Peek a Boo ! est un forum rpg dont la v4 a ouvert en février 2023. C'est un forum city paranormal où les personnages sont décédés ; après une vie pas très chouette, iels se sont vu offrir une nouvelle chance et évoluent désormais dans le Tokyo extravagant de l'au-delà.
起死回生
Je n’avais pas vraiment dormi de la nuit. J’avais plutôt compté les heures jusqu’au lever du soleil, du coup quand je me suis réveillé, je n’étais pas vraiment fatigué. J’étais… plutôt bien. Après de longues minutes à me prélasser sous ma couette, je décide de me lever. Je me redresse, baille bouche grande ouverte, avant de sauter sur mes deux pieds de manière inutilement déterminé.
Qu’est-ce que j’allais bien pouvoir faire aujourd’hui ? Bonne question. Et puis après tout, pourquoi ne pas voir au cours de la journée ? Pour l’instant, autant traînasser un peu dans l’appartement. Mon colocataire était déjà parti, alors je pouvais rester dans ma chambre à regarder des films…
Un gargouillement. Je touche mon ventre. J’ai faim. Bon, raison de plus pour me bouger. Je décide de m’habiller avec un survêtement gris foncé, et un sweat blanc. J’enfile mes chaussons et sors de la chambre, mes cheveux complètement ébouriffés. Je jette un coup d’œil dans le couloir : personne. J’hausse les épaules et entre dans notre grand salon salle à manger. Personne non plus. La journée allait être calme.
J’enfile mon tablier de cuisine et me lave les mains en chantonnant sur l’air de Katioucha. Au menu du petit déjeuner ce matin : des blinis. Je regarde l’heure, seulement 7 heure du matin et 30 minutes. La plupart de mes colocataires devaient surement dormir. Je ferai quelques blinis supplémentaires pour les autres. J’attrape un saladier. J’y verse le lait et la levure. Je mélange pendant 2 bonnes minutes avant de poser le saladier sur le plan de travail, couvert d’un chiffon, pour laisser reposer la préparation. J'étais censé faire reposer la pâte 5 minutes, mais je la laissai toujours poser davantage. Car le temps est un élément précieux dans la recette.
En attendant, j’attrape dans les placards une grande nappe couleur beige, la déplie sur la surface de la table, et prépare le reste du petit déjeuner. J’y installe une pile de petites assiettes dans le cas où les autres décident de se lever, puis j’apporte les couverts. Je prends la corbeille de fruit de la cuisine pour la poser sur la table, et commence à presser les oranges pour faire un jus de fruit frais. Je verse le jus d'orange dans une carafe. Le temps de faire tout cela, il était déjà quasiment 8 heures. Je lave de nouveau mes mains et attrape le saladier. La suite de la recette je la connaissais par cœur. Je réunis les autres aliments.
J’attrape un second saladier, j’y verse la farine et creuse un puit grossier où j’y ajoute le reste de la levure, les œufs et une timide pincée de sel. Puis dans ce même saladier, je verse délicatement le contenu du premier, laissant de côté la pâte pendant 15 nouvelles minutes. Même si la recette disait de la laisser reposer pendant 4 heures, ma mère me disait toujours que 15 minutes étaient largement suffisant. Alors je recouvre à nouveau la pâte d’un chiffon. C’est à ce moment-là que des paroles anglaises surgissent de derrière. Pas besoin de me retourner pour savoir de qui il s’agissait. La seule personne qui me parlait anglais dans notre appartement : c’était Poppy.
Je ne comprends pas exactement ce qu’elle dit, mais j’imagine qu’elle me souhaite la bonne journée, et me demande comment je vais. Je me retourne avec un sourire mais un air peu frai. Alors avec le peu d’anglais qu’elle avait réussi à m’apprendre et avec un accent tellement russe que les oreilles de Shakespeare devaient certainement saigner, je lui réponds :
-Oh Poppy ! Good morning ! Good, good ! You ?
Bon j’espère que c’était la réponse à laquelle elle s’attendait, car je n’étais vraiment pas sûr de ce que je disais. Je fais un pas sur le côté, et lui montre le saladier. Avec un grand sourire, j’essaye de savoir si aimes les blinis. Toujours avec mon anglais mal assuré, je lui dis :
-You love blinis ? Me do blinis !
J’attends de savoir. Si elle veut, je peux même lui montrer comment en faire ! Les échanges avec d’autres cultures sont toujours synonyme de choses nouvelles, et j’avais honnêtement hâte de faire quelque chose de ma journée.
Après avoir balbutié quelques mots en anglais dont le sens m’échappait légèrement, je vis Poppy partir en courant en direction de sa chambre. Et en un clin d’œil, elle était réapparue sous mes yeux, en tenant dans ses mains un gros livre : c’était clairement un dictionnaire russe-anglais. Elle feuillette avec énergie les pages, parcourt les milliers de mots avec ses yeux, jusqu’à qu’elle pousse un « Ah-ah » de réjouissance, signe qu’elle avait pu trouver ce qu’elle cherchait.
Le mot qu’elle me montre était écris en russe et en anglais. « Help », le mot qu’elle avait prononcé tout à l’heure. Alors j’écarquille les yeux en voyant la traduction et comprends ce qu’elle avait essayé de me dire plus tôt. Avec enthousiasme, je m’écris joyeusement :
- Ah ! Помочь ! Yes ! Help I !
Je lui laisse le soin de poser le livre de son côté. En attendant, je me dirige vers l’un des placards de la cuisine et y attrape un tablier semblable au mien. Heureusement qu’il y en avait pour toutes les tailles, car je n’aurais pas pu lui prêter le mien au vu de ma taille et de la sienne. Je lui tends et lui fait signe de la tête de l’enfiler avant de se laver les mains. Je lui montre chaque geste avec minution, et lui dis :
- You do … как (je la pointe du doigt, puis je me désigne) … I !
Sans prendre le temps de savoir si elle avait compris ou pas – après tout elle était maligne et jeune, elle allait comprendre – je me dirige à nouveau vers a cuisine, et jette un nouveau coup d’œil à la recette. Il fallait à présent monter les blancs en neige, puis les ajouter délicatement au saladier avec la pate qui reposait depuis quelques temps déjà. Mais comment lui faire comprendre … Je réfléchie quelques secondes, les sourcils froncés, les mains sur les hanches. Je ne pouvais évidemment pas lui montrer la recette, le livre de recette était écris en russe. Pas la peine de penser à lui dessiner la recette, j’étais nul pour tout ce qui touchait de près ou de loin à l’art. Donc, il me rester à puiser dans mes ressources intellectuelles les plus enfouies pour trouver quelques mots en anglais qui m’aideraient à traduire mes pensées.
J’inspire un coup, et me retourne vers Poppy. Je lui souris et lui tends un saladier vide. Je pars en direction du frigo, attrape les œufs dans ma main droite en prenant soin de ne pas les faire tomber, ni de serrer lesdits œufs trop fort (il m’était déjà arriver de faire exploser les œufs, je ne voulais pas avoir à nettoyer la cuisine). Je reviens au niveau de la jeune fille et lui explique avec difficulté, mais avec efforts :
- Eggs … как… snow.
Puis je saisis un fouet, et mime le mouvement que je souhaitai qu’elle effectue pour battre les œufs en neige. Alors je lui tends un œuf, et de mon côté, je m’exécute à la tâche. Je sépare le blanc des jaunes, et je lui fis signe de la main de faire pareil avec les deux autres œufs à sa disposition. J’espère qu’elle avait compris. Finalement, la barrière de la langue était un petit peu problématique pour cuisiner avec quelqu’un, mais avec de la bonne volonté, c’était de suite plus amusant et enrichissant.
Ce que Poppy agitait sous mes yeux, c’était dangereux… Très dangereux ! Mes colocataires m’avaient d’ailleurs formellement interdit d’approcher tout objet sous pression. « Sergueï, ce n’est pas contre toi, mais on veut pas que tu fasses exploser l’appart ! ». Bon, j’avais à peu près saisi le sens de la phrase de Poppy. De la chantilly et des fraises sur les blinis ! C’était une bonne idée ! Ma maman mettait souvent du miel dessus, mais depuis que j’avais accidentellement bien évidemment cassé un pot de miel le mois dernier, mes colocataires m’avaient dit « Ecoute Sergueï, rien de perso, mais tu ne touches plus au miel. »
Mais revenons à l’instant présent. La bonbonne de chantilly contenait un syphon, et surtout une cartouche de gaz à l’intérieur, qui permettait d’expulser la chantilly sur pression de la languette. Et j’avais ce satané « don » qui faisait aléatoirement exploser les objets sous pression autour de moi … Et là, c’était dangereux. Pour moi, pour Poppy, et pour mes blinis. Sans prendre le temps de réfléchir à la conséquence de mes actes, je lui arrache la bonbonne des mains, et je l’envoie valdinguer contre le mur du salon, de l’autre côté de la pièce. Et pendant les 30 secondes qui suivirent cette action, je suis resté là comme un idiot, à sourire. « Comment je vais expliquer ça ? Comment je vais expliquer ça ? COMMENT JE VAIS EXPLIQUER CA !!! »
Pour rattraper le coup, et ne pas terrifier Poppy pour la même occasion, je me contente de chercher une recette de crème fouettée à la vanille dans mon livre de recette. Bingo ! La chance était de mon côté ! Je jette un rapide coup d’œil à la recette : nous avions tous les ingrédients nécessaires. Parfait. La recette était faisable en moins de 10 minutes ! Tant mieux car je commençais à avoir faim. Alors j’attrape un autre saladier, c’était au moins le troisième de la journée, et je le tends à Poppy. Pour ne pas faire durer le silence plus que ça, je rigole gentiment, en prenant le livre de recette dans mes mains.
- Bad cream. We do real cream.
Pour ce qui était des fraises, il fallait les préparer. D’abord, il fallait les laver, puis enlever la partie verte avec les feuilles, et enfin, les découper en petits morceaux. Et comme je n’avais presque plus de force pour lui expliquer la recette de la crème, je me contente de lui dire en inclinant la tête :
- You do strawberries. I do cream.
J’étais moi-même étonné d’avoir retenus le mot fraise en anglais ! Mine de rien, je progressais peu à peu ! Après la préparation des fraises et de la chantilly, il faudra s’attaque au plus dur : la cuisson des blinis. Mais avant ça, il faudra incorporer les blancs en neige dans la préparation. Je laisserai Poppy le faire. Après quelques minutes, la chantilly était faite. Elle n’avait pas l’air ratée. Je demande à Poppy avec un maladroit « You do eggs-snow in blinis ». Ma phrase n’avait aucun sens mais c’était le mieux que je puisse faire. Avant que Poppy de puisse mettre les blancs en neige dans la préparation, je prends soin d’ajouter mon petit ingrédient secret : un demi verre de vodka. Ma touche personnelle. La cerise sur le gâteau ! Je souris, je suis satisfait de la préparation.
Il ne manque plus que la cuisson.
Les crépitements de la poêle commençaient à agiter mon estomac.
Une petite noisette de beurre permettait de faire cuire une vingtaine de blinis, et au vu de la quantité de pate, j’allais me nourrir de blinis jusqu’à ce soir au moins… Même si, je l’admets, mon régime alimentaire est déjà constitué à 30% de blinis. Ma mère serait tellement fière de moi : je cuisine les blinis presque aussi bien qu’elle !
Mon regard se fixe sur la poêle. Je dépose délicatement la noisette de beurre bien au centre, et attend dans le silence qu’elle fonde. Ce silence, déjà perturbé par le bruit de la cuisson, fut troublé par les bruits de pas de Poppy très certainement qui s’éloignaient. Ce qu’elle pouvait bien faire ? Aucune idée, peut être allait-elle se poser dans le salon quelques minutes, histoire de s’assoir sur le canapé et se reposer avant de déguster ces merveilles slaves.
Je me concentre. L’art de la cuisson des blinis est aussi exigeant que l’art de servir le thé au Japon. Je fronce les sourcils en direction de la noisette de beurre, qui venait tout juste de disparaître. C’est le moment ! J’attrape fermement la louche, la plonge dans le saladier rempli de pate, la sors une première fois, puis trempe le dos de la louche pour que les gouttes cessent de couler. Je me souviens des paroles de ma mère : Le geste doit être souple mais précis.
Délicatement je verse la première louche de pate dans la poêle. Un « pshhh » se fait entendre. Tout va bien jusqu’ici. Au bout de même pas 30 secondes, je retourne le blini à l’aide d’une spatule. La couleur est parfaite : un blond légèrement doré. Puis environs 15 secondes après l’avoi retourné, je dépose le blini dans une petite assiette, juste à côté de moi. Si on disait souvent que le premier blini était toujours raté, avec moi, ce n’était jamais le cas. Je réitère l’opération presque 3 fois avant l’accident.
Oui, l’accident.
Très concentré sur mes gestes et sur le bon déroulement des opérations de cuisson des blinis, je n’avais pas entendu la petite Poppy se rapprocher de moi. Et mon rythme de cuisson parfait des blinis fut… interrompu par la voix de Poppy.
Sur le coup, j’ai sursauté. Mes réflexes d’antan prenant le dessus, je fis volte-face, en position de combat même. Puis, c’est là que tout bascula.
Mais laissez-moi expliquer la situation.
Dans un premier temps, ma surprise fut telle que je ne pus retenir mon dos. Or, Poppy tenait dans ses mains la bouteille de chantilly que j’avais préalablement balancé au fond du salon. Mon analyse est donc que, lorsqu’ j’ai entendu les bruits de pas s’éloigner, elle est allée chercher la bouteille, surement dans le but de la ranger, pour ne pas la laisser trainer. C’est un brave atout que d’être ordonné ! Cependant, mon don plus la bouteille de chantilly est égale à « explosion ». Ce fut le cas.
Au moment où je me suis retourné, j’ai compris que c’était trop tard, car la bouteille éclata comme un ballon d’eau dans ses mains, et le syphon de la bouteille, vint s’éclater dans toute sa splendeur sur mon front.
Sur le coup, je ne me préoccupais pas vraiment de mon front. Peu importe, j’avais l’habitude de me blesser. Par contre, mon attention se dirigea prioritairement sur Poppy, qui avait très bien pu se blesser pendant l’explosion de la bonbonne. Je me baissai, à genoux presque, en lui tenant ses deux mains comme on prendrait celles d’un enfant dans les miennes, en lui demandant :
« Poppy ! You Ok ? »
Face au manque de réaction, dans un premier temps, de ma camarade d’appartement, j’ai cru que je l’avais tué, mentalement parlant. Elle mourrait très certainement d’aller prévenir les autorités de Tokyo pour me mettre en prison tel un vulgaire collabo. Je paniquais. Beaucoup. Je ne voulais pas aller en prison, pour sûr ! Et avant que je puisse m’en rendre compte, c’est Poppy qui avait ses mains autour des miennes. En racontant des trucs, en anglais. Que je ne comprenais pas bien évidement. J’espérais sincèrement qu’elle n’avait pas compris pour mon don.
Tandis qu’elle se hâtait en direction de la salle de bain, j’en profitais pour reprendre mon souffle, jusqu’alors retenu. J’entrepris d’évaluer l’état de la salle. Avec un sourire faussement joyeux, presque dépité. C’était pas très propre, da ! Et qui allait devoir nettoyer ? Surement pas moi … Ni Poppy, puisque ce n’était pas de sa faute. En songeant un court instant, j’en vins à la conclusion que je laisserai le boulot du nettoyage aux autres colocataires de ce modeste appartement.
La bombonne avait fait de sacrés dégâts ménagés. Il y’avait de la chantilly partout. Je plaignais sérieusement le colocataire malchanceux qui aura tout à nettoyer. Il manquerait plus que Poppy, si elle revient, glisse dedans et…
Et j’écarquillais les yeux lorsque je la vis revenir avec la trousse de secours dans ses mains. La scène se déroula au ralenti. Je vis son pied s’enliser dans la chantilly, avant de faire un triple lutz (oui j’exagère) et de littéralement s’écraser par terre, le menton le premier. Mon cœur s’arrête de battre un court instant : cette fois-ci, pour de bon, je l’avais tué. Je devais être la première personne de l’au-delà à réussir à tuer un mort. Je ne savais même pas que cela était possible. Mais si. J’allais croupir en prison le restant de mes jours.
Dans un japonais complètement paniqué, j’articulais :
- Oh mon Dieu, oh mon Dieu. Je crois qu’elle est morte.
Avant de jeter un autre coup d’œil vers Poppy, qui semblait bouger. Ouf ! Elle était « vivante ». J’étais sérieusement désemparé. Et si elle s’était cassé une dent ? Et si elle portait plainte contre moi pour l’avoir blessé intentionnellement ? Plus jamais de ma vie je ne pourrais manger des blinis, parce qu’en prison, on ne mange pas de blinis.
Je me dirigeais vers Poppy sans plus hésiter. Je tendais une main vers elle. Avec un sourire gêné, faut dire que je craignais pour ma liberté, je grince :
- You ok ? Do not me in prison ! I love blinis.
J’espérais qu’elle allait comprendre. A même le sol, j’ouvrais la trousse de secours qu’elle venait de ramener. On allait en avoir besoin tous les deux. J’avais l’habitude de soigner les blessures de guerre. Ca m’était arrivé de devoir retirer une balle du corp de l’un de mes camarades, ou de devoir recoudre un bras arraché. Hélas, mes patients ne survivaient pas longtemps. Et tandis que j’aspergeais une compresse de désinfectant, une odeur de brulé vint titiller mes narines.
Sainte merde de D… Je me levais aussi rapidement que la chantilly environnante me le permettait pour inspecter la source de l’odeur, c’est-à-dire un blini en train de brûler, littéralement, sur la poêle. Alors que j’essayais tant bien que mal de retirer le blinis de la poêle, c’est-à-dire sans réfléchir, c’est-à-dire avec les mains et non la spatule, je lâchais une mélodieuse injure du nom de « merde » à voix haute, charmant gentleman que je suis. La douleur me fit faire un mouvement brusque avec le bras, et j’envoyai la poêle à terre, laissant le blini sur le gaz, en proie aux flammes.
En résumé, la situation ne pouvait pas être pire : Poppy était blessée, peut être agonisante qui sait ; moi, je saignais du front et je m’étais brûlé la main ; l’appartement était dans un état lamentable, et un mini incendie (très petit, en fait, c’est juste mon blinis qui crame) avait commencé.
Cette journée promettait d’être magique.
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