Par dessus la troisième corde !!!!
Direction l’hôpital
Elle commence à marcher, ne remerciant pas Constantine, et mettant ses mains dans les poches de son manteau. Elle a toujours trop de fierté pour dire merci, mais parler ne la dérangeait pas. Qu’allait-elle dire? C’est vrai fallait pas trop se livrer à un inconnu. Elle commence par dire ceci.
Pour ma crise… J’te rembourserai. Je suis pas autant payée que quand j'étais à la DWA, mais je gagne très bien ma vie. Les O’Connor n’ont qu’une parole, selon mon abruti de père., dit-elle avec un peu de colère.
Sadie détestait son père, et ses frères, la seule de sa famille avec qui elle s’entendait c’était sa grand-mère qu’elle avait pu retrouver dans l’au-delà. Elle la respectait et aimait sa douceur, ça la rassurait. Un silence s’était installé, un long silence, un silence gênant. Puis elle rouvrit la bouche.
Je viens de Derry, les anglais et les protestants l’appellent Londonderry, mais c’est débile. Est-ce que moi j’appelle Londres, New Dublin ? Non. C’est Derry. Quand on était catholique Irlandais faisait pas bon vivre en Irlande du Nord. C’était la pauvreté, les ghettos, la violence.
Se replonger dans ses souvenirs d'enfance lui faisaient plus de mal que de bien. Avec le temps, elle a rejeté l’identité britannique pour embrasser son identité irlandaise, par réaction à l’oppression britannique.
Elle continue à marcher, malgré la douleur que lui infligent ses mains. Elle est fatiguée, a encore le visage déformé par sa crise, mais elle semble s’être calmée.
J’ai vécu les émeutes du Bogside, en 1969. Et a l’époque j’avais la haine contre les britanniques et les protestants. Entre mon quartier et le quartier des protestant y avait un parc, donc on se battait pour en avoir le contrôle. C’est comme ça que je l’ai rencontrée, elle était teigneuse, bagarreuse comme moi. On s’est battue souvent pour ce maudit parc, on croyait qu’on était l’IRA des années 20 mes frères et moi.
Elle se souvient ensuite des moqueries à l'école, ils étaient tous pauvres, mais Sadie un peu plus que les autres. Donc on se moquait d’elle, on la laissait seule, et ses frères étaient dans une autre école.
Un soir, je suis allée me réfugier au parc, mon père avait encore bu. Et c’est là que je l’ai vue, Jenny. On s’est pas bagarrées ce soir-là, on a juste parlé. Et j’ai compris un truc, elle était pauvre, j’était pauvre, son père buvait, mon père buvait. J’ai compris qu’à part obéir ou non au pape on était pareil, toutes les deux irlandaises, puis on a commencé à se voir en secret, puis on est tombées amoureuses. Mais bon un jour mon frère nous a chopée, moi avec une fille, moi avec une Donnelly, moi avec une protestante, c’était un triple scandale. Mes frères et mon père m’ont tabassée toute la nuit et Jenny a déménagé à Belfast.
Puis elle se souvient du jour de sa mort, des murs de Belfast de l’ambiance de guerre civile, de la question, cette fameuse question “protestante ? Ou catholique ?”
On a réussi à se parler à distance et on a fait un plan pour s’enfuir. On voulait partir à Dublin au moins là-bas y aurait pas de loyalistes. Alors je suis allée à Belfast pour la chercher, c’était une ambiance de guerre, y avait des murs pour séparer protestants et catholiques. Puis j’suis tombée sur 5 ou 6 connards, ils m’ont demandé si j’était protestante ou catholique, je n'ai pas répondu. Alors ils en ont déduit que j’était catholique, et ils m’ont battue à mort. Morte parce que catholique, On était tous des irlandais et pourtant on s’entretuait. Qu’est-ce qu’on était stupides. A cause de tout ça, j’ai perdu Jenny, c’est peut-être égoïste de ma part, mais j’ai souvent souhaité qu’elle meurt avec moi.
Sadie raconte son histoire à Constantine.