Pourquoi est-ce qu’Astard ne pouvait-il tout simplement pas vivre une bonne et honnête vie, être un colocataire attentionné et abandonner la piraterie ? Ce n’était pas si facile à faire. Après tout, Barthélémy avait rejoint les Forces de l'ordre dans le but de garder une structure similaire à ce qu’il avait connu, parce que c’était plus simple. Parce que c’était plus gérable.
Le colosse le savait parfaitement, alors, peut-être qu’il ne lui tiendrait pas entièrement rigueur, mais quelque chose devait être fait.

Pour commencer, essayer d’éteindre la mèche. Tandis que le chauve-blond sortait de sa paralysie causée par le choc (et l’absurdité) de cet acte, deux grosses secondes s’étaient déjà écoulées. Le mécanisme était déjà en marche ! Que faire, que faire. Là était toute la question.

L’esthéticien se précipita vers la mèche allumée et tenta, désespérément, de souffler dessus pour l’éteindre… ce qui sembla accélérer la procédure. Ah ! Mais bien sûr, étouffer la flamme ! Il fallait faire ça, mais avec quoi.

Oui, avec quoi ?

Le temps que M. Croûton trouve une solution (ses mains), la flamme avait déjà disparu dans le canon, laissant sortir un grand “boom”, qui affecta les oreilles de tous les habitants présents, et qui éclata, par la même occasion, la porte de Liam en milliers de petits morceaux.

— “MONSIEUR WEALDBORN !” hurla Bart. Était-ce par colère ou par surdité momentanée ? La réponse était difficile à donner. Probablement un peu des deux.

Le marin retenait sa respiration. La mèche se consumait, lentement, de plus en plus. Puis l'instant fatidique.

Une déflagration lumineuse. Une détonation qui frappait leurs tympans comme un coup de tonnerre. Une gerbe puissante de fumée qui venait frapper les murs et envhair la pièce. Tout était parfait.

Le canon se soulevait rapidement et crachait son plomb, la destruction et les débris envhissaient l'appartement, l'air devenait soufré et irrespirable, le Cap'n lui même toussait dès sa première inspiration. Il avait gagné, il avait vaincu.

Les oreilles qui sifflent, les poumons à l'agonie, l'ancien retrouvait ces sensations qui le font se sentir vivant. De plus, son ridicule adversaire trouvait enfin le courage de l'affronter. Astard se préparait à se défendre, une grimace malsaine aux lèvres.

Mais il était déçu. C'est bien simple, en cinq siècles de bagarre de bar, on apprend à esquiver et à rendre. C'est certain que le jeunot ne faisait pas le poids, et il n'y avait aucune gloire à lui faire face. Avec un irrespect immense et une sorte d'attitude détachée, Astard deviait son poing et le jetait dans la chambre en lambeaux sans aucun effort. Malgré la confusion de tous, il espérait qu'il entende:

"Bon, au dodo le bébé, t'as pas été sage"

Ne s'inquiétant pas une seconde de son devenir, il reposait le refouloir sous le canon et faisait face à M. Croûton.

"Vous allez pas m'croire, m'sieur l'agent, mais j'suis innocent."

L'humour était une de ses vertus, certes.

C’était bizarre, étrange même. Mais l’inspecteur Croûton n’y croyait pas du tout, quand le pirate lui disait qu’il était innocent. D’autant que, bon voilà, Barthélémy avait été témoin de tout le spectacle. Les mains imposantes du boolicier se rapprochèrent d’Astard. Le colosse ignorait, pour l’instant, s’il allait étrangler le brigand¹ ou simplement le secouer comme un prunier.

Dire que Barthélémy était colère aurait été un euphémisme. La décision était prise. Il l’avait pris par la veste, le secouant de toutes ses forces.

— “PAR LES LOIS DU MONDE DES MORTS,” hurla-t-il de tout son soûl, “VOUS ÊTES EN ÉTAT D’ARRESTATION².”

Bien évidemment, Astard n’était pas en état d’arrestation, par contre, il était évident qu’il serait obligé de réparer la porte, que ce soit en payant ou en réparant lui-même la porte. À ce moment-là, la porte d’entrée se rouvrit à nouveau – nouveau colocataire, ancien habitant ? Seul le prochain épisode nous le dira ! Oh. Attendez, c’est pas une émission. Du coup, lisez juste le paragraphe suivant, ça marche très bien.

Esther, une “petite” (elle faisait tout de même 1m75, ce n’était pas si petit que ça) chimère, rentra. Barthélémy l’avait vu arriver à l’époque. Ça faisait une dizaine d’années qu’il était mort. Esther, elle devait s’adapter. Il avait essayé de l’aider comme il pouvait, même s’il avait été inutile. Barthélémy avait vu Esther devenir elle-même. Il aimait bien Esther, il la voyait un peu comme sa fille. Enfin, il voyait un peu tous ses colocataires comme ses enfants³, sauf Astard, qu’il voyait comme le parent irresponsable⁴. Le chauve-blond lâcha d’ailleurs le barbu.

— “Oy vey !”, l’expression favorite de la demoiselle, qu’elle enchaîna par des remontrances. Elles étaient méritées. Barthélémy était tout à fait d’accord, rien à redire… puis ce fut son tour. “Quant a vous soyez plus fermes, la diplomatie ça ne fonctionne pas, croyez en mon expérience. Tenez les comme a l'armée.”

— “Oui Madame.” répondit-il, “Pardon Madame…”⁵

Le colosse racla sa gorge, un raclement impressionnant et caractéristique que lui seul arrivait à faire, malgré les nombreuses tentatives de mimétisme.

— “Liam !” cria presque Bart, qui diminua le volume après un coup d’oeil à Esther, “Appelez un réparateur, voulez-vous ? Il faut qu’il vienne d’urgence.” Il se retourna vers le pirate ensuite, “Quant à vous, veillez à ramasser le bazar que vous avez causé sur le champ. Je vais aller transporter votre machine de guerre hors de cette pièce, tout de suite !”

Et il s’exécuta, glissant le canon vers la chambre.

Quand son éternelle némésis lui beuglait dessus, Astard bombait le torse et répondait avec un aplomb incroyable:

"LES LOIS J'VOUS LES CARRE TOUS DANS L'OIGNON, ET MON ARRESTATION J'LA FROTTE AU MIEN. J'SUIS LIBRE, MOI!"

Il dégainait son sabre, prêt à défendre sa vie au prix de sa... vie? Bref, il avait une montée soudaine d'adrenaline et une bravoure très rare pour un pirate de son acabit.

Hélas, courage et détermination ne sauraient suffir face à une semelle volante. Il se la prit en pleine joue pour sûr, le claquement sec de l'impact résonnant dans les couloirs jusqu'au plus profond des étages. Bon, il était vexé, et ça se voyait assez facilement, tellement qu'il rangeait son sabre.

Hélas, le fait est que commencer à peser une sacrée ambiance pourrie, et Astard blâmait entièrement Liam pour tout ça. Pas du genre dont Astard rêvait, plus tôt dans la journée, à s'occuper de ses affaires. Si le boolicier avait été seul, il aurait très certainement tenté de défendre son canon, mais dans le contexte il serait seul contre trois.

C'était si injuste, il avait rien demandé, le pov' Capn'.

Voyant Liam fuir la scène, notre héros des petits et des opprimés se dirigeait en silence vers le canapé, enfilait son gros manteau en laissant tomber deux oranges sur le tapis, et lâchait enfin, suivant le vampire.

"Puis j'vois que ça vous amuse de foutre des sales ambiances, alors moi j'me tire. J'te préviens, Bart, s'il faut que j'dévalise ton comissariat pour récupérer Betty, j'le ferai. Et tu sais que c'est pas tes bras cassés qui vont m'y empêcher."

Sans demander son reste, il prenait sa retraite. Lui aussi pouvait être retenu, mais serait un peu acerbe pour sûr.

Vous savez, cette migraine qui va et vient ? Les colocataires de Barthélémy Croûton en étaient responsable. Il n'y avait rien à faire, ça finissait régulièrement comme ça.

Liam était parti. Ok, d'accord, normal. Il boudait dans son coin, maintenant qu'il n'avait plus de porte. Qui ne râlerait pas en voyant sa porte exploser ?

Astard était parti. Vu l'engueulade qu'il allait se prendre à toute heure de la journée, c'était compréhensible. Il évitait les problème et qui ne le ferait pas ?

Esther était partie. Comme une souris, elle s'était faufillée entre les garçons ; elle avait clairement mieux à faire. Pratiquement tout le monde avait mieux à faire que s'occuper d'un nécromancien dont le sang était composé à 65 % d'éthanol, d'un vampire complotiste et d'un nécromancien boolicier trop gentil.

Et Barthélémy ? Barthélémy avait une envie de rentrer chez lui. Problème : il était déjà chez lui. Et il restait là, avec Betty, le canon. Une envie de s'allonger sur le sol et de pleurer, sans aucun doute, s'installait dans le colosse. Une bonne respiration, et on était reparti. Il compose un numéro sur son téléphone et... sonnerie.

-- "Bonjour, le musée ?" lança-t-il "Est-ce que vous seriez intéressé par une pièce historique ?"

Et après moult persuasion, adieu Betty. Liberté de l'appartement, tout ça, tout ça. La suite, vous la connaissez : un braquage, un appel téléphonique déchirant, une rénovation d'appartement. Pas forcément dans cet ordre, mais bon.

La mort, c'est comme ça : un bazar sans nom.