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Je comprends ce que vous voulez dire. L’apprentissage du langage dans son utilisation quotidienne… la dernière étape, la plus agréable tout en étant la plus frustrante –à mon sens.Vassili se souvient, beaucoup trop bien à son gout, de toutes les maladresses qu’il a pu enchaîner lorsqu’il débuta ses études en Allemagne et conçoit parfaitement l’exigence que semble mettre son jeune voisin dans son apprentissage.
Plus jeune, il s’imposait exactement la même rigueur.
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Ceci dit, je doute que ce soit quelque chose que vous puissiez apprendre dans des livres. Les conversations ou les films vous seront probablement plus utiles. Enfin, vous y avez probablement déjà songé. D’autant vous parlez
actuellement en
anglais Vassili ; si tu as d’autres remarques de la même pertinence, n’hésite surtout pas.
Enfin, ils parlent anglais, à l'exception d'une petite exclamation non contrôlée; si "génial" est un mot commun à celui utilisé en anglais, l’accent lui suggère plutôt du français, familier à ses oreilles car parlé par le pays voisin du sien de son vivant.
Un brillant effort de déduction lui permet donc de comprendre que sa présomption selon laquelle sa proposition serait accueillie par de l’indifférence est finalement erronée.
Et donc que ce garçon se sent concerné par l’une des deux langues qu’il a mentionnées.
Élémentaire mon cher Watson.
En revanche, appréciant les démonstrations d’enthousiasme car elles sont gages d’une agréable fraîcheur, Vassili ne comprend pas du tout la cause du rougissement subit du jeune homme.
Il ne cherche toutefois pas à insister ; creuser la cause d’un embarras permet certes de récolter des informations, mais cela risque surtout de refermer comme une huître celui qui est présentement le plus à même de le motiver à apprendre le japonais.
Et donc de s’aliéner l’efficacité de son assistance.
Ainsi, ce qui pourrait passer pour de la délicatesse n’est en réalité que l’évaluation d’une balance bénéfice-risques.
Il se contente donc d’un sourire indulgent, de ceux qui clament « ce n’est pas grave » avant de le laisser s’immerger dans son livre -jusqu’au moment où sa question force l'autre à se fendre d’une longue explication.
Heureusement, celui-ci la lui offre de façon fort sympathique.
Vassili l'apprécie décidément de plus en plus.
Il prend des notes dans un petit agenda ringard qu'il a sorti d'une poche de sa veste et c'est seulement une fois le topo terminé qu'il se penche sur la feuille afin de lire ce que son professeur du jour y a inscrit.
Toutefois, il a beau s’accrocher à son monocle pour être sûr de ne pas se tromper, et s’accorder un long moment de silence pour chercher un contexte dans lequel il aurait pu entendre le mot en question, celui-ci ne lui dit malheureusement rien.
Et non, pas un instant il ne songe qu’il pourrait s’agir d’un prénom.
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Et donc… que veux-dire « Asuma » ? A noter qu’il a prononcé « A-zuu-mah » -au niveau de l’accent, ce n’est pas gagné…
Heureusement, juste au-dessous de ce TERRIBLE romaji vint s’inscrire un langage qui lui est autrement plus familier.
« Очень рад познакомиться »
C’est une formulation guindée, typique des nouveaux apprenants. Elle lui rappelle tant la bourgeoisie coincée de son enfance que cela lui arrache un sourire nostalgique (si on l’observe bien, on peut voir une légère différence avec son sourire courtois habituel).
Vassili espère juste que son voisin ne le prendra pas pour un sourire moqueur.
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Aaah, cela faisait bien longtemps que je n’avais pas lu de russe. Votre formulation et votre orthographe sont tout à fait corrects, bien sûr ; toutefois, je pense que dans la société russe actuelle, on utilise plus simplement Очень приятно. [otchin’ priatna]De sa petite écriture soignée, il note cette nouvelle formulation juste au dessous de la précédente.
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Combien de langues connaissez-vous, au juste ? demande-t-il avec une curiosité non feinte.
Ah là là... à peine a-t-il effleuré les alphabets japonais qu’il semble déjà vouloir faire une pause. Habituellement, sa concentration est pourtant l'un de ses points forts.