Des visages familiers, d’autre moins. Derrière le bureau de renseignements Guillaume observe les usagers et usagères qui vont et viennent, telle une danse légèrement chaotique au goût d’habitude, les accueillant de son habituel sourire. Il informe, conseil, répond, salut d’un hochement de tête avant de passer au suivant. Et un de plus, et encore un autre. Il peut sembler un peu mécanique mais il trouve une certaine plénitude dans cette routine bien installée. Bien évidemment cela peut sembler ennuyeux, aussi. Mais c’est bien parfois, l’ennui ; c’est le signe qu’il retrouve le calme, qu’il réapprend à apprécier des choses qu’il a perdu de vue depuis … Depuis. Il donne un livre à un étudiant qui le remercie et il le regarde s’éloigner. C’est en l’observant qu’il remarque une tête qui, elle aussi, lui est familière. Cheveux blancs, yeux grisâtre et peau presque aussi pâle que la neige d’hiver.
Pourtant il ne fait aucun signe. Il se plonge dans son travail ; s’il devait s’arrêter à chaque visage qu’il connaît il ne pourrait jamais avancer. De toute manière, si elle souhaite venir lui parler ou même demander quelque chose, elle saura trouver le chemin jusqu’au bureau. Le nez dans un livre, debout devant le bureau, il détache son regard du reste de la bibliothèque un temps.
« Bonjour mon chéri ! »
Il lève le regard. Devant lui elle se tient, le sourire brillant de mille feux. Quelques cheveux rebelles devant ses yeux qui le poussent à les passer derrière son oreille alors qu’il sort son plus beau sourire professionnel. Son geste lui laisse quelques précieuses secondes pour pousser d’un revers de la main la pointe d’agacement qui monte lorsqu’il entend ce mot. Chéri et en français, pour son plus grand déplaisir. Heureusement il a pu apprendre bien plus que la simple patience durant ses siècles de non-vie et son calme, son flegme et son ton, semblent parfaitement naturels. Sincères, même.
« Comment vas-tu aujourd'hui ? Dis-moi tu aurais de nouveaux ouvrages sur les combinaisons d'ingrédients qui peuvent causer des zombifications ? Je fais des petites expériences avec mes potions d'apparences et je voudrais éviter un fâcheux incident et arrêter de me ruiner en plumes de test par la même occasion. »
Voilà une demande bien inhabituelle.
« Bonjour ma chère. »
Léger sourire alors qu’il fait le tour du bureau pour se rapprocher d’elle, avec une démarche lente et relativement élégante.
« Voilà une demande bien … Spécifique. Nous avons plusieurs rayons de documentations sur la création de potion, que ce soit des notions basiques aux notions plus … Complexes, dirons-nous. En termes de nouveauté, je ne sais pas si cela conviendra mais je peux te montrer ce que l’on a reçu la semaine dernière. »
Petit signe de la tête accompagné d’un sourire, indiquant qu’elle peut le suivre si elle le désire. Il l’emmène un peu plus loin, près d’un rayonnage qui respire le vieux bois et les manuscrits d’un autre temps. Pourtant, parmi les dos de livres abîmés, certains semblaient presque neufs. Il observe un moment avant de sortir un livre exposé en présentation sur son socle et de le tendre à la jeune femme.
« Il me semble me souvenir que dans ce livre, il y a un chapitre consacré à la création de potion d’apparences, mais pas que. Il est possible qu’il contienne des informations. Pour des raisons évidentes, je ne l’ai pas feuilleté dans le détail. »
Son sourire semble doux, mais la tourne de sa phrase veut tout dire. Toujours aussi habile avec les mots il lui laisse le soin de feuilleter le livre plus en détail alors qu’il reste à côté en cas de nouvelles questions toutes aussi précises.