Détester? Le mot n'était pas le bon. Plaindre s'en rapprochait plus. Saturday avait pitié des chimères, les voyant comme de petits êtres pathétiques ayant choisit le chemin de la bête. Saturday croyait que, et bien, qu'elle était bel et bien morte. Mais que les siècles qu'elle avait passé dans ce monde n'étaient qu'un test, un examen pour vérifier sa virtue et sa dévotion, et lui assurer une place dans le cercle infini de la réincarnation. Les animaux étaient des âmes punies, des humains qui avaient été mauvais dans leur vie et qui n'avaient pu se racheter durant leur morts. Ils avaient donc été punis à prendre la forme d'une bête, sans conscience ni pensées, maudite à vivre une courte vie dans la peur et la violence du règne animal où la Chasse est l’impardonnable maîtresse. À ses yeux, les chimères avaient volontairement choisit ce chemin habité par la violence et la terreur et, Saturday, cherchant à prouver sa valeur et montrer qu'elle mérite une réincarnation humaine, fais preuve d'altruisme en purifiant la pauvre chimère égarée. Personne ne peut prouver qu'une fois tombé en poussière, l'être ne se réincarne pas sous une autre forme dans le monde des morts, une deuxième chance à revenir à la vie avec une ardoise propre... Mais comment l'expliquer sans avoir l'air d'une folle furieuse?
- Il n'y avait aucune haine derrière mes paroles ou mes actions, Matsushira-dono. C'était une tentative de rédemption plutôt. Vous sauver d'une mauvaise mort et donc d'une mauvaise future vie. Je ne m'attend pas à ce que vous compreniez.
Saturday se leva en se massant l'épaule et marcha jusqu'à la pille de paille recouverte de plusieurs couches de fourrures et s'y assit, tirant une couverture de peaux cousues grossièrement entre elles sur ses épaules. Son regard noisette se fraya un chemin jusqu'aux mirettes dorées de son interlocutrice et le petit renard spectral reprit la parole.
- Vous avez gâté ma faiblesse pour la conversation pendant bien longtemps déjà, j'imagine que vous avez mieux à faire que de m'écouter radoter. Ne me laissez pas vous retenir, je suis sûre que vous avez hâte de retrouver votre peinture ou votre chez-vous. N'hésitez pas à revenir dans les parages, je vous jure sur ce masque que je ne tenterai plus jamais de vous faire du mal.
La chasseresse se glissa sous la couverture, lentement et avec attention. Elle était épuisée, avait froid et avait un peu honte de s'être laissée prendre par surprise par sa proie de la journée.. par contre, une fois le cessez-le-feu établit, la Samurai avait été plutôt gentille et compréhensive. Elle était forte et courageuse et d'agréable compagnie malgré le sang qui tachait leurs mains à toutes les deux. Une fois Kohaku sortie et le rabat de la petite habitation refermé, l'archère s'endormit rapidement sous le son des braises crépitantes qui refroidissaient dans sa fosse à feu. L'Onna-Bugeisha, vu son style de combat et son accent, devait venir plus ou moins de la même époque qu'elle mais, vu ses habits, Kohaku avait évolué d'une manière très différente de Saturday. La chasseresse était-elle réellement sur la bonne voie? Comment pouvait-elle le savoir?