Ouvre bien les yeux, mon petit ~

La journée avait retrouvé son calme... Enfin, disons un petit peu Cinemont était visiblement tout excité de voir les singes - les vrais, pas ceux en chocolat – et s'était mis à gigoter dans tous les sens. Gin se dit alors qu'il avait réussi son objectif, faire plaisir à un enfant. Le rendre heureux juste une journée. Le petit ne cessait de l'appeler par son prénom, cela lui paraissait assez étrange. Jusque-là, ça n'avait été que des injures et des surnoms aussi ingrats les uns que les autres qu'il avait eu le droit, entendre son prénom être prononcé avec un grand sourire était rare, doux et agréable à écouter. Le jeune homme laissa donc l'enfant l'appeler autant de fois qu'il en eut envie, même si avec tout ce remue-ménage, les visiteurs se retournaient sur leurs passages et avait tendance à mettre mal à l'aise le garçon. Toutefois, la dernière requête du petit lui fit légèrement froid dans le dos. Lorsque le mot « papa » sortit une nouvelle fois de sa bouche, il pria intérieurement qu'il ne soit pas de ce monde. Après tout, même si cela s'était bien terminé, Gin n'oubliait pas l'histoire du serpent... Et si ce fameux papa apprenait la nouvelle ! N'y pensons pas ! Puis, le jeune homme sortit doucement son téléphone de sa poche et l'observa. Doucement, il dirigea ses yeux vers le petit être. On ne pouvait vraiment pas voir une once de méchanceté en lui, il ne méritait pas de se trouver ici, parmi les morts.

« Tu en as un ? » Demanda le jeune adulte en montrant son téléphone. A cet âge, il y avait probablement peu de chance, mais comment allait-il prendre la photo pour qu'il la montre à son papa. « Tu sais pour la photo ! »

Gin n'avait pas le droit à un téléphone à l'âge de Cinemont, alors comment allait-il faire sans un mobile... Il pivota la tête de droite à gauche et chercha un stand. Il n'est pas rare dans les zones touristiques que les boutiques vendent des petits appareil photo jetables afin de ne pas louper de grands instants. Une pancarte en bois gravé couleur or, indiquait la direction des toilettes et de la boutique la plus proche. BINGO ! Si le petit n'avait pas de téléphone, ils trouveraient très certainement leur bonheur là-bas.

« Si tu n'en as pas, ce n'est pas grave. Je pense que là-bas, nous trouverons de quoi faire des photos pour ton papa. »

Machinalement, Gin désactiva son écran de verrouillage et tomba nez à nez avec la photo de ses parents adoptifs. Ils lui manquaient... Énormément. Si seulement, il avait pu leur dire merci et au revoir avant de partir. C'était à cause d'elle ! À cause de sa mère ! Gin soupira fortement, cela ne lui servait à rien de ruminer... Il était mort, elle était en vie, il ne pourrait jamais changer ça. Autant oublier et avancer. Visiblement, cela était plus facile à dire qu'à faire... Sauf pour des petits anges comme Cinemont. Cette pensée le fit plongea ses yeux dans ceux du gamin et son innocence lui rendit le sourire. Il avait vraiment tout d'un ciel découvert.

Ce bipède n'avait pas fini de surprendre Gin ! En une fraction de secondes, il avait filé à toute allure vers le magasin qu'il avait mentionné un peu plus tôt. D'un pas un peu moins rapide, le jeune homme rejoint l'enfant. Puis, un à un, Gin observa les articles en vente. Il tomba nez à nez avec les appareils photo.. Bonne nouvelle, ils en avaient ! Après avoir fait le tour de la première étagère, il jeta naturellement un coup d'œil au gamin. Il était hors de question qu'il nous fasse la même scène qu'avec le serpent. En y repensant, Gin se demanda une nouvelle fois comment il avait bien pu rentrer dedans. Un magicien ? Cette blague serait vraiment de mauvais goût pour lui, enfin peu de chance, ce n'était qu'un enfant en train de jouer. Oui, JOUER ! Il avait eu la bonne idée, de prendre plusieurs petits personnages et singes afin de leur créer une histoire. Gin soupira un peu, puis, il se dit qu'il valait mieux ça qu'autre chose. Ce n'allait pas être avec ce qu'il y a ici qu'il allait commettre un crime.

Le garçon se rapprocha du petit, afin de lui demander ce qu'ils lui racontaient, mais de toute évidence, il le devança en lui posant une question. Son animal préféré ? Gin en avait-il seulement un ? Son masque était celui d'un renard, y avait-il un signe en lui, lui-même ne le savait pas. Ses lèvres étirèrent un sourire, puis en se tournant vers les autres clients qui lui avaient donné une sensation lourde dans le dos, il lui répondit aussi naturellement que possible : « J'adore les chats... Oui, les chats, c'est bien non qu'en penses-tu ? » Chacun de leurs visages démontrait l’énervement, l’agacement que leur provoquait Cinemont. Ils n'étaient quand même pas sérieux ? Ils n'allaient pas leur poser des problèmes, juste parce qu'un enfant joue dans le magasin.

« Vous vous croyez où ?! Cet enfant est vraiment malpoli ! » Cracha la première.

« Et vous vous devriez apprendre à votre fils de bien se tenir ! » Proliféra un vieil homme.

Gin se mordit le coin de la lèvre, il en avait plus qu'assez de cette journée. En perspective, elle était chouette, il avait rencontré Cinemont, avait vu des animaux rares, avait mangé des singes en chocolat, mais par dessus tout, il ne supportait plus les autres visiteurs. Curieux, ingrats, il avait envie de tous les envoyer valser. Pour le coup, il se contenta d'abaisser son masque sur son visage afin de masquer sa colère, saisit du bout du bras un appareil photo, et de son autre bras, il attrapa le gamin. Ni une, ni deux, il pivota en direction de la caisse.

Évidemment, c'était sans compter sur un de ses emmerdeurs. Sans même laisser le temps à Gin de réagir, un des gros bonhomme accrocha le poignet du petit et stoppa l'élan des deux garçons. Là, c'était le gros lot. Le jeune homme n'allait plus pouvoir rester calme longtemps...

Avant même d'avoir eu le temps de réagir, Cinemont avait réussi à se dégager de l'emprise de cet ingrat. Certes, cela pouvait paraître fou aux yeux des autres, mais Gin adorait déjà ce petit bonhomme et il était hors de question qu'un sale type comme lui pose sa main sur le gamin. Lorsque Gin vit que le petit était sorti du magasin, il ne pesa plus ses mots. Il releva son masque sur le haut de son crâne et agrippa l'homme par le col, puis se lança dans une tirade de fureur. Il lui fit la morale sur tout ce qui lui passait par la tête, sans laisser le temps à son interlocuteur de répondre. Dès l'instant où il fut à bout de souffle, tellement, il avait utilisé un débit de paroles rapide, l'homme daigna réagir... Évidemment, la seule réponse que fut capable de lui donner , ce moins que rien, fut de la violence. Le poing de l'homme arriva nonchalamment sur le visage du Lémure. Son corps plus léger que son opposant se souleva du sol et atterrit plus loin, au sol. La rage monta en lui, il sentit l’énervement déborder. Répondre par la violence n'était pas très intelligent, alors il prit son temps avant de répondre à son acte à son tour.

D'une main sur le sol froid du magasin, Gin prit appui afin de se relever. Son œil gauche lui fit subitement mal. Il se frotta légèrement la paupière et du bout du doigt, il vit sa lentille de couleur. Il manquait plus que cela. Son regard fut plus dur, il se tourna vers les autres clients et les fixa attentivement un par un, en terminant par l'imbécile. Leurs visages révélèrent de la surprise et un sentiment de peur. Peu de monde aimait les albinos. Gin le savait que trop bien. Pour la plupart d'entre eux, soit disant ceux atteints d'albinisme apportent diverses maladies. Pour une fois, Gin allait se servir de cette différence corporelle comme un avantage.

Subitement, une voix interpelle Gin. Son nom, crié par une voix emplie de peur coupa le silence qui s'était vaguement installé. Instantanément, son corps pivota à 180° et ses yeux se posèrent sur le petit garçon qui avait crié. En à peine trois pas, il se retrouva près du gamin. Du sang le long du visage, mais comment avait-il bien pu se faire ça ?! Gin posa délicatement ses mains à chaque côté du visage de Cinemont afin de vérifier ses blessures. Rien de grave visiblement, mais il fallait faire vérifier malgré tout ! Il parla avec douceur au garçon afin de le calmer, puis sans tarder, il souleva le gamin et prit le chemin de la sortie. Il en avait fini avec de tels idiots. Cela ne servait à rien de débattre plus. Une chaleur vive commença à éradiquer à l'intérieur de sa joue. L'enfoiré, il ne l'avait pas loupé. La scène lui vint en mémoire, et un détail lui parvint. Il lui manquait une lentille et il n'avait pas remis son masque... Tout en laissant la porte se refermer machinalement derrière lui, Gin laissa échapper un soupire. Étant donné, qu'il portait le petit, il lui était impossible de remettre son masque pour dissimuler son œil rouge.

« C'est bien, tu as été courageux Cinemont ! Dis moi... » Dit-il d'une voix tendre, « Tu veux bien me remettre mon masque s'il te plaît ? Après nous irons voir le docteur pour ces bobos qu'en penses-tu ? »

C'est vrai, rien ne l'obligeait à en faire autant, mais il était hors de question aux yeux de Gin de le laisser comme ça. Et si jamais, il s'était fait plus mal que prévu ? Il était de sa responsabilité de s'assurer qu'il rentrait chez lui en bonne santé... Enfin du mieux que possible.