Lessons to be learned

Quelque pat, très loin dans son cerveau, quelques cellules captèrent les protestations de l’armuré, y logeant l’information pour plus tard. N’y avait-il donc vraiment aucun autre mort qui se baladait en armure dans tout Tokyo? À quelque part, ça étonnait énormément Ambroise. Où étaient passés tout ceux qui venaient de cette époque? Et puis les LARPers? Il rationnalisa cependant; après tout ils étaient au Japon, et cette armure semblait belle et bien occidentale -pour peu que le blondinet puisse faire la différence, évidemment. Dans un des recoins de son esprit, il se demanda -quel âge a l’homme devant moi? Depuis combien de temps est-il mort? Mais il avait appris que cette question n’était pas simple à répondre pour tous; c’est pas tout le monde, après tout, qui meurt d’un coup, sans crier gare et sans souffrir. Valait mieux, donc, éviter ce sujet de conversation tant que la personne devant vous ne l’apportait pas.

Avant même qu’il puisse commencer à penser à autre chose, l’armure ambulante fit un mouvement -il avait pas tenté de le happer, juste là? Et puis non; Viktor s’était mis à un genou, ce qui causa une grande consternation chez le plus jeune, qui se mit à balbutier plus rapidement encore, jusqu’à ce qu’une lourde main vienne se poser sur son épaule. Il se tu instantanément, la bouche ouverte, comme entre deux sons, les yeux bien rivés sur l’homme devant lui et se demandant si c’était vraiment nécessaire pour lui de se mettre plus bas comme ça. Oui, certes, il était plus grand qu’Ambroise. Mais à genou comme ça, Ambroise avait l’impression de se faire prendre pour un gamin. Est-ce que l’autre trouvait vraiment qu’il agissait comme un gamin? Il s’arrêta pour penser deux secondes de plus. Ah oui, quand même, il aurait pu voir pourquoi. Il fit la moue. Tant pis.

«Fou? Inconscient? Errr» s’étouffa bien Ambroise, les yeux ouverts bien grand. «Vraiment? C’est ça que vous retenez de notre conversation?»

Il soupira de dépit, retenant de peine et de misère l’envie de lever les bras vers le ciel en signe d’exaspération. Parfois, il avait l’impression qu’avec les gens, il ne pouvait jamais gagner. Bon; les relations interpersonnelles sont hardly quelque chose qu’il fallait voir comme à gagner ou perdre, mais voilà -si ça avait été le cas, il était définitivement en train de perdre. Puis on lui suggéra sérieusement d’aller voir un psychologue, et il dut se faire violence pour ne pas rouler des yeux. En vrai, là, il avait l’impression d’être un ado prit en faute par un adulte. Était-ce là tout le fondement de l’adulescence? Quel mot stupide. Avait-il vraiment besoin de voir un psy? Faut dire, mourir, c’est quand même choquant. Mais en quoi est-ce que cela avait quoique ce soit à voir avec le fait qu’il prêtait son écharpe à un pur inconnu –

Inconnu qui voulait probablement le poutrer avec sa masse-

Ah, oui, là, il commençait à un peu mieux comprendre, peut-être, le raisonnement derrière la suggestion de Viktor. Il hocha de la tête.

«Si ça peut vous rassurer» avança-t-il en plissant des yeux, comme incertain et sachant déjà qu’il allait regretter ce qu’il allait dire, «Je peux bien passer faire un tour et voir votre colocataire.»

Puis de toute manière, ça le concernait en quoi? C’est pas comme s’il se préoccupait vraiment du petit. Ambroise était particulièrement confus. Il comprenait rien à rien, et il commençait à se dire qu’au fond, la vie, elle était plus facile quand il essayait pas de faire la conversation aux autres et de vivre une vie palpitante.

«Oui, bien entendu, me rendre mon écharpe…»  fit-il distraitement, son regard se posant sur le livre que Viktor avait pris. «Ah,»ajouta-t-il, son esprit glissant vers autre chose, ses deux mains se rejoignant alors qu’il les frottait ensemble «Oui, bonne idée, comme ça il aura pas froid, et vous non plus…»

Son regard s’arrêta sur une des stations de recherche. Il esquissa un sourire qui se voulait amical vers Viktor, quoique le fait que son visage ne se soit pas arrêté pleinement face à lui laissait clairement indiquer que le croisé avait été homologué au rang de deuxième priorité. Ambroise lui fit un petit signe de la main comme pour lui dire au revoir, ses yeux retournant vers le poste de travail.

«Je… je vais regarder un truc. Je vous dérange pas plus aujourd’hui*, promis. Merci quand même de votre temps… Monsieur?» finit-il avec une pointe de questionnement dans la voix, puisque Viktor n’avait pas prit la peine de se présenter.

Toutefois, Ambroise n’attendit pas d’avoir une réponse à sa courte interrogation, pas plus qu’il n’en demanda d’ailleurs. Il remis bien vite ses bottes, balança son manteau sur son épaule et oublia sa revue sur la table. Une fois devant le moteur de recherche, il tappa :

Tricot

Oui, alors, y’avait trop de résultats de recherche, là.

Tricot débutant

Ah, oui, voilà; apparement ils ont faits une édition de tricot pour les nuls. C’était parfait, ça. Ambroise écrivit son emplacement sur un bout de papier, puis repris son arpentage; c’est-à-dire qu’il repassa devant là où il avait laissé Viktor, puis descendit les escaliers, pour ensuite les remonter, aller plus loin, monter encore, descendre… enfin, vous voyez. Alors qu’il mettait enfin la main sur la reliure jaune et noire, il réalisa enfin-

Wait, il va pas brûler un livre de bibliothèque? Really?

Ambroise, en mode choqué, essaya de retracer son chemin jusqu’à Viktor; mais soit il était perdu, soit l’autre n’y était plus. Il haussa des épaules; c’était trop tard pour cette fois. Ambroise se dirigea vers la réception de la bibliothèque pour s’y inscrire et enregistrer le livre qu’il voulait apporter avec lui. Il remit donc ensuite tous ses vêtements chauds, quand même triste de devoir braver le froid sans sa belle écharpe rouge -mais c’était pour une bonne cause. Puis, après tout, il allait pouvoir la récupérer bientôt.


*Faut avouer que l’addition du marqueur de temps rend cette phrase très prophétique pour d’éventuelles futures rencontres.

Codage par Libella sur Graphiorum