agenouillez-vous devant la famille kamiya. & Lulu

Il observe ta pomme.
Croit-il que c'est empoisonné ?

Il a tous les droits de se méfier.

Après tout-

La partager.
Tu la récupères.
Tu l'observes à ton tour :

« Si vous n'en voulez pas, ce n'est pas grave. »

Tu sais que ce n'est pas ce qu'il sous-entend.
Mais partager une pomme ?
Quelle idée saugrenue.

Toi.
Lui.

Pas du même monde.

Tu récupères l'assiette pour y déposer le fruit :

« Pourquoi... ? »

Tu clignes les yeux un instant.

Pourquoi il s'en soucie tant ?
Il n'a pas mieux à faire que de te parler ?

Tu ne le comprends pas du tout :

« Je suis facilement sujet aux maux de tête- »

Par le stress et l'angoisse sans doute.
Mais il n'a pas à le savoir :

« Donc je voulais simplement m'aérer pour soulager ma migraine. »

Tes yeux se détournent un instant :

« Ca... Ca va mieux maintenant. »

Plus qu'une migraine, t'as mal à la poitrine.

Par le stress et l'angoisse sans doute.
Mais il n'a pas à le savoir :

« En tout cas, j'espère que le banquet vous plaît. », souffles-tu en baissant la tête dans un geste d'humilité.

T'as aidé à la préparation après tout.
Et t'ignores si c'est à son goût ou non - personne ne t'a conseillé réellement.

Sans doute que si ça lui déplaît, tout retombera sur toi.

Comme d'habitude :

« Sinon, n'hésitez pas à m'en parler. Je vais y remédier. »

Un sourire.
Poli.
Plastique.
Étudié.
Maîtrisé.

Loin.
Loin.
Loin.
D'être sincère.

Tu veux t'en aller.
Qu'il s'en aille.

Tu veux respirer de nouveau.

Et fuir ses yeux.
Son feu.

Qui t'émeut tant.

Tu te rends à l'évidence-

Il ne partira pas.

T'inspires.
T'expires.

Tu zieutes machinalement une porte coulissante, espérant une dernière fois qu'on te sauve de cet homme mais non.

Autant arrêter d'espérer qu'il s'en aille, c'est juste plus épuisé ton cerveau déjà bien abîmé par la migraine.

T'inspires.
T'expires :

« Merci pour vos compliments, je n'hésiterai pas à le partager. »

Alors retournes-y.

T'inspires.
T'expires.

D'ailleurs.
Tu remarques à peine ce détail.

Il fume une pipe.

Drôle de détail.
Tu ne sais pas si c'est une indication particulière de sa personnalité.

Pourquoi une pipe ?
En cette époque ?

Tu n'oses pas poser la question.
C'est déplacé.

Peut-être qu'il aime l'esthétique.
Ou son âge est plus avancé que tu ne le crois, malgré son apparence.

Enfin.
Des membres de ta famille avec des siècles et des siècles dans les valises ne fument pas la pipe.

Enfin.
Ce n'est pas important.

Ca lui ajoute une touche d'excentricité, tu supposes.

Tu hoches légèrement la tête à ses mots.
Tu n'as jamais aimé le bruit, la fête et le vacarme.

On te trouve ennuyeux en partie pour ça.
Mais tu aimes le calme après tout.
Tu aimes rester en paix et dans la douceur du silence.

Sa prochaine question te prend de court.

Tu hoches plus franchement la tête :

« Oui. »

Un sourire :

« Je suis donc ravi que ça vous plaise. »

Même si tu sais-
Tu sais qu'on va vouloir s'accaparer tes mérites.

Mais il te tend une perche où tu peux être reconnu comme il faut.

Tu la prends :

« D'ailleurs... vous n'avez pas froid ? »

S'il reste, autant faire la conversation, non ?

Mais tu n'es pas doué donc tu répètes bêtement sa question :

« E-Enfin... »

Tu fronces les sourcils un instant :

« Les nuits sont fraîches et il doit faire très chaud à l'intérieur, la différence de température peut vous faire tomber malade. »

Même si ça fait un moment qu'il est déjà dehors :

« Ce serait terrible si c'est bien le cas. »

On te porterait responsable.
Car tu l'as retenu :

« Je peux vous apporter une laine si vous souhaitez rester dehors plus longtemps. »

Pour une fois, ce n'est pas une excuse pour fuir - ok, juste un peu.
Dire que tu es inquiet est un grand mot - ok, juste un peu.

Mais tu veux juste éviter d'être sévèrement puni.

Tes membres s'en souviennent encore.