Février 2024
Ce nouveau monde paraît aussi terrifiant que celui des vivants. C’est ce que pense Zoe, emmitouflée dans cette énorme couette comme pour se cacher de ses peurs. Depuis son arrivée dans cette après vie, elle n’a pas osé sortir de cette grotte hormis lorsqu’il était absolument nécessaire. Elle se réfugie dans son imagination, espérant peut-être au fond que tout ça ne soit qu’un rêve, qu’elle est sûrement dans un coma après son accident et qu’elle finira bien par se réveiller d’un moment à l’autre.
Mais pendant encore combien de temps peut-elle se cacher derrière ce déni ? Quand est-ce qu’elle acceptera enfin son destin ? Elle se mord la lèvre à cette réflexion, toujours aussi indécise à ce qu’elle devrait en penser.
En attendant, une part d’elle lui fait remarquer qu’elle ne peut pas rester comme ça indéfiniment, un début de courage certainement qui tente de la pousser vers l’extérieur. Mais comment s’y prendre ? Elle n’y connait rien, la majorité des choses sont écrites en japonais, une nouvelle langue encore qu’elle se devra d’apprendre si elle souhaite un jour comprendre ce qu’il se passe autour d’elle.
Puis c’est en scrollant sur Deathbook qu’elle est tombée par hasard sur ce groupe, une association ? R.E.D ou Revenants en Difficulté. Elle proclame aider les nouveaux fantômes ou ceux globalement qui auraient besoin d’aide. En fouillant un peu, elle trouve l’adresse des locaux et là elle réfléchit un peu. Beaucoup. Dans sa vie d’avant, elle aurait demandé à des amis de l’accompagner mais elle est seule dorénavant et qu’elle le veuille ou non, elle devra bien finir par s’y habituer.
Peut-elle vraiment dire qu’elle est en difficulté ? La timidité est-elle une réelle difficulté ? Est-ce que son autisme sera pris au sérieux là-bas ? Et si aucun d’eux ne parlait anglais ? Elle se retrouvera bien bête. Et plus elle y pense, moins elle a envie de s’y rendre.
Alors pour contourner ce problème, il suffit de ne plus y penser, d’y aller sans plus réfléchir. Et même si elle n’est pas aussi en difficulté qu’elle le pense, ils pourront toujours l'aiguiller sur la marche à suivre.
Alors Zoe se lève d’un bond et se prépare en vitesse pour s’éviter plus de réflexion et ne pas se laisser le temps de baisser les bras. Elle prend bien sa saccoche contenant le nécessaire pour contrer ses sensibilités et elle se hâte de quitter la grotte.
[...]
Tout le trajet, elle aura eu les yeux fixés sur son GPS, ses bouchons d’oreilles mis pour éviter les bruits trop assourdissants et sa main libre jouait avec ce cube fidget. Quand elle arrive, elle observe un instant le bâtiment. Un grand entrepôt qui lui fait douter un instant de si elle se trouve au bon endroit. Pourtant tout indique que c’est le cas, alors elle prend une grande inspiration pour se donner du courage et entre.
Son regard n’a pas le temps d’examiner le nouveau décor qu’il se pose sur une personne à l’accueil vers laquelle elle se dirige vite, comme pour essayer de rapidement mettre un terme à son stress et cette épreuve.
En arrivant, crispée, devant l’homme, sa gorge se noue. Elle n’a pas parlé depuis son arrivée ici et ça ne semble pas encore près à changer. Son visage exprime une certaine détresse et ses mains jusque là agrippées à la bandoulière de sa saccoche viennent faiblement signer devant elle.
« Bonjour. C’est bien ici, le R.E.D ? »
Ses lèvres bougent en même temps que ses signes et pourtant, aucun son ne sort de sa bouche. Et là elle prie ; elle prie de ne pas avoir à se démener pour pouvoir se faire comprendre. Au cas où, elle prend son téléphone en main, prête à inscrire sur ses notes ce qu’elle vient de dire.