いかないで ❅ Shinobu&Kaori

Voir ses proches dans l'au-delà, c'était quelque chose que Shinobu redoutait le plus. Même s'ils lui manquaient, il leur souhaitait de vivre le mieux possible et en étant heureux. Il n'était pas un bon exemple pour ceux qui l'aimaient, la définition même du mec ennuyeux... De son vivant, il se pensait justement exemplaire, mais il avait tout faux. Enfin, ça ne voulait pas dire qu'il approuvait les comportements dépravés, il y avait un juste milieu entre les deux. Certaines personnes sont capables de vivre sagement sans pour autant passer à côté des bonnes choses de l'existence. Il souhaitait que ce soit le cas pour sa fille. Et pour sa femme. Même si dans le fond, il n'avait pas de sentiment amoureux pour elle, il avait beaucoup d'affection. Le mieux pour elle se serait qu'elle rencontre un homme qui l'aime et qui la rendrait heureuse. Surtout pas qu'elle reste veuve. C'était une personne bien, une femme et une mère attentionnée.

Perdu dans ses pensées, oubliant où il allait, il s'était arrêté dans une rue random. Bizarrement, ce n'était pas étonnant de sa part, il n'était pas vraiment pressé depuis qu'il était mort. Il prenait son temps. Seulement, ses pensées se sont envolées lorsqu'il a entendu quelqu'un l'appeler, une voix bien trop familière pour qu'il soit rassuré. L'homme se tourna en direction de la voix et aussitôt une charge lui fonce dessus. L'ex-professeur ne tarde pas à reconnaître son tendre ami. "Kaori ?" Question rhétorique qui ne nécessite pas de réponse. Shinobu n'est pas vraiment un grand habitué des câlins, mais il devait bien admettre que ça fait du bien. Il serra donc le japonais et se mordilla la lèvre inférieure lorsque ce dernier fond en larmes et exprime ses sentiments. Loin de lui l'envie de quitter ses proches, il n'avait pas souhaité abandonner tout le monde.

"Je suis désolé Kaori. J'aurais aimé être plus présent pour toi. Il marqua une pause, un peu hésitant. En revanche, je ne suis pas très rassuré de te voir ici. J'aurais aimé te savoir vivant et heureux..." Les doigts du brun se resserraient sur les vêtements de Kaori. Ce dernier allait mal aux dernières nouvelles, les dernières fois qu'il l'avait vu, il était amaigri et fatigué. Il n'avait jamais voulu lui dire ce qui lui arrivait. Shinobu se sentait trop con, son côté trop respectueux l'avait empêché de forcer le plus jeune à se confier... Il aurait dû tout faire pour savoir ce qui n'allait pas et trouver une solution pour que ça aille mieux ! Il était un bien piètre ami. "Pourquoi... es-tu là ?" On pouvait sentir sa voix trembler. Kaori ne méritait pas de mourir ! D'une part, parce qu'il était adorable, il apportait tant de bonnes choses au monde et d'autre part, égoïstement, c'était un précieux ami de Shinobu, donc par principe, il ne devait pas mourir !

Il aurait dû rester dans le monde des vivants... Pour bien des raisons. La raison principale, c'était sa fille. Il aurait tant aimé la voir grandir, être là pour elle... mais maintenant, c'était plus possible. Enfin, il avait retrouvé Kaori et pour le moment, c'était de lui qu'il voulait s'occuper. Il avait du temps à rattraper avec le plus jeune. Est-ce que cette fois il serait capable le faire parler ? Ce n'était pas sûr, mais il devait au moins essayer. Il voulait que Kaori comprenne que, quels que soient les problèmes qu'il avaient, il pouvait tout entendre et qu'il ne jugerait pas. Il ne savait pas si ce qui le tracassait avant était passé ou si c'était quelque chose que la mort n'efface pas. Quoi qu'il en soit, la réponse de son ami n'était pas celle qu'il attendait. Mais en même temps, parler de sa mort n'était surement pas la chose la plus évidente. Enfin le décoloré lui montra son visage. Il avait l'air toujours aussi fatigué. Ce n'était pas bon signe.

Shinobu adressa un sourire tendre à son précieux ami lorsqu'il lui demanda s'il voulait bien rester avec lui un moment. "Autant que tu voudras, je n’attends personne ! Et ce n'est pas comme si le temps était important ici." Il ne savait pas combien de temps ça durait, la mort, mais en théorie, c'était assez long. Non ? Il observa les environs, il y avait un café au bout de la rue. Pourquoi pas s'y rendre ? Il s'apprêtait à reculer avant de se rendre compte que Kaori tanguait un peu, il le rattrapa donc. Il n'avait pas remarqué les béquilles au sol, mais maintenant, il réalisait que l'autre n'avait plus sa prothèse. "Où est ta prothèse ? Il y a un café là-bas, tu pourras t'y asseoir, si tu veux." L'ex-prof attendit la réponse de son ami sans le lâcher, de peur qu'il tombe. De son point de vue, Kaori était fait de porcelaine, il semblait tellement fragile. Il avait beau être plus grand que lui, il était sans doute plus léger : Kaori n'avait que la peau sur les os. Parfois, il se demandait s'il était anorexique... En tant qu'ancien obèse (même si c'était très longtemps avant ça), il savait comme les problèmes d'alimentation pouvaient être terribles.

Visiblement, Kaori était décidé à aller à l'intérieur. Mais bon, Shinobu ne fit pas vraiment attention à son ton, il pouvait imaginer que le décoloré souffrait de ne tenir que sur une jambe. Clairement, il y avait plus agréable. Une fois dans l'établissement, il suivit son ami et s'installa en face de lui. C'était la merde pour la prothèse de Kaori. Il aurait aimé pouvoir l'aider, mais niveau argent il n'était pas spécialement bien loti non plus. Ceci dit, il était bien content que son compte en banque soit resté chez les vivants, sa femme et sa fille avaient bien plus besoin de cet argent que lui. Il adressa un sourire désolé à Kaori. Il se sentait tellement inutile. Non seulement pour ça mais aussi pour tout ce qu'il s'était passé de son vivant. Il n'avait jamais été capable d'aider le plus jeune. Enfin, il ne pouvait pas changer le passé de toute façon. Il commanda un thé glacé lorsqu'on vint prendre leur commande.

Shinobu secoua la tête en entendant les mots de Kaori sur le fait qu'il n'avait pas pensé à le chercher. Ce n'était pas important. Le décoloré lui faisait de la peine, il avait envie de lui ébouriffer les cheveux et le réconforter, mais ce geste serait parfaitement déplacé. Alors il se contenta de hausser les épaules. "Ne dis pas n'importe quoi. Tu ne pouvais pas savoir. Je vais mieux qu'à mon arrivée, ne t'inquiète pas pour ça. Je suis heureux de te revoir aussi, même SI ce n'est pas vraiment dans les meilleures conditions qu'il soit. Enfin, maintenant que t'es là, je ne vais pas te laisser filer." Il prit un air faussement strict. Il voulait faire comprendre à Kaori qu'il n'allait pas le laisser filer et qu'il serait là pour lui.