L'antre du savoir, ou quelque chose dans ce goût-là
@Li-Mei Zhang460 mots
Ta petite ruelle le matin en fin d'hiver, elle est maussade. Voire lugubre, en raison des corbeaux qui s'y massent en croassant bruyamment. C'est le début du mois de mars, et le printemps se fait plus que désirer. Heureusement, en cette saison, fabriquer des potions apporte ce petit plaisir de réchauffer l'ensemble de l'étage grâce à l'irori au-dessus duquel le contenu d'un de tes chaudrons mitonne. Assis sur un tabouret placé devant, comme un vieux qui soulage ses rhumatismes, tu es tout seul à travailler dans l'atelier, avec un pilon et un mortier pour broyer machinalement des ingrédients à ajouter à la marmite.Tu repères finalement le bruit d'un battement d'ailes et les appels de Wilhelm ne tardent pas à t'informer d'une visite plus efficacement que la sonnette de comptoir. Quand il est sur son perchoir et qu'il n'est pas occupé à dormir ou à manger, ses "bonjour" répétitifs accueillent – ou assourdissent – toustes les inconnu·e·s qui passent la porte de la boutique. Tu poses tes ustensiles et tu recouvres d'un torchon ta préparation pour éviter qu'elle ne sèche, le temps que tu ailles voir de qui il s'agit. Enfin, avant ça, tu te permets de te faire couler un troisième café en salle de pause. Bref, faut pas être pressé, avec toi.
Quand enfin tu passes à l'avant du magasin avec ton mug fumant pour voir à qui tu as affaire – et pour calmer le corvidé qui s'égosille et recherche à tout prix de l'attention –, tu reconnais avec peine le visage d'une jeune femme que tu as rencontré quelques temps plus tôt, tu ne sais plus quand exactement ; elle est amie avec Clément, et elle travaille avec lui sur un de ses projets, si tu te souviens bien ? Les détails ne te reviennent pas, en revanche, c'est seulement maintenant que tu réalises qu'à la base, c'est toi qui lui as proposé de te rendre visite après avoir conversé avec elle. Saaauf... que tu avais oublié que tu devais la recevoir aujourd'hui.
Pour ta défense, la deuxième moitié de ton mois de février t'as bien lobotomisé, et tu ne t'en es remis qu'il y a une poignée de jours. Alors tes rendez-vous, tes obligations... Tu commences à peine à raccrocher les wagons de tout ça.
— Oh, salut ! Ça faisait une paie, essaies-tu de la saluer, alors que tu galères à retrouver son prénom. Fais pas gaffe à ce brailleur, il est juste excité de voir du monde. Je te sers un truc ?
... Elle est venue pour quoi, déjà ? Est-ce qu'elle avait un besoin spécifique ? Mince. Tu espères qu'elle n'attendais pas que tu lui prépares des potions en particulier, parce que ça fait des semaines que tu essaies de rattraper tes commandes en retard.