Peek a Boo ! est un forum rpg dont la v4 a ouvert en février 2023. C'est un forum city paranormal où les personnages sont décédés ; après une vie pas très chouette, iels se sont vu offrir une nouvelle chance et évoluent désormais dans le Tokyo extravagant de l'au-delà.
起死回生
Il était plutôt tard. La soirée était déjà bien avancée et la majorité des tokyoïtes avaient regagné le confort de leur maison. La plupart des quartiers de Tokyo était désormais plus paisible, même si quelques fantômes peu recommandables traînaient par-ci par-là et que d’autres se rendaient aux bars et aux casinos pour passer une bonne soirée entre amis. Shirley appréciait ce moment de la journée puisque le troupeau humain bruyant qui traversait les routes imprudemment et qui parlaient si fort au téléphone était immanquablement atténué. Il n’y avait pas autant de voitures qui filaient à toute allure et qui ne manquaient jamais de la faire sursauter, elle était un peu moins tendue et le Tokyo nocturne avait un certain charme. C’était digne des descriptions parfois enjolivées de son ex lorsqu’il lui parlait de la capitale du Japon. Pour toutes ces raisons, la jeune femme préférait sortir à des heures tardives.
Récemment, elle avait découvert les onsens. C’était un lieu un peu mythique dont elle avait souvent entendu parler mais n’avait jamais eu le courage de visiter. L’idée d’un bain chaud réconfortant lui plaisait, mais celle de se retrouver nue parmi des étrangères un peu moins. Exposer sa nudité lui faisait si peur qu’elle avait rapidement abandonné l’idée de se rendre aux onsens. Elle ne voulait pas dévoiler les repoussantes cicatrices qui recouvraient son corps et son visage.
Mais la nuit… Il n’y aurait personne… Si? pensa Shirley alors qu’elle passait devant le petit bâtiment des onsens. Elle s’arrêta devant, curieuse. Il ne semblait y avoir personne mis à part le préposé à l’accueil. Hm… J’ai vraiment envie d’essayer, quand même. Dans le pire des cas, si jamais il y a quelqu’un, je pars et c’est tout. Hésitante, la Lémure poussa la porte et entra d’un pas incertain. En voyant qu’il s’agissait d’une Occidentale, le jeune homme derrière le comptoir lui expliqua rapidement les traditions, puis lui désigna du doigt le bain pour femme. Elle le remercia d’un sourire réservé, puis se rendit aux vestiaires pour se déshabiller
Après avoir suivi à la lettre les indications qu’on lui avait données, Shirley trempait un orteil dans l’eau brûlante. À son plus grand soulagement, il n’y avait personne. Ne voulant pas attirer l’attention des propriétaires qui interdisaient le port de serviette autour du corps, elle s’était débarrassée de la sienne et des bandages qui couvraient une partie de son visage. La brune se détendit un peu, puis entra dans le bain. Il n’y aura personne. Sinon, je pars. C’est tout, pensa-t-elle pour se calmer un peu. Il faisait frisquet et l’eau était si chaude qu’une grande colonne de vapeur s’en dégageait. Shirley soupira, puis finit par se calmer complètement, apaisée par la quiétude de ce lieu. Elle ferma un peu les yeux…
À peine quelques minutes plus tard, des clapotis la tira de sa torpeur. Shirley s’était légèrement assoupie. Quelqu’un vient d’entrer, non? Elle distingua une silhouette vague en face d’elle. La vapeur et l’obscurité l’empêchait de distinguer ses traits, mais elle se rapprochait. Shirley s’apprêtait à sortir, mais le froid l’en dissuada rapidement. L’inconnue la heurta.
—Merde ! s’exclama une voix féminine.
—Désolée! s’empressa-t-elle de s’excuser.
Et maintenant, si je pars, c’est bizarre… Elle va penser que je suis vexée. Mince. Ah, si elle ne m’a pas aperçue, c’est qu’elle ne voit pas… enfin.. mes cicatrices. Ce n’est pas plus mal… en déduisit Shirley alors qu’elle gardait un œil sur cette forme imprécise proche d’elle. Un silence gênant s’installa… Elles n’allaient quand même pas rester là sans rien dire?
—Comment ça va..?
Après une courte hésitation, l’étrangère lui confirma que tout allait bien. Dans un murmure fragile, la jeune femme se contenta de répondre un petit « tant mieux » sans conviction. Et maintenant, retourneraient-elles au silence gênant de tout à l’heure? Shirley ne savait plus quoi dire à cette femme qu’elle ne connaissait ni d’Adam ni d’Ève. Et elle ne voulait pas paraître lourde. Seulement, ce silence la mettait mal à l’aise. Il fallait vite trouver quelque chose à rétorquer…
—Et vous ? Vous allez bien ? Je ne vous ai pas fait mal j’espère ? s’enquit l’inconnue en se rapprochant de Shirley.
L’eau remua près d’elle, elle devina que son interlocutrice s’était avancée un peu plus près d’elle. Elle fit un mouvement près de ses cheveux, puis une odeur de noix de coco se dégagea de sa chevelure. Ce parfum était à la fois déplaisant et agréable. Comme si le cerveau Shirley avait fait une association bizarre. Cette fragrance lui rappelait certainement quelque chose d’assez récent et forcément désagréable, mais elle n’arrivait pas à mettre le doigt sur ce qu’il s’agissait. Embarrassée, la jeune femme s’était reculée un peu pour conserver une distance raisonnable entre elles. C’était par simple précaution : elles pourraient se frôler involontairement si elles restaient trop près. À ce simple contact, elle pourrait comprendre bien vite que le corps de son interlocutrice était repoussant, couvert de cicatrices dégoûtantes. Shirley se contenta d’acquiescer d’un bref « hm-hm » avant de reculer à nouveau.
—Je pense que je vais retourner un peu dans le bain si ça ne vous gène pas bien sur. Mes côtes sont encore douloureuses et la chaleur me fera du bien. Je.. Je peux partir si vous le désirez ou bien me mettre dans un coin. Je peux comprendre que la solitude soit agréable dans ce genre de lieu. C’est comme vous le voulez.
—Non non, ne vous inquiétez pas! Faites ce que vous voulez. Ça me fait plaisir d’avoir un peu de compagnie, mentit-elle, restez si vous le désirez.
Ce silence entêtant retomba. Elle ne savait plus trop quoi dire à présent, si bien qu’elle se mit à réfléchir à chacune des paroles que son interlocutrice avait prononcées. Y avait-il quelque chose susceptible d’être utilisé comme nouveau sujet de discussion pour dissiper ce silence? Que pouvait-elle dire pour briser cette image de femme renfrognée et trop peu bavarde qu’elle était persuadée de projeter? Attends, elle a parlé de côtes douloureuses… Non? C’est indiscret. Tant pis.
—Que vous est-il arrivé? Vous dîtes être blessée, lâcha-t-elle sur un ton concerné. Il faut faire attention…
Ouf, voilà. C’est fait. Maintenant, c’est à elle de parler. J’espère qu’elle est loquace. Ça m’empêchera de devoir mener la conversation à tout prix pour éviter ces silences… Shirley appréciait ces gens volubiles qui ne parlaient que d’eux-mêmes. D’un côté parce que ça lui rappelait sa cadette un peu égocentrique qui appréciait les conversations centrées sur elle, d’un autre parce que la brune pouvait souffler un peu et se contenter d’écouter, sans soucier de chercher quelque chose à dire pour alimenter la conversation. Elle espérait que ce soit le cas de cette femme. Ça me faciliterait bien la tâche.
Après quelques instants, l’inconnue finit par répondre à la question indiscrète de Shirley. La brune avait cru l’avoir froissée vu le temps qu’elle avait mit à répondre, mais fut rassurée de voir que ce n’était pas le cas.
—Je me suis cassée les côtes ainsi que la majorité des doigts de la main droite il y a une semaine environ, expliqua-t-elle. Mais ce n’est rien de grave, vraiment rien de grave.
—J’espère que vous irez mieux vite… Prenez soin de vous.
C’était dit avec sincérité, si bien qu’elle ne put s’empêcher d’adresser inutilement un regard compatissant et désolé à cette silhouette imprécise près d’elle. Shirley s’inquiétait véritablement pour cette étrangère et se questionnait sur la cause de ces fractures. Elle avait beau lui affirmer que ce n’était pas grave, mais quelques côtes et doigts brisés étaient des blessures considérables à ses yeux. Comment c’est arrivé? C’est pas en tombant qu’on se casse les côtes et les doigts de la main… Ces pensées suffirent à renforcer ses inquiétudes, mais Shirley s’abstint de poser des questions qui plongeraient son interlocutrice dans l’embarras à nouveau. Puis, une fois de plus, le silence retomba. La jeune lémure pensa à demander ce qui s’était passé malgré tout, mais se sermonna intérieurement aussitôt d’y avoir songé. L’embarrasser pour éviter un silence? Qu’est-ce que je suis égoïste… Si ça se trouve, elle a de gros problèmes et... ah puis ça ne me regarde pas. J’espère juste que tout va bien.
—Et vous, qu’est ce qui vous amène par ici ? s’enquit-elle finalement.
Shirley remua légèrement, mal à l’aise. Et aussi parce que le vent froid qui caressait désagréablement ses épaules frileuses l’importunait. Ça va, j’ai pas besoin de me justifier en détail, se rassura-t-elle.
—J’avais envie de me reposer, fit-elle avec sa timidité habituelle.
—Trouvons un coin dans les sources. Il commence à faire froid. Venez, suivez-moi. Essayez de ne pas trop vous éloigner, on pourrait facilement se perdre ici.
La brune fut ravie de cette proposition, elle avait commencé à grelotter un peu. Et elle n’aurait pas eu le courage d’y aller toute seule par peur de la vexer. Elle se guida à l’aide des bruits de l’eau produits par les mouvements de celle avec qui elle discutait, faute de pouvoir la distinguer aisément dans la vapeur et l’obscurité. Les deux femmes se dirigeaient avec prudence vers la partie un peu plus profonde pour se réchauffer un peu.
—Je pense que nous sommes bientôt arrivées, essayez de suivre le son de ma voix si vous ne me voyez plus.
L’eau chaude montait effectivement et recouvrait presque leurs épaules. Le vent ne faisait presque plus frissonner la Canadienne qui pouvait enfin se réchauffer.
L’inconnue s’arrêta soudainement et recula. Shirley n’eut pas le temps de freiner et elles se percutèrent. En sentant le corps de l’étrangère contre le sien, elle paniqua et se recula vivement avant de se blâmer. J’aurais dû faire plus attention! Bizarrement, ce rapprochement, quoi qu’accidentel, et l’odeur de coco raviva vaguement le souvenir de ce baiser qu’elle avait échangé avec cette petite peste. Encore un peu troublée par cet événement survenu il y a environ une semaine, la brune glissa pensivement son index sur sa lèvre inférieure. Qu’est-ce qu’elle est devenue…? Je ne l’ai pas recroisée dans les couloirs de l’agence depuis un moment… En se surprenant à penser à la belle métisse qu’elle enviait tant, Shirley secoua la tête pour chasser ces pensées.
—Désolée! s’empressa de dire Shirley avec embarras.
La jeune femme espérait qu’elle était un peu plus à l’aise qu’elle avec les contacts physiques, sinon elle avait dû la mettre sacrément mal à l’aise. Même si elle ne la connaissait pas du tout, elle se faisait du souci pour elle. Cette vieille habitude de faire attention à (presque) tout le monde lui collait à la peau. Elle n’essayait pas de s’en débarrasser, non, c’était quelque chose de tout naturel chez elle, mais ensuite on avait tendance à voir comme un être candide, voire crédule et un peu bête. Shirley se demanda si l’étrangère percevait sa gentillesse de cette façon-là elle aussi.
—Avançons encore un peu.
Shirley se dirigea vers la partie un peu plus profonde encore un peu jusqu’à ce que ses épaules soient recouvertes. Maintenant, elle n’avait plus rien à lui dire. Trouve quelque chose à dire, vite…
—C’est drôle de discuter avec quelqu’un dont on ne connait ni le visage, ni le nom quand même…
En entendant cette question déguisée, la jeune femme s’arrêta net.
—Attendez, je connais un endroit tranquille où l’on pourra s’asseoir pour discuter si vous le voulez bien mademoiselle, fit galamment l’inconnue.
Cette attitude la fit sourire. Ça faisait du bien de rencontrer des gens bien élevés. Shirley suivit la jeune femme docilement jusqu’à un petit bassin suffisamment grand pour toutes les deux. La brune s’appuya contre un rocher et se détendit un peu. Avec l’obscurité et la vapeur, elle ne craignait plus que l’étrangère voit ses cicatrices. Pour la première fois depuis son arrivée dans l’au-delà, elle ne se souciait plus de son apparence en présence d’autrui…
—Je pense que nous serons bien ici, lâcha-t-elle en s’installant sur une pierre non loin de Shirley. Je m’appelle Ael et je vis à l’agence Azazel dans l’appartement Kiss. Et vous ?
Cette prénommée Ael se rapprocha pour dévoiler son visage à son interlocutrice. Elles étaient désormais si proches, si bien que Shirley réussit à distinguer peu à peu les traits de la femme avec qui elle conversait depuis déjà une dizaine de minutes. Elle a l’air jolie… pensait-elle, un peu envieuse. Ce beau visage avait quelque chose de familier, mais la pénombre et la vapeur rendait l’identification laborieuse. Cette longue chevelure soyeuse foncée, ces sublimes yeux bridés et ces lèvres agréablement pulpeuses lui rappelaient quelqu’un. Elle ne devait pas être bien importante si je ne m’en souviens pas…
Puis, tout se remit en place dans son esprit. Shirley repoussa la jeune femme d’une brutalité qu’on ne lui connaissait pas et s’éloigna pour se cacher de nouveau dans l'obscurité et les vapeurs de l’onsen. M'as-t-elle reconnue? Si cette petite peste avait pu apercevoir son visage ravagé par les marques permanentes que lui avait laissées sa mort, c’était comme une défaite. Ael, cette femme qu’elle avait inconsciemment désignée comme rivale dès la première fois qu’elle l’avait aperçue dans les couloirs de l’Agence, saurait qu’elle est dévisagée. Que les bandages ne couvrent pas une blessure temporaire. Qu’elle ne la dépassait pas seulement par son caractère bienveillant et agréable, mais aussi par son physique. Si seulement je n’étais pas couverte de cicatrices… Je serais plus belle qu’elle. Peut-être. Avant sa mort, Shirley faisait tourner des têtes et elle le savait. Puis suite à sa mort aussi, mais les raisons étaient différentes.
—T’approches pas! Reste loin de moi! lança-t-elle sur un ton dur, presque paniqué.
La jeune femme tremblait. Elle avait plaqué sa main trop petite pour cacher l’entièreté de l’énorme cicatrice qui couvrait presque tout le côté gauche de son visage et son bras contre sa poitrine cachait ses seins.
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