Orpheus Ioannis
Certainement pas qu'il ne pleurerait puisque son adversaire n'était pas responsable de ses doutes. En réalité, Cassian se les créait sans doute tout seul. Il ne pensait pas à sa manière d'aborder la curieuse quête, pour laquelle il était venu en ces lieux initialement, pour une fois, ne cherchant pas à ce qu'elle soit présentée comme polie.
À dire vrai, cela aurait pu importé au jeune homme si ça avait été une toute autre personne mais là, il s'agissait d'un revenant ; d'une page du passé. Sauf qu'il avait plus bâclé que bouclé le premier roman et Orpheus en faisait partie mais il avait sa place parmi les autres, c'est-à-dire, l'offre d'un Cassian désagréable et capricieux, de ces temps-ci. Et ainsi, encré sur le papier et dans la mémoire d'Orpheus, Cassian ne changea absolument pas pour lui alors que le deuxième bouquin proposait un personnage plus clément mais plus hypocrite.
Les sourires n'auraient aucun rapport avec ce que Cassian avait tissé pour le basané au début de leur rencontre d'où, probablement, cette sorte de logique de perdurer dans un tact quasiment absent pour lui. Confronter son lui d'hier pour un ectoplasme et son lui d'aujourd'hui pour une nouvelle devait être trop pour lui ; probablement une raison expliquant en prime aussi son abattement soudain que le taquin accusa mais l'autre ne le releva pas plus que cela ; du moins, il n'en fit aucune remarque orale.
En revanche, à l'inverse de Cassian, Orpheus ne se montra point gêner de favoriser sa nouvelle version plutôt que son ancienne. Le brun le connaissait d'un naturel guilleret, niais et collant. Il avait juste hérité de ce dernier trait — quoiqu'un peu du deuxième — mais la dangerosité avait augmenté après sa mort, de ce que Cassian en jugea, pour qu'il puisse vouloir continuer de se payer sa tête.
Cassian en finit par soupirer mais ce ne fut pas son soupir qu'il perçut mais des bruitages plus excités capables d'attirer son attention et de plagier l'exaspération du petit. Signe que le garçon voulait les interrompre, il se concentra à nouveau sur son ennemi qui déglutit en le regardant. Plus d'une fois au fur et à mesure que les centimètres se dérobèrent. Très dangereusement, il s'approcha et Cassian ne témoigna aucune plainte mais un choc certain dans les yeux.
Selon la situation, il ne pouvait pas repousser le torse qui s'avançait contre le sien pour, clairement, l'embrasser au corps au corps ou lèvres sur lèvres. Soit parce que les deux n'avaient pas le choix, soit parce que l'un se montrait opportuniste et, pour une fois, ce n'était pas le plus petit.
L'alerte de Cassian s'exerça uniquement sur la zone de son visage mais elle fut plus alarmante dans le cri de la demoiselle non en détresse mais complètement conquise et séduite par un garçon qui ne l'avait pas approché mais approchait un autre. Après tout, tous les gestes précédents, hormis être agressifs pour corriger la fuite, avaient été très tactiles mais aussi très proches.
Ceci dit, le garçon aguicheur attendit que la blonde se mit à s'évanouir dans son extase hurlante pour finir par se reculer subitement de Cassian pour contredire l'hypothèse que ce dernier avait construit en un instant avec toutes les preuves qu'il avait collectées.
Des preuves, sans doute, que Cassian pourrait jusque là confirmer pour s'en servir avec son esprit aiguisé et tactique. Après tout, pourquoi Orpheus avait agi ainsi alors qu'il aurait simplement pu se débarrasser du dit démon autrement, selon Cassian, en laissant ce dernier s'enfuir ; pourquoi ne le laisser-t-il pas s'enfuir depuis le départ, d'ailleurs ? Soit ce revenant était trop curieux de ce qui motivait le perturbateur soit par le perturbateur, tout simplement, en question.
Les yeux ronds de Cassian voulurent devenir indignés, selon sa réaction, par l'action de l'entreprenant mais ils restèrent juste surpris de l'engloutissement de la distance. Ce qu'il y avait derrière lui ne put l'empêcher de reculer, quant à lui, et finalement, il remercia ce blocage auquel on lui avait amené pour pouvoir bâtir une nouvelle tactique.
Comme le cas de la jeune fille, Cassian déclencha, en effet, cette tactique qu'Orpheus venait d'appliquer et d'enseigner à son vis-à-vis. Celui-ci le calqua, comme à son habitude, comme son habilité le permettait.
Des lèvres non atteintes, non profanées, se virent donc aussi surprises mais quelque peu séduites pour finalement se refermer, profitant, ainsi le dirent-elles ; il mordit sa lèvre inférieure en appliquant son regard sur son enseignant d'un temps, trahis plus tard.
Il se montra, à l'image de l'autre, très curieux de lui, en posant gentiment cette question :
▬ Oui, d'accord, mais y avait peut-être un autre moyen de la faire fuir, tu sais.Très précautionneux, il tenta de faire attention, cette fois, à ne pas vexer l'autre comme à rester anxieux pour la jeune femme tombée au sol. Ce fut comme si la transformation avait lieu ; que Cassian passait au second tome, justement, avec ce personnage du passé. Comme si, finalement, il réalisait qu'il était bel et bien mort, tout comme lui.
Doux et hypocrite, il devint :
▬ T'aurais juste pu me laisser partir. Pourquoi tu ne le fais pas, hein ? Pourquoi tu veux impérativement que je reste… avec toi ?Ses sourcils se froncèrent, non pas d'irritation mais selon la mimique d'une fausse inquiétude. Il accentua bel et bien sur le « toi » pour marquer la relation particulière qu'attendait probablement Orpheus à l'issue de cet échange. Puis finalement, le garçon laissa ceci en suspens en croisant les bras, attendant une réponse de la part de ce garçon dont l'image devait se transformer.
Pour séduire.
Pour se servir.
Si il arrivait à conquérir un tant soit peu cet accroc du contact et de la tendresse, probablement qu'il pourrait récolter deux choses qu'il voulait ; questionner puis subitement s'évaporer.