Kyo aurait préféré que le souvenir de l’année passée ne vienne pas à le hanter. Il aurait pu continuer à agir avec toute l’insouciance qui était sienne, ce soir. L’idée d’aller boire un verre l’y aida, puisqu’au moins, il pourrait se laisser griser par l’alcool. Pour le moment, il se concentra sur la fin du spectacle qui lui était offert, réussissant peu à peu à reprendre contenance. Chasser toutes ses pensées lui parait le plus approprier.
Pourtant, à un moment, il faudra bien que tu acceptes qu’ils ne soient plus là. D’autant plus que tu espères qu’ils te rejoindront le plus tardivement possible.Il était tout de même heureux d’avoir vu une animation comme celle-ci, ne manquant pas de la partager avec William. Lui aussi, avait apprécié l’instant de toute manière, et cela suffisait à faire redessiner son sourire. Il reprenait un peu du poil de la bête, dorénavant. Il demanda, au passage, si l’homme avait une idée de l’endroit où aller, ne manquant pas de faire une bourde dont il avait le secret. Il était passé rapidement du tutoiement au vouvoiement et il n’était pas le seul à s’en rendre compte –cette façon de pencher la tête avait quelque chose d’attendrissant, quand même-. Il s’excusa immédiatement, comme son éducation japonaise lui avait appris. Néanmoins, il sourit à nouveau lorsqu’il eut « l’autorisation » d’utiliser le tu, trouvant que c’était plus simple et moins conventionnel. Les formules de politesse, ça amenait une distance inutile à son goût. Il rit légèrement lorsque William faillit à nouveau le vouvoyer. Ce n’était clairement pas de la moquerie, venant de lui. Simplement… Un peu de taquinerie, et de malice.
Et comme le boulet qu’il était, il revenait sur ce que son interlocuteur avait dit un peu plus tôt. Il n’avait pas compris, cette histoire de plan bidon… Et il demandait s’il devait s’en inquiéter. De son côté, il l’avait compris comme « une tentative de drague bizarre ». Mais, de toute évidence, ce n’était pas DU TOUT ça. La surprise se peignit sur son visage en vitesse grand V, débarrassant son visage de tout sourire. Hein euh, quoi ?! Boire son sang ? Pourquoi il ferait ça, au juste ? Il ne s’en rendit pas compte, mais la surprise l’avait fait avoir un petit bon en arrière. Pas qu’il était vraiment effrayé mais… Abasourdi, c’était le mot. Il ne savait pas trop ce dont il devait penser, dorénavant. L’anglais s’empressa de rajouter qu’il n’allait pas le faire. Encore heureux, tiens. Il bafouilla une réponse qui semblait dire « ok », avant de lui emboiter le pas lorsqu’il se dirigea vers le bar.
T’es lent, vraiment trop lent. Tu croyais que dans ce monde il n’y avait que des zombies, ou quoi ?Le temps du trajet, il avait le temps de cogiter un peu sur cette révélation. Il commençait à comprendre, aussi, qu’il y avait de fortes chances que William soit un vampire, ce qui donnerait tout un sens à sa phrase. Ce ne serait pas tant étonnant au final, au vue du monde dans lequel il se trouvait. Et ce n’était pas en restant cloitré dans sa chambre qu’il allait découvrir les nouveautés que le monde des morts pouvait lui apporter. Durant tout le trajet, il ne cessa de jeter des coups d’œil vers l’homme. La curiosité l’emportait sur une quelconque peur. Il ne lui semblait pas avoir vu de dents pointues, pourtant… Et il n’osait pas poser la question, de peur de passer pour un parfait imbécile. Depuis qu’il était là, il avait l’impression d’être le plus crédule du monde. A force, ça commençait un tantinet à l’agacer, d’être ainsi.
Et t’es qu’au début de tes surprises, crois-moi.Il acquiesça lorsqu’ils arrivèrent à destination, toujours troublé par ce qu’il venait d’apprendre. Ils s’installèrent tranquillement à une table, pas mécontent de s’asseoir. De toute évidence, le patron des lieux semble ravi de voir William. Face à la salutation, Kyo s’inclina aussi, rendant la pareille. Les quelques mots qu’ils échangèrent eurent le don d’éveiller davantage la curiosité du blondinet. Du succès ? Il ne parlait pas de lui, quand même ? Ce serait inapproprié de le faire devant lui alors… C’était forcément autre chose. Néanmoins, la dernière réplique sembla particulièrement agacer l’anglais et le zombie préféra faire comme s’il ne l’avait pas entendu. Ce n’était pas un mal, de venir boire un verre seul. Et puis cette fois-ci, ils étaient deux donc… Pas de raison de s’y arrêter. Il était plus intrigué par une lueur dans les yeux de son copain de buverie, mais il finit par penser qu’il se faisait des illusions. De plus, il était un peu embêté par le choix de la bouteille. En vivant en ermite, il était difficile d’avoir des ossements. Il était bien content d’ailleurs que Rizzen lui file ses potions gratuitement… Mais là, c’était autre chose. Il fut d’autant plus surpris de l’entendre parler de sa note. Encore une invitation. Kyo se gratta la tête, sentant monter un certain inconfort. D’autant plus qu’il n’avait pas décoché un mot depuis l’histoire du plan bidon.
« Euh… Oui, Kampai. » Un rapide sourire passa sur son visage, levant son verre à son tour. Et d’un coup, il vida le contenu. Une légère grimace passa sur son faciès. Beh, il n’avait plus l’habitude de boire de l’alcool, il fallait croire. Mais au moins, cela eut le don de lui donner un petit boost pour reprendre enfin la parole.
« Euh… Désolé, je crois que je suis un peu choqué, en fait. » Il eut un petit rire, se sentant ridicule pour la peine, alors qu’il ébouriffait un peu ses cheveux. Un geste qu’il faisait souvent, lorsqu’il se sentait gêné.
« Je n’ai pas tout compris et… C’est gentil pour la bouteille mais… J’aurais aimé partager le coût avec toi, mais je n’ai pas vraiment les moyens… » Une légère moue se dessina sur son visage suite à cette cruelle vérité.
Sérieusement ? C’est vraiment la première chose que tu dis ?« Mais… C’était des conneries tout à l’heure ou… T’es vraiment un vampire ? » Quitte à passer pour un con, autant ressortir de cette conversation en un con instruit. Au pire, son interlocuteur était juste un gars un peu bizarre qui boit du sang pour le plaisir, mais c'était encore plus malsain. Il avait un léger sourire désolé, se répétant qu’il devait avoir l’air bien idiot. Si William se moquait de lui, il ne se vexerait pas. Ce serait compréhensible, après tout. Qui dans ce monde, à part le blondie ici présent, ignorait l’existence des vampires, hein ?
« Et euh… Un sacré succès ? » On arrête plus la curiosité, à ce point-là.