Et tu reviens à la vie
S’il s’entendait parler, Kyo se serait déjà baffer. Plusieurs fois. Cette façon de s’excuser tout le temps… Ce n’était pas lui. S’il était capable de réfléchir, il se rendrait compte qu’il appliquait trop l’éducation qu’il avait eue lors de son adolescence, celle qui l’agaçait au plus haut point. Il était évident néanmoins qu’il agissait sous le coup de l’impulsivité, l’un de ses plus gros défauts. Cette idée fixe de retourner sur Terre était tant ancrée dans son esprit qu’il s’équipait d’œillères, évitant ainsi de voir les tracas que son plan bancal amenait. Cela l’empêchait, aussi, de se poser les bonnes questions.
Mec, t’as été incinéré. Si tu reviens sur Terre… Dans quel corps, au juste ?
Il dévoilait tout à Rizzen. Inutile de faire davantage de cachoteries, il risquait juste d’éveiller encore plus les soupçons et la méfiance. C’était sans doute parce qu’il était conscient de la détresse qu’il dégageait, qu’il s’excusait autant. Il n’était pas comme ça, en général. Mais sans ses amis, il était bien trop difficile pour lui d’apparaitre comme le joyeux luron qu’il avait été, vivant. Sans grande surprise, l’étonnement se peignit sur le visage de son interlocuteur. Le blond aurait presque envie de rire, tant la situation était cocasse. Il aurait pu abandonner l’idée, aussi. C’était surréaliste, oui, c’était le bon terme. Et pourtant il était bien là, au côté du sportif, le suppliant de l’aider dans sa tâche vouée à l’échec.
« Je suis prêt à faire face, ce n’est pas un problème. »
Sa détermination n’était absolument pas ébranlée par la pensée des effets secondaires. En réalité, il l’a chassait rapidement de sa tête, préférant ne pas s’y pencher. Il ne pensait pas qu’il pourrait avoir des séquelles à long terme, quant à son projet. Mais… Il se demandait quand même pourquoi aucun mort n’était revenu à la vie, depuis le temps. Il pensait bêtement y parvenir néanmoins, s’amusant de croire qu’il serait le premier à revenir du royaume des morts. Il deviendrait peut-être célèbre, d’ailleurs. Idiot. Ta crédulité te perdra. Tout ceci ne l’empêchait pas d’y croire, comme le naïf qu’il était. Il refusait tous contre-arguments, toutes tentatives de le faire revenir à la réalité. De toute manière, il ne connaissait personne, ici. La seule personne qui aurait pu mettre un holà à son projet était à côté de lui. Et même si Rizzen avait refusé, Kyo n’aurait pas baissé les bras. Il aurait trouvé un autre nécromancien, un plan B. Difficile de lutter contre lui, lorsqu’il était borné à ce point.
Pauvre fou.
Alors oui, il était heureux d’apprendre que le coup serrait tenté. Il souriait bêtement comme un damné, ayant l’impression d’avoir fait un pas vers ses amis, restés vivants. Les réserves émises par son interlocuteur ne suffisaient pas pour lui faire prendre conscience de la gravité de son choix. Il acquiesça à l’entende de la confection, souriant toujours. « Ça marche, merci. » On était plus proche, dorénavant, de son vrai caractère. Il se détendait au fil des secondes, motivé et plus déterminé que jamais. Même si la première tentative échouait, il pouvait y en avoir des suivantes. Il avait constaté qu’ici, les corps étaient plus résistants que lorsqu’il était vivant. Il n’y avait pas de raison de s’inquiéter plus que nécessaire.
T’es vraiment bête, tu sais ? On dirait un disque rayé qui se répète toutes les cinq secondes. L’’amour rend aveugle, hein. Toi, ça te nomme direct « roi des imbéciles ».
Même si se lier à un type qu’il ne reverrait plus avant un long moment –que tu crois- était surement futile, il s’en serait voulu de ne pas l’inviter à boire un verre. Dire merci, c’était bien mais les gestes avaient parfois plus d’impact. Il constata que son interlocuteur y réfléchit plus sérieusement, avant d’accepter. Ah ! On dirait qu’il se détendait un peu, paraissant soudainement plus amical –et mignon-. Il sourit davantage, ravi de savoir qu’il pourrait pour une fois boire en bonne compagnie, plutôt que seul dans sa chambre à broyer du noir. Pour l’heure, il n’avait plus de raisons de déprimer. Ils étaient donc partis pour un bar, après que Kyo ait annoncé qu’il n’avait pas la moindre idée d’où ils pouvaient allés. Il se sentait un peu bête pour le coup, mais apprendre à connaitre cette partie de la ville lui importait peu. En revanche, il se demandait si cet endroit existait aussi dans le vrai Tokyo. Si c’était le cas, il n’avait pas la moindre idée d’où ils se trouvaient. Il se demandait aussi, dans ses futiles réflexions, si la ville était une parfaite réplique de sa jumelle sur Terre, s’il était possible de trouver son appartement… Et le lieu de son accident de moto par la même occasion. … Mouais, ça le tentait tout de suite moins, tout à coup.
Le blond suivit donc le pas du nécromancien, un brin de surprise se dessinant sur son faciès face à la question. Elle était pourtant à prévoir, vu qu’il n’avait pas expliqué clairement pourquoi il voulait revenir à la vie. L’espace d’un instant, la lueur qui brillait dans ses iris s’estompa, son visage se refermant. Il réfléchissait. « Par… amour ? » il ferma les yeux un instant, un léger sourire triste aux lèvres, pour finalement se mettre à rire en passant sa main dans ses cheveux. « Ok je te l’accorde, c’est… Fleur bleue à souhait, dit comme ça. » Son amusement n’en était pas vraiment un. C’était toujours mieux néanmoins que de se mettre à pleurer bêtement, tant son cœur lui serrait la poitrine à ce moment précis. « Mais c’est bien pour ça. Je… J’ai plutôt eu une vie de merde, pour être franc. Mais ces dernières années, tout à changer. J’ai… Une meilleur amie exceptionnelle, un meilleur ami handicapé des sentiments et… Un petit ami parfait. » Il avait ri un peu plus lorsqu’il avait évoqué Seto, sa description étant pourtant criante de vérité. Il se sentait un peu gêné de parler de Seiya, néanmoins. Ses joues s’étaient légèrement rosies à l’évocation de son amoureux. Il craignait, aussi, que Rizzen vienne à le juger pour son homosexualité. Pour autant, cela ne l’empêcha pas de continuer sur sa lancée. « On avait prévu de se marier, à Las Vegas. Et… Je connais que trop bien la douleur qu’on ressent quand on perd un être aimé. Je ne veux pas qu’ils vivent ça à cause de moi. »
Et pourtant… C'est déjà le cas. Te bercer d’illusions ne changera rien à leurs souffrances.
« T’inquiètes, j’avais cru comprendre le message. » Quant aux pouvoirs de Rizzen. En vue de son soupir et de son agacement lorsque Kyo lui avait révélé qu’il connaissait sa capacité, le blond avait parfaitement compris qu’il n’aimait pas que ce talent soit sous les feux de la rampe. Message reçu, cinq sur cinq. Moins de gens étaient au courant, plus il avait la paix. Et puis si cela pouvait lui éviter de se retrouver avec un lémure désespéré qui le supplie de le ramener à la vie. C’était grotesque et avec un peu de recul, il se sentait bête. Encore. Toutefois ses pensées furent chassées rapidement lorsqu’ils pénétrèrent dans le bar. La commande fut passée –de l’alcool pour les deux- et une fois servi, Kyo leva son verre pour trinquer.
« A notre future collaboration. »
L’idée l’enchantait et il espérait qu’il n’y aurait pas de malaise. C’était l’occasion, aussi, d’en apprendre davantage sur Rizzen. Si l’alcool déliait les langues… En tous les cas, ils étaient tous deux bien partis pour avoir une sacrée migraine au réveil.