Peek a Boo ! est un forum rpg dont la v4 a ouvert en février 2023. C'est un forum city paranormal où les personnages sont décédés ; après une vie pas très chouette, iels se sont vu offrir une nouvelle chance et évoluent désormais dans le Tokyo extravagant de l'au-delà.
起死回生
Un nouveau matin se lève sur la ville et un rayon de soleil me tire du sommeil agité dans lequel j’avais presque réussi à sombrer. A côté de moi dans la chambre, mon illustre grand-mère ronfle, un pied en dehors du lit. Je n’arrive pas à comprendre comment elle peut dormir aussi profondément avec aussi peu de confort. Ma chambre me manque. Mon lit me manque. Même mes colocataires et leurs beaucoup trop nombreux animaux de compagnie me manquent. Si seulement je pouvais être de retour à Tokyo. Tout en me levant, je me promets d’être plus gentille avec Aiden dès mon retour au pays.
Ça fait déjà un mois que je suis partie. Tout ça parce que ma grand-mère a décidé que puisque j’apprenais le français il fallait que j’aille visiter le pays. Et que tant que j’étais en Europe, autant en profiter. Je ne peux pas dire que les premières semaines n’étaient pas agréables. J’ai certainement beaucoup plus progressé dans la langue de Molière qu’en allant à l’Université. Mais après… Tous les soirs, je dois retrouver notre nouvel hôtel parce qu’elle est beaucoup trop soûle pour tenir debout toute seule. Et puis elle se fait un peu trop remarquer. J’ai l’impression qu’elle connait des gens partout où nous allons et qu’elle se sent obligée de me les présenter.
Aujourd’hui, je crois qu’elle a prévu une tournée des bars avec de vieilles connaissances. Je me prépare déjà au pire tout en me résignant. Surtout que je ne parle pas un seul mot de suédois, ce qui est un peu handicapant quand je veux fuir sa compagnie, même s’ils se débrouillent presque tous en anglais. Et puis ils sont tous immenses ici. J’ai l’habitude d’être petite, mais pas à ce point. Je me sens minuscule, tout est prévu pour des gens plus grands que moi.
Un passage à la salle de bain et quelques heures plus tard, me voilà dans la rue derrière ma grand-mère. Je traine des pieds dans mes chaussures usées et poussiéreuses. Les bars ne sont pas un lieu que je fréquente habituellement. Le seul où je me souviens avoir mis les pieds au Japon, c’est celui de Yûdai. Toutefois, ce bar me semble différent de tous les autres, notamment parce que je suis la petite protégée du patron. C’est un lieu que je connais, même si je n’y vais pas bien souvent. Je devrais peut-être, ça lui ferait certainement plaisir. Voilà une autre bonne résolution pour quand je rentrerai.
Le premier établissement dans lequel elle me traîne est dans une ruelle. C’est une salle sombre, froide et humide. On dirait une cave ! Le serveur lui-même semble surpris de voir une adolescente japonaise avec un pull rose barbapapa lui commander un jus de pomme.
Après ce bar-ci, elle m’emmène dans un bar rempli presque exclusivement de zombies, si j’en crois la puanteur qui y règne et qui s’incruste dans la moindre fibre de mes vêtements. Charmant. Je passe ainsi plusieurs heures à essayer de respirer le moins possible par le nez. Quand enfin nous sortons, c’est pour aller exactement de l’autre côté de la rue : le lieu de rendez-vous avec ses fameux amis. Il est à peine midi et elle ne marche déjà plus très droit. Quant à moi, je suis passablement exaspérée par son attitude et peu agréable avec ses amis.
En allant chercher un énième verre de jus de pomme au comptoir – prétexte parfait pour fuir la table et la discussion ennuyeuse à mourir – je me fais bousculer et me rattrape de justesse au dossier d’une chaise.
Je le fixe, furieuse, attendant des excuses de sa part. Maintenant peu m’importe le jus de pomme ou bien ma grand-mère qui rit comme une baleine à quelques mètres de là en descendant sa dixième pinte de la journée. J’en ai un peu ras-le-bol qu’on décide à ma place ou qu’on me marche sur les pieds sous prétexte que j’ai l’apparence d’une gamine. A partir de maintenant, c’est fini. Et si on ne s’excuse pas, Joshua en entendra parler.
Bien évidemment, ce bonhomme n'a rien compris de ce que j'ai dit et il se contente de me laisser plantée ici. Avec, je le remarque après, le bras trempé par sa bière. Ce n'est vraiment pas mon jour. Heureusement, le jeune homme assis à côté de moi a la gentillesse de me tendre une serviette tout en commentant ma différence de taille avec l'autre énergumène. Je ne relève pas. Je préfère essuyer ce que je peux.
Ce n'est que quelques secondes après que je réalise qu'il a parlé la même langue que moi. Je me sens devenir aussi rouge que le seul kimono que je possède. Et dire que je pensais au moins pouvoir m'exprimer sans qu'on me comprenne de l'autre côté du monde. Eh bien non, ça ne marche pas. Pas du tout même.
Je lève les yeux au ciel. Est-ce qu'il se moque de moi parce que LUI il a un jus de fruits dans la main ? Par pure provocation, et aussi parce que j'en ai un peu marre de boire jus de pomme sur jus de pomme pendant qu'Obâsan enchaîne les différents alcools locaux, je lui réponds une grosse bêtise.
Tout en m'inclinant, je la lui rends. Et puis, sans m'attarder plus longtemps, je me fraye à nouveau un chemin jusqu'au bar. Intérieurement, je suis pétrifiée par ce que je viens de lui dire. J'espère qu'il ne fera pas attention à mon verre au retour parce que je n'ai nullement l'intention de prendre une seule goutte d'alcool. D'ailleurs, je ne sais pas demander ça en suédois.
Le temps de parcourir les quelques mètres qui me sépare du comptoir, je pèse le pour et le contre et envisage tous les scénarios possibles. Je sais très bien que le barman comprendra l'anglais, le suédois n'est qu'une excuse. Une fois devant lui, j'hésite encore. Un instant seulement. Le temps de me retourner pour voir ma grand-mère s'esclaffer en tapant dans le dos de ses amis. Elle a dû oublier ma présence.
Triomphante, mais aussi un peu honteuse, j'entreprends de retourner à ma table, la pinte à la main. Malgré mes efforts pour passer le plus loin possible de l'autre, il se trouve qu'il est encore une fois sur mon chemin.
Je retiens un marmonnement en le voyant, au même endroit et souriant. J'essaye de trouver un autre chemin dans le bar, mais tout est bloqué par des groupes de personnes bruyants. Résignée, je me dirige vers lui, prête à l'ignorer royalement pour rejoindre ma grand-mère qui riait à gorge déployée. Je ne bronche pas quand il se lève à son tour pour aller dans ma direction. Ne pas lui prêter une once d'attention, surtout pas. Il n'attend que ça.
Un pas après l'autre, je fixe ma bière pour ne pas croiser son regard. Il règne un tel brouhaha dans la salle que je ne m'entends pas penser. Je regrette amèrement ce voyage loin de chez moi. Les gens s'agitent. Ils rient. Tenant ma chope à deux mains, j'avale une gorgée. Il s'arrête pile devant moi, me barrant la route, un sourire suffisant sur les lèvres.
Désagréable. C'est le seul mot qui me vient pour le décrire tandis qu'il se moque ouvertement de mon âge d'apparence. Il devrait pourtant être habitué à croiser des adolescents qui ne font pas leur âge. Rien que dans ce bar, je ne peux pas être la seule. C'est impossible.
La naine est apparemment mon nouveau surnom. Je secoue la tête, dépitée. Je ne suis pas si petite que ça. Surtout quand on prend en compte le fait que j'ai grandis en étant malade. Toutefois, même si ce surnom m'agace, je n'ai pas spécialement envie de lui donner mon nom. J'hésite et pour me donne une contenance je prends une autre gorgée. Et puis zut, si ma grand-mère m'appelle, elle risque de crier mon nom de toute manière.
Je me suis ravisée à la dernière seconde, mais je sens bien que ce ne sera pas suffisant. D'ailleurs son nom ne m'intéresse pas particulièrement. Je l'aurai oublié avant même de rentrer au Japon me connaissant.
Maxence donc. Même si ce n’est pas son véritable nom, peu m’importe. C’est un moyen de le nommer dans ma tête sans passer par la périphrase inutile et beaucoup trop longue. Ne lui donner qu’une partie de mon propre prénom est une erreur. Je sens que cela va être particulièrement à la longue si je le laisse m’appeler Mi. Il en est hors de question. De toutes façons, au pire il découvrira que je vis à l’Agence.
Intérieurement, j’espère qu’il l’oubliera. Je prends une gorgée de bière - puisque de toutes façons, elle est dans ma main. Un peu trop amer à mon goût, mais je fais comme si de rien n’était et je prends une deuxième gorgée.
Effectivement, ce n’est pas du tout dans mes plans de le revoir. Il s’incline avant de rire et moi, je me contente de soupirer. Quel intérêt est-ce que j’aurais à revoir quelqu’un comme lui ? Aucun je crois.
D’abord pour le fuir, ensuite parce que moi et l’alcool, ça fait trente-deux.
Tout en titubant, ma grand-mère vient s’accrocher à mon bras, levant son verre bien haut avant de le finir d’une seule traite. Ce n’est qu’après qu’elle réalise la présence d’un inconnu en face de nous. Elle le regarde de haut en bas, le jugeant sans même s’en cacher. Puis elle se tourne vers moi.
Trop heureuse, elle trinque avec son verre vide contre le mien avant de reprendre en s’adressant au fameux Maxence. J’essaye de la stopper, mais l’alcool faisant son effet, à part en l’assommant ce n’est pas possible. Et jamais je ne pourrais assommer ma grand-mère.
A chaque mot qu’elle prononce, je me sens de plus en plus paniquée. Ma grand-mère manque cruellement de tact. Et en plus elle est prête à m’abandonner avec un inconnu dans un pays dont je ne parle pas la langue. Merci mamie.
Forcément, il est beaucoup trop content d’entendre ma grand-mère raconter ma vie. Et le pire, c’est que je n’ose pas protester et qu’il ose jouer le jeu en se faisant passer pour un ami. “Miu-chan” ? Même Joshua ne m’appelle pas comme ça. Je rage intérieurement, mais je ne le coupe pas. Grossière erreur.
Une position embarrassante ? J’y suis déjà. Et c’est de ta faute mon petit Maxence. Je prends une nouvelle gorgée de bière histoire de me donner une contenance, mais le goût me donne juste envie de tout lui cracher à la figure. Pendant ce temps, ma grand-mère rigole comme si elle venait de rajeunir de soixante ans d’un coup, trop flattée et surtout heureuse que je me sois fait un ami.
Toujours titubante, elle me lâche le bras pour aller lui pincer la joue, ce qui me fait bien rire intérieurement. Un grand garçon comme lui, infantilisé par ma grand-mère.
Et hop, elle est déjà repartie en direction du bar en levant son verre vide pour attirer l’attention du serveur. Je pousse un long soupir et foudroie Maxence du regard. C’est de sa faute tout ça. Comme si cette journée n’était pas assez pourrie comme ça. Le problème, c’est que je n’ai pas non plus spécialement envie de rejoindre la table des amis de ma grand-mère qui sont actuellement en train de chanter à tue-tête. Surtout que ce serait un peu comme dire à mon honorable aïeule que je suis ravie d’être ici.
Tandis que j’hésite, je prends une nouvelle gorgée, sans même m’en rendre compte. Je fais un pas en direction de la table, puis je me ravise. Franchement, je les ai trop vus. Et puis qu’ils retournent tous seuls à l’hôtel, ça leur apprendra à ne pas évaluer ma sobriété à sa juste valeur. Sans plus de forme, je m’assoie à la place du dénommé Maxence.
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