Rizzen n’avait pas menti ; il s’était attaqué à l’élaboration de la potion le lendemain de leur rencontre. Pour Kyo, c’était un peu différent. Outre le mal de crâne horrible qu’il ressentait à peine les yeux ouverts, il devait faire face à sa culpabilité. Il n’eut pas grand mal à se remémorer l’instant du baiser, à son initiative. Il se sentait idiot, d’avoir céder bêtement à une pulsion. Idiot et coupable. L’euphorie du moment, le courant qui passait bien entre eux, l’alcool qui contrôlait ses gestes… Il le savait, pourtant, qu’il faisait des conneries lorsqu’il était saoul. Ca l’empêchait pourtant pas de boire, cela dit. Après un énième soupir, il avait consenti à quitter son lit, essayant de minimiser l’impact de son geste.
Il devait dire que le nécromancien l’y aidait pas mal, étant donné qu’il ne cherchait pas à revenir sur le sujet. C’était parfait, en soi, respectant la dernière requête du blond. Au moins, cela lui permettait de penser à autre chose durant les jours qui suivirent. Certes il était loin d’être fier de lui et il réfléchissait au meilleur moyen de se racheter, auprès de Seiya. Son petit ami n’était pas obligé d’être mis au courant, mais si une fois revenu, Kyo s’en souvenait… Il le découvrirait tôt ou tard. Il était bien incapable de lui cacher quelque chose de cette ampleur même si en y réfléchissant, il n’y avait pas une grande signification, derrière cette échange.
T’es sûr de toi ?Il préférait ne pas y penser. Ne pas se dire qu’il trouvait vraiment Rizzen attirant et que, s’il avait été célibataire, il aurait tenté sa chance. Quand il avait fait la réflexion, il cherchait à rassurer le nécro. Mais maintenant, il se rendait bien compte que ce n’était pas des paroles juste pour rassurer. La part de vérité s’y cachant était bien trop réelle, ne manquant pas de le perturber plus que nécessaire. Pendant les recherches qui durèrent quelques jours, il ne vit pas réellement le jeune homme, préférant le laisser travailler tranquillement. Il avait bien stipulé qu’il pouvait l’aider si jamais, mais si c’était simplement pour être dans ses pattes, ça ne l'intéressait pas. Il aimait bien, quand même, être en sa compagnie ou balancer des sms sans queue ni tête.
Apparemment, le nécromancien avait trouvé la solution. Lorsqu’il lui tendit la fiole le ramenant sur Terre, Kyo ne sut comment réagir. Partager entre la joie de pouvoir enfin retrouver ceux qui l’aimait et la tristesse de savoir qu’ils ne se reverraient plus. Il n’y eut pas plus de geste que ça, si ce n’était une main sur son épaule et un sourire pour le remercier de ses efforts et quelques mots. Il n’était pas capable de boire le liquide face à lui et il comprenait que Rizzen n’en ait pas non plus l’envie d’y assister. S’il y avait un truc que le blond avait peut-être un peu zappé, c’était que si lui perdait la mémoire dans la manoeuvre, ce n’était pas le cas du nécro. Alors… Autant ne pas faire plus de mal qu’il ne le voulait. Déjà qu’il n’avait pas respecté la distance qu’il désirait instaurer, dès le départ.
Toutefois, avant de boire la potion, il consentit à envoyer un message. N’étant plus face à face, il avait plus de liberté à dire ce qu’il pensait. Aussi, son sms fut assez bref mais sincère, le remerciant pour son aide et lui souhaitant de trouver son bonheur, ici. Il resta plusieurs secondes dubitatifs, se demandant s’il devait supprimer sa dernière phrase. Après un soupir, il finit par le laisser :
« Tu vas me manquer. »Il n’était pas certain de l'interprétation que Rizzen donnerait à ses mots, mais ils ne faisaient que refléter ce qu’il pensait, à ce moment-là, alors qu’il était à quelques secondes de la résurrection. Peut-être… peut-être était-il un peu trop sentimental, beaucoup trop confiant, aussi. Se mettant à l’abri des regards, il liquida le liquide d’une traite, grimaçant méchamment en vue de la texture et du goût. IN-FECTE. Il tira la langue de dégoût, sentant des frissons lui parcourir le corps. Il résistait, aussi, pour ne pas vomir. Est-ce… Est-ce que c’était le début de son retour ? Son excitation était si extrême qu’il entendait son coeur battre contre sa poitrine. Il fut pris par une fatigue soudaine, ayant l’impression que son corps pesait une tonne. S’il devait s’évanouir, il préférait quand même être dans sa chambre pour éviter toute gêne extérieure. Il n’avait pas besoin d’aide ; il fallait juste que le processus aille jusqu’à son terme.
T’as déjà fait la plus grosse connerie de ta mort, bravo.Le trajet jusqu’à son appartement, jusqu’à sa chambre, lui parut une éternité. Une douleur violente et brutal lui serrait les tripes et sa tête servait de percussion à un batteur en furie. Autant dire que rien, à ce niveau, ne le rassurait sur son état. Il essayait de garder espoir, de se dire que c’était une réaction normale. Mais il avait un doute, tout à coup. Alors qu’il se disait qu’il avait peut-être fait une erreur, refermant la porte derrière lui. Il perdit néanmoins connaissance, tant la douleur était atroce. Il ne se sentit même frapper le sol de tout son poids. Il aurait une jolie bosse, au réveil… S’il se retrouvait bien dans le monde des vivants.
Un grognement passa le seuil de ses lèvres, alors qu’il remuait doucement. Il avait mal à la tête, plus particulièrement au sommet de son crâne. Un passage de sa main rapide lui fit comprendre qu’il avait une bosse, sans doute à cause de sa chute. Pour ce qui était de la migraine fugace et des maux de ventre, ça allait beaucoup mieux. Au moins ça. Il poussa un soupir alors qu’il se mettait assis sur le sol, observant les environs. Sa chambre. A l’agence. Il n’avait pas bougé d’un poil et il n’avait aucune idée de combien de temps il était resté inconscient. Il poussa un soupir de déception, quelques peu maussades d’apprendre que ce ne serait pas aujourd’hui qu’il pourrait revoir le visage de Seiya.
Tu n’auras plus l'occasion de le voir…Il se redressa, fronçant brièvement les sourcils lorsqu’il vit une étrangeté dans le miroir. Il préféra l’ignorer, sortant son portable de sa poche. Il fallait qu’il informe Rizzen de l’échec de la tentative. Cependant, il fut incapable de rédiger le moindre message. Ses yeux s’étaient posés sur ses mains et… Bordel. C’était quoi, ça ? La chambre était quelque peu plongée dans la pénombre, en vue du manque de luminosité de l’extérieur. Alors il alluma la lumière, grognant en percevant une odeur macabre. Qu’est-ce qui puait comme ça, à la fin ? Le choc fut brutal, alors que son reflet apparaissait dans la glace. Non… C’était…
… Lui. Sa petite gueule blonde, avec une peau couleur… Écarlate. En s’approchant et en fixant ses mains, il comprit que ses joues étaient dans le même état que ses mains. Et quel état… Un mélange de rouge et de brun, de sang frais et coagulé. Sans la moindre douleur. En s’approchant du miroir, il se saisit par réflexe de la peau qui semblait se détacher… Il était en train de muer, comme un serpent, ou quoi ? tirer dessus n’était peut-être pas la meilleure des idées, mais il put ainsi constater que son épiderme n’opposait aucune résistance. Il se retrouva rapidement avec deux trous béants à la place de ses joues. Quant à l’odeur, il percuta enfin ; c’était lui, qui puait la mort. Une nouvelle grimace et il s'empara comme il put de la corbeille se trouvant dans la pièce. Il était libre de vomir tout ce qu’il avait dans l’estomac, si ce n’était plus encore.
Il ne comprenait pas. Son esprit ne parvenait à se concentrer sur autre chose que sa chair pourrie. Il essayait de comprendre, sans y parvenir. Que lui arrivait-il, bordel ? Il avait tout le malheur du monde à rester debout sans tituber. Une violente vague de colère s’empara de chaque parcelle de son corps, le faisant frapper une première fois dans le mur. Il sentit la douleur, lui donnant un coup de boost. Cela le faisait revenir à lui, à sa conscience. Il ne comprenait pas, mais il savait qui était responsable de son état. Et malgré tous ses bons sentiments qu’il avait eu envers Rizzen jusque là, cela ne l’empêchait pas d’avoir l'irrésistible envie de lui refaire le portrait. Histoire de. Pour la putain de gueule qu’il affichait, désormais.
Ton impulsivité est ton plus grand ennemi, ce qui ne t’empêche pas de te laisser aveuglé à chaque fois. Le vrai coupable dans l’histoire, c’est certainement pas Rizzen.Rapidement, il s’empara de son téléphone portable qu’il avait laissé tombé face à la surprise en voyant ses mains, envoyant un rapide sms au concerné, lui demandant où il se trouvait. Un simple “T’es où ?” suffisait. Lorsqu’il obtint la réponse, il quitta la pièce d’un pas rapide. Le nécromancien se trouvait à la salle informatique, à l’agence. Hors de question de régler ça par message. Ca se ferait en face à face. Le nouveau zombie se moquait bien de croiser du monde, il se moquait bien que son odeur répugnante permettait de le suivre de loin. Il se focalisait uniquement sur la colère sourde qui grondait au fond de lui. Ses grandes enjambées lui permirent d’atteindre la salle dans un temps record.
Il entra à la volée, mettant plus de force qu’il ne le pensait en ouvrant la porte. Son regard se posa rapidement sur Rizzen, alors que sa fureur déformait ses traits déjà bien amoché. Son corps agit avant sa réflexion ; en deux secondes il était face au nécro, balançant son poing dans sa figure de toutes ses forces.
« Qu’est-ce que tu m’as fais ?! »Il hurlait plus qu’il ne le pensait. Sa voix faisait connaître sa colère, mais aussi la panique et un brin de détresse. Ca ne devait pas se passer comme ça, normalement. Putain.
Tu reportes ta rage sur la mauvaise personne...