Et tu reviens à la vie
Pas une seule seconde il ne doutait de sa motivation. Le feu brûlait en lui, avec la même fougue que l’amour qu’il ressentait pour Seiya. De toute évidence, cette détermination était si visible et assurée qu’il était parvenu à convaincre Rizzen de tenter le coup. Même si la concoction allait sans doute prendre un peu de temps, il était ravi de voir que son projet avançait. Cela lui permettait de cesser de broyer du noir constamment et de se concentrer sur un objectif défini.
Humf. Fais ce que tu veux, tête de mule.
Il aurait très bien pu se contenter de donner son numéro au jeune homme afin d’être contacter au besoin, pour finalement lui fausser compagnie. Mais il trouvait plus naturel de l’inviter à boire un verre, pour le remercier et sceller leur future collaboration. Il fut ravi de savoir que son interlocuteur acceptait son invitation, bien qu’il n’avait pas la moindre idée d’où aller ensuite. Aussi, il laissa Rizzen les mener à bon port, non sans discuter au préalable durant le trajet. Il aurait pu esquiver le sujet, cependant, il avait l’intime conviction que cela ne servait à rien. Il avait envie, aussi, de parler de ses amis, de son amoureux. Il se sentait un peu idiot, en donnant la réelle raison. Dis ainsi, il avait l’impression de perdre tout son capital virilité. Pour autant, il ne faisait que dire la vérité. Mentir ne servirait à rien, même s’il devait avouer qu’une pointe d’inquiétude grandissait, quant à son homosexualité. De son vivant, peu de personnes étaient au courant. Obligé de jouer profil bas pour ne pas attirer l’attention, ne pas être victime de discrimination… Il en avait déjà assez à faire avec son profil de hâfu. Remarque, pour cette partie, le nécromancien devait lui aussi en avoir fait les frais… Rien qu’avec son prénom.
Pour autant, l’idée de ne pas être jugé lui fit un réel bien. Il offrit un sourire à Rizzen, enchanté de l’entendre dire. Il était vrai qu’il s’était mis seul la pression pour le coup. Il n’était pas habitué, non plus, à parler réellement de ses vrais sentiments. Mais face à cette situation, il était difficile de les nier. Ce fut ainsi plus sereinement qu’il aborda le sujet de Mira, de Seto, mais surtout de Seiya. Trois personnes, pas plus. Mais c’était bien assez pour qu’il désire les retrouver. Il était capable de déplacer des montagnes, pour eux. C’était, il le savait. L’expression était pourtant très proche de ce qu’il ressentait. Une moue légère dansa sur ses lèvres quand son interlocuteur évoqua sa mère. Perdre ses enfants, ça devait être une étape horrible à traverser, pour un parent. Même si Kyo ne connaissait pas réellement cette relation de parent-enfant, il en avait quand même vécu l’expérience. Et… Dans l’autre sens, ce n’était pas foncièrement mieux. Tout aussi douloureux. Ne sachant pas quoi répondre néanmoins, il se contenta de poser une main sur son épaule, se targuant d’un sourire compatissant. Un soutien physique rapide, pour lui qui manquait, pour une des rares fois de son existence, de répondant.
Tu préfères ne pas t’avancer sur le sujet, n’étant pas capable de te mettre à sa place. De ton côté, tu doutes sincèrement que ta mort ait impactée Makoto et sa femme… Quoi qu’un peu sans doute, pour Makoto.
Il eut vite fait de retirer sa main, bien qu’il fût pris par un peu de surprise par la sincérité dont le jeune homme fit preuve. Il espérait réellement l’aider, dans sa tâche. Un brin de rouge marqua l’espace d’une seconde ses joues –depuis quand tu rougis pour rien, toi ?- avant de s’armer d’un grand sourire à nouveau. Pas besoin de le remercier une nouvelle fois, son faciès parlant pour lui. Il ne regrettait pas d’être allé à sa rencontre. C’était vraiment quelqu’un de bien, ce type. Dommage qu’une fois revenu sur Terre, ils ne seraient plus amenés à se revoir. Il ne s’offusqua pas de ne pas en apprendre davantage sur le jeune homme, comprenant parfaitement que tout le monde n’aimait pas forcément se confier. Ils venaient à peine de se rencontrer, après tout. Parle de sa vie lui paraissait logique, puisqu’il était celui qui voulait revivre. L’inverse n’était pas forcément vrai. De ce qu’il comprenait, Rizzen n’était pas charmé par la possibilité de quitter ce monde. Il était bien plus ouvert que lui sur ce point, à évoluer ici.
Ce n’est pas forcément un mal, et puis tu ne sais même pas depuis combien de temps il est là. Ni pourquoi il est mort. Est-ce que… Est-ce que ça se pose ça, comme question ? Ou est-ce un manque flagrant d’éducation ?
Arrivés au bar, la commande ne tarda pas à être faite. Ils s’installèrent dans un coin, trinquant pour la réussite –manie qu’il avait piqué à Mira pour une raison obscure-. De toute évidence, Rizzen était bien motivé pour enchainer les verres. Le blond fut brièvement sceptique, mais il ne tarda pas à le suivre sur sa lancée, si bien qu’il était incapable de dire de quoi ils avaient parlés le long de la consommation des verres. Rapidement, sa tête vint à lui tourner. Pour autant, il se sentait particulièrement jovial, ayant généralement ce qu’on appelait communément un alcool joyeux. Il s’amusait du comportement de son interlocuteur. Quand il vint à prononcer son prénom avec force, comme si le monde en dépendait, il était tant noyé dans la boisson qu’il ne put que rire. « Rizzen ! » C’était tout aussi débile de répondre avec la même intonation, mais cela signifiait qu’il avait toute son attention. Ses yeux glissèrent sur cette main qui avait échoué à se saisir de la sienne… De ce qu’il comprenait. Qu’à cela ne tienne, il ne manqua pas de la saisir à sa place, comme un gamin le ferait. Toujours sourire et buvant une énième gorgée, il arqua un sourcil.
La discussion devenait un peu plus sérieuse. Il essaya de reprendre un peu ses esprits afin de pouvoir répondre aux questionnements de son partenaire de boissons au mieux. C’était un peu triste quand même, qu’il n’ait pas connu les affres de l’amour durant sa vie. Mais étant donné qu’il y avait une existence après la mort, y avait toujours moyen de se rattraper, sur ce coup-là. « Tu sais que c’est bizarre comme formulation ? » Ça le faisait beaucoup trop rire. Il fit un effort cependant pour calmer son hilarité, devenant pensif un court instant. « Alors, comment j’aime, hum… Comme un amoureux transis, je dirais. » C’était assez proche de la réalité, surtout avec Seiya. « J’ai été plusieurs fois amoureux, trois fois pour être précis. Je vais éviter de parler de mes deux premières expériences, sinon je vais déprimer. » Un nouveau rire alors qu’il se passait une main dans ses cheveux. C’était pourtant criant de vérité. « Avec Seiya… C’est… Naturel. On vivait ensemble et chaque matin, j’étais heureux de le voir dormir à côté de moi. En fait, j’étais simplement heureux d’être avec lui, quoi qu’on fasse. En son absence, je me languissais de lui et je n’arrêtais pas de penser à lui. » Il poussa un soupir, gardant un petit sourire. « Je dois avouer qu’à la longue, c’était un peu chiant d’être aussi dépendant de quelqu’un d’autre. J’ai toujours tenu à mon autonomie. Mais, avec lui… J’aurais renié tout ça rien que pour être avec lui. » Un brin de mélancolie dansa dans ses iris, alors qu’il vidait son verre d’une traite. Il ne tarda pas à commander un nouveau coup à boire, retrouvant néanmoins rapidement son sourire idiot.
Étonnement, parler de Seiya en ses termes ne te rendent pas si triste que tu l’aurais pensé. En fait, ça te fait du bien de parler de lui.
« Après, je ne crois pas que tu devrais t’en faire. T’as pas trouvé la bonne personne, encore, c’est tout. Mais t’es mignon et agréable, j’imagine que t’as d’autant plus de qualité à découvrir dont j’ignore l’existence. Et quand tu tomberas sur la bonne –ou le bon, d’ailleurs-, tu le sauras. Ça peut prendre du temps, mais je te souhaite vraiment de découvrir ce sentiment. On se sent… Invincible. »
Pas tant que ça, vu qu’il était mort. Mais c’était vraiment un sentiment doux et puissant. Il ne regrettait pas de le vivre, de le perpétuer, même dans la mort. En revanche, ses paroles perdaient sans doute un peu de leur superbe, étant donné qu’il avait toujours sa main sur celle de Rizzen. Si Sei était là, il l’aurait sans aucun doute affublé d’une jolie baffe des familles. Mais c’était de sa faute… Quand il était bourré, Kyo avait la sale manie d’être assez tactile, balayant toute inhibition. Il continuait de sourire en tous les cas, plus que sincère dans ses propos.