Peek a Boo ! est un forum rpg dont la v4 a ouvert en février 2023. C'est un forum city paranormal où les personnages sont décédés ; après une vie pas très chouette, iels se sont vu offrir une nouvelle chance et évoluent désormais dans le Tokyo extravagant de l'au-delà.
起死回生
Ce matin, en me levant, il neigeait.
Je me suis précipité hors du lit pour me couvrir avec des vêtements chauds. Pantalon beige et gros pull en laine grise, et j’étais prêt. Je ne savais pas trop quoi faire aujourd’hui. Et l’ennuie me conduisait rapidement et bien souvent à la nostalgie. Des fois, je me dis que j’aimerais bien retourner en Russie. Mais les évènements passés revenaient sans cesse dans ma tête. Au fond, j’avais peur d’y retourner. Peu importe à quel point je me répétais dans ma tête : « ne t’inquiète pas, tu es libre maintenant », je ne pouvais m’y résoudre.
Pour me vider la tête des mauvaises pensées qui menaçaient de prendre le dessus, je décide de sortir en ville. Au cours d’une de mes balades en ville, j’avais eu l’occasion de repérer le musée Nezu, qui exposait sur la période de la Guerre Froide. Pour avoir vécu cette période, je savais que bien qu’un peu douloureuse, cette exposition allait me plaire. Mais pressé ce jour-là, je n’avais pas pu m’y arrêter. Avant de quitter mon appartement, je prends ma sacoche en cuir, enfile une chapka, ainsi qu’une paire de moufle en laine. Avec un peu de chance, l’exposition serait encore d'actualité.
J’arpente les rues du Tokyo fantôme, pour me retrouver face au musée. Il n’y a pas foule. Je me dirige vers le guichet, où une jeune femme prenait son ticket. Le temps de traverser la route, elle s’était déjà engouffrée dans le labyrinthe d’œuvres d’arts. Je m’approche du guichet et y demande mon ticket. Je paie un tarif plein. J’entre à mon tour dans le musée.
L’entrée est majestueuse, mais sans prendre plus de temps pour la contempler, je me dirige vers le vestiaire ou j’y laisse mes moufles et mon bonnet. Je garde seulement ma sacoche. Je parcours quelques minutes la galerie. Au fond de la pièce, une petite salle a été emménagée, et des projections de films russes et américains sur la période de la Guerre Froide tournaient inlassablement en boucle depuis presque un moi déjà. Mais ces films, du moins les russes, je les connaissais déjà. Ce qui m’intéressait aujourd’hui, c’était de sortir de mon confort, d’aller voir d’autres choses.
Alors une œuvre attire mon attention. Cela avait l’air d’être une caricature que je ne connais pas du tout. Je me demande quel est le nom de l’œuvre. Je m’y approche et constate deux mètres avant mon arriver la présence de la jeune femme de tout à l’heure. Elle était vraiment de petite taille. Pas plus d’un mètre cinquante à vue d’œil. Elle n’avait plus son bonnet, en constatant la présence d'oreilles tout sauf humaines, j'en conclu qu'il d'agit d'une chimère. Quand j’arrive à son niveau, elle dit à voix haute, comme pour se parler à elle-même :
"D’accord monsieur le président, nous sommes prêts à négocier. Ahah, il y a plus pacifique comme négociation quand même."
Par peur de l’effrayer, je me mets d’abord à son niveau, tout en installant un espace de confort personnel entre nous avant de dire d’une voix que je voulais la plus douce possible, malgré mon timbre de voix grave et mon accent russe :
- Est-ce le nom de l’œuvre ? Je ne la connais pas … En quelle année a-t-elle était faite ?
La jeune femme en face de moi était sans aucun doute craintive et j’espérais vraiment ne pas l’avoir effrayé. Mais au vu de ses yeux qui brillaient quand elle déversa sur moi un flot d’informations sur la caricature ici présente, j’en déduis que je ne l’avais pas tant effrayé. Quelques secondes après, elle tend sa main dans ma direction avec une mine gênée en se présentant. J’en profite pour saisir sa main à mon tour en me redressant et en la secouant dynamiquement, tout en me présentant :
- Ah ! Enchanté, moi c’est Sergueï, Sergueï Petrovitch Choukhov, fils de Petr et fervent adorateur de la période soviétique !
J’en profite pour enchaîner, tenant toujours sa main, les yeux grands ouverts, pétillants d’exitation. Je n’avais jamais vraiment eu l’occasion de parler d’Histoire, encore moins de la période soviétique avec quelqu’un depuis mon arrivée ici.
- En fait je suis né pendant la période soviétique et j’ai combattu contre les troupes allemandes lors de la deuxième guerre mondiale… Mais je suis mort en 1956 avant cette crise dont tu parlais… Que s’est-il passé ? Es-tu toi aussi de cette période ?
Puis me rendant compte de ma familiarité et de l’impolitesse de mes questions, je racle ma gorge pour éclaircir ma voix et lâche sa main, que j’espérais ne pas avoir serré trop fort. Je me retourne vers la caricature, la contemple, puis sans regarder la jeune femme à mes côtés, je continue :
- C’est une période que j’aime beaucoup. J’ai vu l’évolution de l’URSS depuis cet endroit et je suis triste de ce qu’elle est devenue par la suite. C’était un si joli pays, et des personnes malintentionnées l’ont perverti. Quand Staline est mort, et Dieu sait qu’il me manque, le pays est mort petit à petit. Les gens ont commencé à boire plus que de raison. Au début nous avions peur de l’étranger, du monde autour de nous. Mais maintenant, je me dis que cette peur n’était pas si infondée que ça. Les étrangers nous ont fait beaucoup de mal, nous décrédibilisant aux yeux du monde. En quelques sortes, je pense que la politique menée après Staline nous a condamné, et que les réactions du monde autour ont scellé notre sort. Enfin, je m’emporte ! Je ne vois pas beaucoup de gens venir au musée alors je suis content de trouver quelqu’un d’aussi passionné que moi ! Même si je dois avouer que c’est plus la période soviétique que l’Histoire qui m’attire… Pourquoi aimez-vous tant que ça l’histoire ? lui demandai-je, en prenant soin de la vouvoyer.
En attendant sa réponse, je m’empresse de lui demander, après avoir attrapé dans ma sacoche une petite boîte contenant une dizaine de blinis, après avoir saisi un blini, le croquant à pleines dents, et en articulant du mieux possible la bouche pleine :
- Au fait, savez-vous si on a le droit de manger dans le musée ?
Alors elle n’était pas de cette fameuse époque. Cela dit, je trouve la petite chimère très intéressante. Je connaissais quelques férus d’Histoire, et j’appréciais discuter avec eux, mais j’avais généralement en face de moi des gens qui avait au moins mon âge. Après tout, c’est sur l’Histoire qu’on forge notre avenir, alors il est tout à fait légitime de vouloir en apprendre plus sur le passé de nos nations respectives. Contrairement à beaucoup de camarade de mon époque, je ne nourrissais pas une haine aveugle à l’encontre des américains, des britanniques… ou du reste du monde finalement. Non. Finalement, j’étais simplement patriote, avec de l’admiration pour notre père de la nation. Mais je comprenais parfaitement que mes idées n’étaient pas forcément partagées par tous.
Son rêve était d’en savoir toujours plus. La aussi, à l’inverse de beaucoup de gens, je ne considérais pas la curiosité comme un vilain défaut. La curiosité était le propre de l’Homme, le poussant toujours à repousser ses limites, approfondir ses connaissances et surtout découvrir de nouvelles choses. Moi aussi j’aimais apprendre. Déjà sur les bancs de l’école, j’étais le plus curieux. L’un de mes seuls regrets aura été de ne pas voyager. Je ne me gêne pas alors pour le lui demander :
- Avez-vous voyagé pendant votre… vie ? Je veux dire, moi je n’ai pas eu la chance de partir à l’étranger avec toutes ses guerres et nos grands problèmes économiques, mais, si je ne me trompe pas, à la fin de ce grand conflit, le monde était un peu plus en paix … D’ailleurs, je crois savoir que les Etats-Unis d’Amérique sont devenus un pays riche ? Peut-être que vos parents vous ont emmené visiter un pays pour un anniversaire ?
En attendant sa réponse je remarque un étrange comportement chez la jeune chimère. Ses oreilles bougeaient et son nez se retroussait. Je baisse mes yeux au niveau de mes mains. Il me restait encore beaucoup de blinis. Je lève de nouveau mes yeux vers la jeune fille. Ses yeux brillent et fixent … mes blinis. Je comprends rapidement, et je me baisse à peu près au niveau de sa tête, et lui souris. Mes yeux droits dans les siens je tends la petite boîte en plastique contenant mes blinis cuits du matin, et lui dis :
- Tu aimes les blinis, da ? J’aime beaucoup ça. C’est une spécialité russe. Ma maman m’en faisait toujours avant de partir à l’école le matin. C’est très bon. On peut même rajouter ce qu’on souhaite à l’intérieur, mais je les préfère au sucre roux. Tiens, goûte !
Les bras tendus, un grand sourire, j’attends la réaction de la fille en face de moi. J’espère ne pas être brutal et ne pas l’effrayer avec mon accent terriblement russe. Mais je pense que d’après son comportement, elle devait surement plus être concentrée sur l’odeur des blinis que sur le ton de mes paroles. Après tout, malgré mon … ossature imposante, j’étais vraiment délicat dans mes intentions.
En attendant qu’elle pioche des blinis dans la boîte, je me permets de lui poser une nouvelle question, attisant toujours plus ma curiosité. Je me racle la gorge une fois, baisse les yeux, réfléchissant si je choisi bien mes mots, comment aborder le sujet sans paraître trop invasif sur sa vie personnelle. Mais après tout, ma question faisait partie de l’Histoire en quelques sortes. Même si cette Histoire n’était propre qu’à un seul individu, même si cette Histoire est personnelle. Je me risque, en relevant les yeux vers elle, le regard gêné, à lui poser la question que je me posais depuis quelques minutes maintenant :
- Puis-je vous demander… Sans être indiscret… Comment êtes-vous … morte ?
Ma question pouvait paraître assez directe et un peu trop personnelle, mais je la trouvais définitivement jeune… Trop jeune pour mourir dans un monde où la guerre n’est presque plus qu’un souvenir lointain, malgré les autres conflits sur Terre. Trop jeune pour mourir tout simplement. Moi j’étais mort dans un contexte mondiale tendue est difficile, mais elle… J’espérais simplement ne pas raviver de malheureux souvenirs.
J’avais vu juste. Sa mort était un sujet sensible. Enfin, il l’était pour globalement tout le monde. Il m’arrivait de voir des enfants dans le monde des morts, de jeunes personnes et des familles même. Nous n’avions pas de chance, c’est tout. Il fallait faire avec. Et puis, notre condition n’était pas si mal. On pouvait faire tout ce dont nous avions rêvé, mais qui était autrefois impossible pour diverses raisons. Je trouvais sa mort bien plus terrible que la mienne dans le fond. Elle était plus jeune, et il s’agissait d’un accident. Finalement, même trahi par un ami, j’ai pu voir le visage de mon meurtrier pour ne jamais l’oublié, et vu que je savais que j’étais foutu, j’avais pu, inconsciemment, faire mes adieux au monde. L’attitude profondément attristé de ma camarade de musée me transperça le cœur. Sous mes allures de géants, j’étais sensible, et je savais que ma question était peut-être inappropriée.
Alors que je m’apprêtais à ouvrir la bouche pour tenter de réconforter la jeune chimère, le gardien du musée vint pour nous confisquer mes délicieux blinis. Ah. Ce n’était pas prévu. Je ne pensais pas que manger dans les musées était interdit, alors je lui remis ma boite de blinis sans faire d’histoire, inclinant la tête en signe d’approbation en calant un petit « excusez-moi » à l’intention du gardien. Pas grave, j’en referai à la maison. Après ce petit contre temps, j’observe la chimère. Une autre question me turlupinait. J’avais déjà fait la connaissance de chimère, et presque la totalité était agressives et refusait de me parler. Pourquoi était-elle devenue chimère ? Haïssait-elle les hommes, elle aussi ? Pour quelle raison ?
Je profite du silence pour mettre des mots sur mes pensées. J’avais encore tellement de question à lui poser, et le temps filait comme de l’eau. J’en profite pour m’assoir sur un siège, petit par rapport à ma corpulence, juste en face de l’œuvre. Le corps légèrement penché en avant, les coudes sur mes genoux et les mains jointes entre ces derniers, je lui adresse un léger sourire interrogateur.
- Tu as pu mourir en voyageant finalement. C’est dramatique que cela soit accidentel, tu as dû laisser une famille et des amis derrière toi. Je comprends…
Un flash. Un flot de souvenir me revient subitement. Le mot famille me faisait toujours quelque chose. Je revoyais sans arrêt ma mère. D’un côté, la jeune chimère me faisait penser à elle. Elle était douce et silencieuse, exactement comme Swann. Je me mords discrètement la lèvre inférieure pour retrouver mes esprits. Je relève la tête, et enchaîne :
- Mais pourquoi être devenue une chimère ? Quelque chose chez les hommes te révulse ? Par exemple, je suis devenu nécromancien car j’avais une sorte de don que je ne parvenais, et que je ne parviens toujours pas à maîtriser.
Puis je secoue énergétiquement la tête, comme pour réfuter mes pensées. Non, ce genre de question ne se posait pas. Décidemment, j’étais trop bête. Alors, je tape dans mes mains pour chasser le silence, et rigole faussement. Je rajoute :
- Non, oublie ce que je viens de dire. Ce n’est vraiment pas approprié. Excuse-moi.
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