Spin, slip, fall
Feat @Adrien Renart
Sebastian sombrait. Dans un océan déchaîné. Pourtant, quelques heures plus tôt, tout était si calme. Une mer d’huile. Mais il avait ouvert la boîte de Pandore, encouragé par une futile colère. Il avait ouvert la boîte de Pandore, et elle était sortie ; Cette belliqueuse bête qui gisait à l’intérieur. Elle avait déchaîné vents et marées, elle avait soulevé la houle, elle avait déversé sa colère sur lui. Violente tempête qui avait déchiré les voiles, lacéré le mât, giflé son visage de son acerbe pluie.
Il avait cru pouvoir s’en sortir. Implorer, s’expliquer. Vaincre les vents et rentrer, sinon indemne, avec quelques séquelles. Mais il s’était trompé. Les vagues s’étaient élevées, le vent avait forci. La houle s’était déchaînée. Le bois de son navire avait cédé, la coquille s’était craquelée, et l’océan l'avait avalé.
Il avait cru pouvoir s’en sortir. Mais il s’était trompé. Il chavirait. Son cœur chavirait dans un océan de noirceur et de ténèbres. L’eau l’engloutissait, les algues l’attrapaient de leurs tentacules douceâtres et l’attiraient vers le fond.
Son cœur était devenu une épave. Lourd sentiment qu’il ne verrait plus jamais la lumière du jour.
Ils étaient cruels, ces mots. Ils étaient durs, ces mots. Ils avaient empalé son cœur souffrant d’une lame acérée. Mais ce n’était rien à côté de ce regard, froid et cruel, assuré, comme la main venimeuse qui avait brandi la lame empoisonné. Ce regard, qui le contemplait de haut, qui le réduisait à l’état d’un être misérable.
Il avait mal. Si mal. Dans sa poitrine, son cœur se faisait l’écho de douloureux battements. Il se sentait brisé. Il avait offert son être à Adrien, espérant rédemption. Mais celui-ci l’avait négligé, ignoré, insulté et il se sentait brisé.
Pourquoi ?
Alors c’était fini, comme ça ?
Avaient-ils tous deux changé à ce point ?
Le cœur au bord des lèvres, s’il avait seulement pu vomir pour s’en débarrasser. Pour se débarrasser de cette souffrance, de cette perte. Les larmes au bord des yeux, il se sentait brisé, comme deux ans auparavant. Mais il avait mûri, depuis. Il se relèverait. Peut-être pas indemne, mais il se relèverait.
Comme une lame de rasoir effleurant délicatement sa peau, ils remontèrent des tréfonds de sa mémoire. Ces souvenirs du temps passé ensemble. Ces journées tous trois avec Miu, ces instants en tête-à-tête, envahis de rires et d’amitié, emplis d’affection. Ces repas ensemble, ce dessin animé qu’Adrien lui avait montré, ces siestes devant la télé, ces instants précieux d'un bonheur enfantin et innocent.
C'était douloureux. Trop douloureux. Souvenir ne servait à rien. C'était fini. Plus rien ne serait comme avant. Ils ne seraient plus comme avant.
Le prix à payer de cette compréhension était trop grand. C'était triste. Pathétique. Il avait envie de vomir. Vomir sa tristesse et sa frustration. Vomir ses souvenirs et ses sentiments et les abandonner dans une poubelle aux confins du globe. Loin, pour qu’ils ne reviennent jamais. Pourquoi devait-il vivre avec ?
Il se releva, sans glisser. Planta ses yeux dans ceux d’Adrien. Le roux était plus grand que lui, mais comme ça, Sebastian était un peu plus à sa hauteur. Il le contempla. Adrien n’avait pas changé. Il ne changerait pas, de toute façon. Physiquement, lui-même n’avait pas changé non plus. A peu de choses près, on aurait pu penser que rien en eux n’avait changé. Mais ce n’était pas le cas.
Son cœur battait toujours douloureusement dans sa poitrine. Pourquoi ? Pourquoi cela se passait-il comme ça ? Devant le visage d’Adrien, il sentait ces souvenirs trop précieux s’agiter dans son esprit. Il les refoulait, comme ses larmes. Seule l'une d'elles s’échappa de son joug pour rouler le long de sa joue tandis que son esprit perdu se résignait. Il les garderai, ces souvenirs. Ces moments passés ensemble étaient précieux, ces instants et cette relation l’avait aidé à se forger ; Il les porterait toujours en lui. Comme des souvenirs acidulés et douceâtres, aux épines acérées. Tant pis s’il se sentirait meurtri dès qu’il les effleurerait ; De toute façon, il ne pouvait s’en débarrasser. Il avancerai avec. Il avancerai avec, toute sa mort. Avec le souvenir d’Adrien et d’un temps révolu.
Il tenta de sourire. Seule sa bouche s’étira en un rictus, ses yeux demeurant tristes et embués.
« I'm sorry. Je suis désolé. »
Tout ce qu'il vivait, il le méritait. Cette peine, cette souffrance, il les méritait. Mais il était peiné qu’Adrien aussi les vive. Il aurait souhaité tout prendre sur lui, être le seul à souffrir. Ça aurait été bien mieux. Qu’Adrien soit heureux, et que lui paye le prix de ses propres erreurs. Ça lui aurait semblé équitable.
« Don’t worry, I won't bother you anymore. »
Il choisissait ses mots avec soin, souriant maladroitement malgré sa peine, sa déception. Il ne voulait pas l’énerver davantage, le blesser davantage. Lui-même se sentait déjà suffisamment meurtri, suffisamment peiné par ces insultes et la situation.
« I wish you could forgive me, that's all. I'm sorry for hurting you. I never wanted to. »
Il portait sur Adrien un regard de pure affection. De tristesse et de déception, aussi, bien sur ; Son corps entier résonnait de l'écho de ces sentiments. Il aurait tant aimé se tromper. Se fourvoyer. Mais ces mots s'étaient fichés dans son âme. « I don’t wanna be with you anymore. ». Les mots de la fin. Que pouvait-il répondre à ça ? Il n'y avait rien à répliquer. Tout ce qu'il pouvait faire, à présent, c'était soulager Adrien de sa présence.
« Well, I'll be waiting for your forgiveness, one day maybe. Meanwhile, it’ll always be a pleasure to see you or help for anything. I'm looking forward to meet you again. »
Atroces. Ces mots écorchaient son coeur, ses cordes vocales, ses lèvres. Un cri silencieux secouait son corps et ses mains tremblaient. Pourquoi ? Pourquoi fallait-il que les choses se passent ainsi ? Il se mordit la lèvre, et son coeur fit une embardée quand il se détourna d'Adrien. Deux futiles coups de patins lui suffit pour franchir le mètre et demi qui le séparait de Max ; S'efforçant de reprendre contenance, il ébouriffa affectueusement les cheveux du garçon.
OkamiKei