haut les cœurs ,.
les hautes lumières
tout est noir —
Plus aucune couleur.
Plus aucun son.
Simplement ce noir, angoissant, terrifiant —
Il veut hurler mais rien ne sort, il veut bouger mais rien n'avance ; ni sa main tremblante ni ses pieds tétanisés. Susanoo n'est qu'un fantôme, une ombre qui n'inspire même plus. Il est mort, il n'est plus vivant. Son souffle est saccadé, pour ne pas dire inexistant. Il ne voit rien autour de lui, ni les prises qui lui prouvent qu'il n'est pas encore tombé, ni Etsu qui se trouve à quelques mètres au-dessus de lui.
Tout ce qu'il voit, c'est ce vide.
Ce vide qui l'attire vers le bas.
Ce vide qui le tire tout en bas.
Il a de nouveau douze ans, il est de nouveau cet enfant fasciné par le grand mur tout devant. Il veut monter, il veut toucher les étoiles tout en haut ; comme encore maintenant, il veut être au-dessus de tout le monde, voir d'en haut ce qu'il y a en bas -- ça le fascine, ça l'émerveille, d'avoir le sentiment d'être un dieu aux mille merveilles. Alors, il se revoit grimper -- vite, si vite, trop vite -- trop confiant, trop sûr de lui, il est incapable d'imaginer la suite, ne l'a même pas évoqué une seconde lors de sa montée ; lorsqu'il redescend, c'est la chute libre.
Sans arrêt.
Sans aucun moyen de se rattraper.
Susanoo tombe, tombe si bas qu'il se voit déjà dans l'au-delà.
Au dernier moment — arrêt sur image.
Il frôle le sol de ses pieds et s'effondre par terre, le regard terrorisé et le visage couvert de sueur. Des larmes roulent le long de ses joues pâles, sans qu'il n'arrive à les retenir -- il a de la chance, il n'y a presque personne car les autres élèves sont trop occupés à escalader leur propre mur. Seul le professeur et Takeru peuvent voir le spectacle de cet enfant chamboulé, terrifié à la simple idée de remonter.
Et c'est pareil maintenant.
Sa respiration est presque coupée, son regard légèrement transparent d'un liquide qu'il ne veut pas voir couler, son esprit est au bord de la panique. Il va tomber, c'est certain -- il ne peut que tomber, comme la dernière fois.
Ce n'est pas pareil maintenant.
hey Susanoo
regardes-moi
je veux la suite, moi, racontes-moiLa voix est ferme mais douce, un mélange de retour à la réalité mais d'un cocon d'illusion. Une délicate symbiose entre une main tendue mais un contact inexistant car Susanoo panique si on le touche mais panique si on le laisse. Ses iris chocolat finissent par changer de paysage à contempler et se tourne vers cette voix -- Etsu. Elle le regarde, lui envoie un sourire malicieux.
sinon je monte sans toiEst-ce qu'elle a toujours brillé aussi fort ?
Est-ce que c'est normal qu'un aura l'illumine d'une couleur si rassurante ?
Il hoche la tête, comme un enfant, et ne peut empêcher cette larme rebelle de se laisser glisser le long de son visage si pâle. C'est la seule qu'il montrera car il ne peut pas la retenir -- il déglutit, répète son hochement de tête et laisse sa voix traverser ses lèvres sèches pour se concentrer sur autre chose que le vide.
▬
Les-- les deux (inspiration, expiration)
planètes exercent une trop grande-- (inspiration, expiration)
gravité sur les autres--Son masque tombe à mesure que ses mots se délient.
Il n'est plus Susanoo, si fier et si mystérieux.
Il n'est que Susanoo, l'enfant au vertige et aux yeux fixés sur les cieux.
▬
E--Et c'est pour ça que (inspiration, expiration)
la Terre, Mercure, Vénus et-- (inspiration, expiration)
Mars-- (inspiration, expiration)
sont à l'autre bout--Au fur et à mesure, sa voix devient plus certaine, ses joues reprennent une légère couleur rosé et son corps tremble moins. Il respire mieux, finit par se détacher totalement de la sensation d'être attiré vers le bas et se concentre totalement sur le haut -- et sur Etsu, toujours juste à côté de lui, qui l'écoute patiemment comme si ce qu'il vient de dire mérite toute l'attention du monde. Elle est là, silencieuse mais présente, douce et rassurante. Il ne regarde qu'elle et rien d'autre, il n'entend qu'elle et rien d'autre -- pas le moniteur qui commence à s'inquiéter tout en bas, pas le brouhaha de la salle tout en bas.
Il n'y a que Jupiter et Saturne en cet instant.
Il n'y a qu'eux en ce moment.
En répercussion à ce sourire malicieux, le même se dessine sur les lèvres du jeune homme, encore secoué, mais déterminé à atteindre le sommet. Il saisit une nouvelle prise, la main moite mais bien plus ferme qu'il y a quelques secondes. Combien de temps a duré cette crise ? Il ne sait pas, peut-être une minute ou cinq minutes, il n'a aucune conscience du temps. Son front est recouvert d'un léger filet de sueur et ses yeux crient encore une certaine détresse.
Son cœur se serre.
Mais ses lèvres s'étirent dans un sourire.
N'aies pas peur, ne panique pas.
Tout va bien, je suis là.
▬
T'as pas intérêt (inspiration, expiration)
à monter sans moi--ne t'éloigne pas
reste avec moi
c'est de nouveau blanc —