Peek a Boo ! est un forum rpg dont la v4 a ouvert en février 2023. C'est un forum city paranormal où les personnages sont décédés ; après une vie pas très chouette, iels se sont vu offrir une nouvelle chance et évoluent désormais dans le Tokyo extravagant de l'au-delà.
起死回生
La méfiance.
Ce sentiment est difficile à expliquer. On ressent de l’angoisse, de la peur aussi. Elle est souvent rationnelle hélas. Nos expériences font de nous ce que nous sommes aujourd’hui, et finalement, la méfiance n’est qu’une alarme pour nous rappeler le « nous » d’autrefois. Je voyais bien que malgré les efforts qu’elle semblait faire pour paraître détendue devant moi, elle n’y parvenait pas. Et ce n’est de toute évidence pas parce qu’elle ne le veut pas, mais parce qu’elle ne le peut pas. Ses explications se tenaient parfaitement, et je me sentais légèrement coupable de lui avoir demandé cela. Là encore, elle tentait de maîtriser ses émotions, mais si elle pensait qu’elle les cachait bien, les signes ne mentaient pas.
J’avais ainsi pu remarquer que lorsque ses oreilles étaient plaquées sur sa tête, c’était un signe de tristesse ou de souvenir douloureux… Peut-être même d’amertume. Ensuite, ses yeux. Ils étaient pétillants naturellement, mais cette fois-ci, ils étaient même vitreux. Retenir ses larmes… En voilà la cause. Puis les discrets coup d’œil partout dans la salle, ne sachant pas où regarder pour ne pas se trahir. Et enfin, la méfiance. Elle ne s’était pas assise à côté de moi. Je pouvais évidemment le comprendre, après sa réponse. Et cela va sans dire que mes questions étaient un peu bouleversantes pour la jeune chimère.
Pour briser le silence qui s’était installé après cet échange, je me lève doucement, et me dirige dans l’allée sur notre gauche. J’arrive devant une œuvre écrite en russe, que j’avais connu. J’attends qu’elle s’en approche pour pouvoir en discuter avec elle. Après tout, nous étions là pour contempler une merveilleuse exposition, alors autant en profiter ! Je racle un peu ma gorge pour être sûr d’avoir une voix claire sans éraillement, puis je me positionne légèrement sur la gauche de l’œuvre, de profil et lui donne quelques informations sur celle-ci, afin d’attirer son attention sur autre chose que la méfiance.
- Est-ce que tu connais celle-ci ? C’est une affiche de propagande qui a été faite en je-ne-sais-plus-quelle-année. Il est écrit : « Тем, кто за мир мы протягиваем руку! » Ce qui peut se traduire par « A ceux qui sont pour la paix, nous leur tendons la main ! ». Sur l’affiche, on peut constater qu’un jeune homme travaille, une pelle à la main. Le but de cette affiche était encore pur à l’époque, les véreux n’avaient pas encore tout gâché : le but était d’inviter les républiques autour de notre mère patrie à se joindre à nous, par le travail collectif et l’entraide. Cette affiche est l’exemple parfait de l’esprit soviétique, le vrai. Avant que tout ne tourne mal.
Mon sourire est une invitation à débattre et à continuer notre ballade à travers les halls du musée, afin de remplacer temporairement la méfiance par la soif de connaissance. Car aujourd’hui, j’avais simplement envie de profiter de l’instant, et passer du temps avec la jeune chimère pour discuter de l’histoire était vraiment plaisant.
La divergence d’opinions ne devrait pas être source de conflit. Je ne pouvais être on ne peut plus d’accord avec l’affirmation de la jeune chimère. Si bien qu’à sa réflexion, je ne puis m’empêcher d’acquiescer discrètement, les yeux clos.
Lorsque Swann se remise à marcher en parcourant la salle de ses yeux, j’emboitai le pas silencieusement, en prenant soin de réfléchir à sa question. Pourrai-je lui apprendre le russe ? Evidemment… Cependant, je doutais sérieusement de mes qualités de professeur dans ce domaine. La langue russe n’était pas si difficile que cela à apprendre… Enfin me semblait-il. Il s’agissait certes de ma langue natale, mais je me souviens encore des cours de grammaire sur les bancs de l’école qui semblaient s’éterniser… Mais l’idée ne me déplaisait pas. Après tout pourquoi pas ! Cela serait l’occasion parfaite pour revoir la jeune chimère, discuter de l’Histoire avec elle. D’ailleurs elle aussi pouvais m’apprendre beaucoup de chose… Il est vrai qu’avec l’éducation bien orientée que j’avais reçu, j’étais … comment dire … ignorant sur beaucoup de sujets. Alors je lui dis :
- Avec plaisir. Je serai ravi de t’apprendre un maximum de chose sur la langue russe. Je ne suis pas expert, mais je pense pouvoir t’apprendre de bonnes bases ! En échange, si tu me le permets, je ne te demanderai qu’une seule chose : pourrais-tu me parler de l’Histoire de manière générale ? Il y’a beaucoup de chose que j’ignore … Tu pourrais me raconter des anecdotes en échange de l’apprentissage de la langue russe, qu’en dis-tu ?
Alors que j’achève cette dernière phrase, mes yeux s’échouent plus loin, vers le fond du couloir, pas si loin de la sortie. Un gardien nous fait signe de la main, mimant un cercle sur son poignet du bout du doigt. Le musée allait fermer. Déjà ? Je n’avais clairement pas vu le temps passer… L’exposition fut intéressante, bien que trop petite… J’aurai aimé y rester d’avantage, mais il s’agissait vraisemblablement du dernier jour de l’exposition. Celle-ci allait être retiré pour laisser place à une exposition sur la renaissance en Europe.
- Il me semble que le musée va fermer ses portes… De toute manière je dois y aller. La prochaine exposition à l’air intéressante, mais je ne maîtrise pas du tout le sujet, dis-je en me grattant nerveusement le derrière de la tête.
Puis je lui tends une petite carte (que j’avais faite imprimer il y’a quelques temps déjà. Car parfois, même si je l’oublie, je suis nécromancien, et il m’arrive de distribuer ma carte « professionnel », même si personne ne faisait appel à mes services) avec mon adresse.
- Si tu veux me contacter, n’hésite pas. Oh, je n’ai pas de numéro de téléphone car j’ai tendance à faire exploser tout ce que je touche… sans faire exprès. Donc tu peux m’envoyer une lettre, ou encore venir directement frapper à la porte de l’appartement… Je serai ravi de te revoir un de ces jours… Comme pour la prochaine exposition par exemple ! A la prochaine !
Et alors que je lui adresse ces dernières paroles, je me dirige vers la sortie et disparait de son champ de vision. Alors que je marche en direction de chez moi, je repense à cette journée, qui s’était déroulé bien trop rapidement à mon goût. Cette petite chimère était décidément très gentille, pour une chimère. En rentrant, j’ai attrapé un livre dans la bibliothèque sur l’Histoire de la Renaissance en Europe, et j’ai commencé à feuilleter les pages, avant de m’endormir encore habillé, épuisé par cette journée pleine de savoir et de bons moments, effaçant les moments de gêne.
C’était une bonne journée.
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