Vamployer les grands moyens - [Louis & Zdenka]

Louis fuit sa protection, assimilable à celle d'une grand-mère, en lui répondant avec un certain humour macabre. Zdenka a certes eu le temps de faire le deuil de Zdenka, mais reste consciente que d'autres morts pourraient assez mal réagir en les entendant se chamailler. Pour le moment, elle se contente de répéter mot pour mot ce qu'il dit en prenant une grosse voix pour le moquer gentiment. La mort n'est pas une excuse pour risquer l'angine.

Vient hélas le moment fatidique où le vampire devine la lourde tâche qui va lui incomber. Sans que Zdenka n'ait à dire un mot, elle est comblée.

"Si seulement un beau prince charmant pouvait venir à mon secours et m'aider..."

Puisque l'accord a été convenu et acté par le regard, elle délaisse toute sa charge sur le pauvre Louis. Si lui chiper sa canne pour vagabonder avec sous ses protestations tente sérieusement la polonaise, elle prefère quand même rester raisonnable.

"J'avais payé un garde du corps pour porter mes courses, une fois. Il s'était effondré de douleur sous le poids."

Juste pour l'inquiéter gentiment, elle avait verbalisé sa farce avec le plus grand sérieux du monde, avec l'espoir certain de faire douter son compagnon de route. D'ailleurs, puisqu'il l'avait évoquée, elle inspectait enfin la dite canne, et un détail frappant lui sautait aux yeux.

"Remarque, je me sens bien le devoir de te la prendre un temps, oui. Elle manque cruellement de gemmes serties, tout le long de la tige."

Ce qui, soyons francs, lui donnerait une allure de luxe franchement escessive, mais la poltergeist y voyait plutôt l'occasion d'y incruster ses gemmes apaisantes dont elle gardait jalousement le secret.

“Si seulement un beau prince charmant pouvait venir à mon secours et m'aider…”
“... J’imagine que je n’ai pas le choix.”

Bon prince qu’il est, Louis.
Car il est un gentleman, soyez-en sûr.

Il tend alors le bras pour que tu charges tes sacs par-dessus. Louis n’est pas très fort, l’âge a fini par le rattraper de son vivant. Louis est mince, presque maigre à dire vrai. Mais il ne s’empêche pas pour autant de porter ces quelques sacs. Il ne faudrait pas qu’ils s’accumulent pourtant, ni que l’habitude demeure.

“J'avais payé un garde du corps pour porter mes courses, une fois. Il s'était effondré de douleur sous le poids.”
“Rassure-moi : il s’agit d’une rumeur ?”
“Remarque, je me sens bien le devoir de te la prendre un temps, oui. Elle manque cruellement de gemmes serties, tout le long de la tige.”

Il grimace.

Il n’est pas très attaché à cette canne pour autant, plutôt qu’il apprécie sa simplicité. C’est le premier objet qu’il a acheté en arrivant par-ici, bien évidemment incapable de marcher droit sans un tel accessoire.

“Oh cette canne est très bien telle quelle, non ? C’est sa simplicité qui fait son charme, ne trouves-tu pas ?”

Il t’en conjure du regard, de ne pas la pimper.

Évidemment qu'il n'a pas le choix. Bien sûr. Il a accepté de te suivre dans ton errance dépensière, avait signé et acté sa ruine dès ce moment. Celle de ses jambes, surtout. Quoiqu'une partie du travail avait déjà été faite. Devant sa résignation, elle ne peut pas retenir une pointe d'espièglerie.

"Allez, ce n'est qu'une mauvaise journée à passer..."

Par contre, quand il exprime son inquiétude en ayant entendu l'histoire terrifiante, la poltergeist fait mine de papillonner et de ne pas avoir entendu. C'est quand même dur à croire qu'elle soit atteinte soudainement de surdité, il devenait nécessairement évident qu'elle ne voulait juste pas répondre. Méchante.

Elle se fait plus loquace quand Louis refuse son aide inestimable, ou plutôt ses insanités décoratives. Il devait s'en douter, mais le vampire venait d'éviter le pire, vraiment.

"Si tu aimes la simplicité, alors, je n'y toucherai pas." Elle le regrettait quand même un peu, visualisait encore une belle colonne de saphirs qui nargueraient les passants. "C'est juste qu'elle me va si mal, tu sais."

À voir les dizaines de reflets dorés qui se trouvaient ici et là sur sa personne, l'affirmation prenait un lourd poids. On pouvait même en revenir à questionner si elle se rappelait seulement encore de ce qu'est la simplicité.

"Mais sois rassuré, ton tourment devrait prendre fin rapidement. Je crois avoir tout ce dont j'ai besoin."

Le mot besoin avait bien sûr un sens différent selon tous ceux qui osent le prononcer, les siens étaient autant de caprices. Qu'importe, vraiment...

Ah, tu sembles hésiter, à son plus grand damn. Il regarde sa canne, se dit alors qu’il la protégerait férocement contre tes frasques. Certes, Louis n’est pas des plus voyants, mais il songe également qu’il n’aimerait pas le devenir.

Louis se plaît, dans cette simplicité qui est la sienne.

“Si tu aimes la simplicité, alors, je n'y toucherai pas.”
“Je t’en remercie chaudement.”
“C'est juste qu'elle me va si mal, tu sais.”
“Fort heureusement, tu n’as pas à la porter, n’est-ce pas ?”

Car c’est bien Louis qui se ramasse la boiterie, à son plus grand damn. Quoi qu’il ait fini par s’y habituer, dire l’inverse serait mentir. Évidemment, sinon voilà bien longtemps qu’il aurait réglé le problème de sa jambe à grand coup de potions. Ce serait tellement plus simple, n’est-ce pas ?

Quant à toi, il te crois sans peine.
Tu es éblouissante - littéralement parlant.

“Mais sois rassuré, ton tourment devrait prendre fin rapidement. Je crois avoir tout ce dont j'ai besoin.”
“Fort bien. Quoi que je ne sois pas vraiment pressé…”

C’est qu’il aimerait te faire oublier ce “cadeau” que tu lui dois. Louis considère, dans son grand égoïsme, n’avoir besoin de personne. Surtout pas pour des besoins aussi élémentaires que l’habillement.

Dieu, il s’en est déjà voulu lorsque ses amis lui ont payé l’université.

Certes, les deux lurons s'étaient accordés à prendre leur temps et ne jamais presser le pas, mais Zdenka devinait néanmoins que les jambes du vampire ne pouvaient tenir éternellement. Surtout si elle continuait à accumuler des dépenses spontanés en se laissant tenter par tout ce qui pourrait lui aller potentiellement avec 5 retouches.

Reste que dans la pile de tissus, pas un seul ne finirait dans l'armoire de Louis, pour le moment. La polonaise n'est pas tout à fait tête en l'air, et croyez bien que quand elle signe une dette, même oralement, elle la grave dans une pierre mémorielle.

"Et puis, tu ne t'es toujours rien trouvé."

Mais elle n'est pas obstinée ni aveugle non plus, elle devine bien que Louis est gêné par le cadeau. Il l'avait exprimé déjà, avait tenté de repousser la poltergeist.

"Mais rien ne sert de forcer le destin, si rien ne te plaît, il y aura toujours un autre jour."

Enfin, si le gentilhomme acceptait de lui servir une deuxième fois de porte-bagages, et sans être payé en prime. Il n'avait peut-être pas encore réalisé que de nombreux escaliers les séparaient encore des penderies de Zdenka. Elle-même ne l'avait pas oublié une seule seconde. Pire, elle s'en était rappelé avant même de venir.

Enfin, chaque chose en son temps. Pour l'heure, elle guette du coin de l'oeil une vitrine de glaces, presque comme une enfant coupable devant des parents responsables.

Ah, tu n’as pas oublié. Damned.
Il tire une moue à ton affirmation.

“Et puis, tu ne t’es toujours rien trouvé.”
“En effet.”

Il regarde une chemise - la même que tout à l’heure, trop grande pour ses épaules, et qui mériterait quelques retouches pour pouvoir être portée. Oserait-il ? Dans tous les cas, il n’entame pas le mouvement.

“Mais rien ne sert de forcer le destin, si rien ne te plaît, il y aura toujours un autre jour.”
“Bien sûr? Je serais toujours ravi d’aller faire quelques magasins en ta compagnie.”

Une vérité dure, car il est rare qu’il trouve une personne ayant son appétence pour la mode et les vêtements - à croire que les gens ne s’y intéressent plus tant de nos jours, ou est-ce car la mode a changé ? Il ne saurait dire. Il te regarde alors, fixer les glaces d’une vitrine comme une enfant pourrait le faire. Il souffle du nez, et sourit - amusé il est vrai.

“Je n’ai peut-être pas de quoi me payer ces vêtements, mais je peux tout à fait t’offrir une glace si l’envie t’en prend.”

Il propose l’air de rien.
Alors que lui-même refuse toute aide financière.

“Pour me faire pardonner.”

Mais qu’y a-t-il à faire pardonner ?

Bon, le vampire avait été particulièrement insensible aux avances extrêmement adroites de la polonaise, mais elle était plus qu'heureuse de constater qu'il nen faisait pas grand cas, et la tiendrait toujours comme amie. Déjà ça de pris, dans un sens. Et puis, elle lui trouvait bien évidemment un goût exquis vestimentaire, et donnait du poids à son avis.

Par contre, il parvenait à la prendre de cours. Non pas sur le fait de lui offrir un glace, plutôt sur le reste. Elle se retourne, perplexe, questionnant sa hauteur du bas de sa taille modeste.

"Te faire pardonner de quoi?"

Les mots ont un sens, les deux compères le savent, mais Zdenka ne parvient décidément pas à en trouver à ceux de Louis. Malgré tout, l'appétit et la tentation l'emportent sur la raison, inutile d'épiloguer des heures.

"Ma foi qu'importe, j'accepte volontiers."

À beaucoup d'autres, elle aurait répondu qu'elle était bien assez grande pour s'acheter ses propres glaces, mais pas cette fois. Surtout que parler de taille, même métaphoriquement en sa présence, c'était très certainement risquer des railleries.

"Je te laisse commander, gentilhomme. Vanille et fraise pour moi."

Quitte à être servie, autant ne pas lever un seul des deux petits doigts.

“Te faire pardonner de quoi ?”
“Ah, je l’ignore…”

Passons donc à une autre histoire, voulez-vous ? Tu as bien raison, sur ce point, quand bien même tu n’y as probablement même pas pensé. Il s’approche alors du glacier, un magasin tout à fait modeste qui pourrait presque faire tache dans cette rue à la fois chic et chère. Allez savoir pour quelles raisons il s’est installé ici, le pauvre bougre.

“Je te laisse commander, gentilhomme. Vanille et fraise pour moi.”
“Oh vanille et fraise ? Je vous aurais pensé un peu plus aventureuse, Comtesse. Mais fort bien.”

Il regarde un peu plus longuement les goûts proposés pour sa part, hésite un instant et tire une moue satisfaite en constatant un coin de la carte dédié à la clientèle vampire. Voilà qui est fort intéressant, qu’il se dit, quand bien même il n’ait ni faim ni soif - juste pour un plaisir coupable, peut-être.

Il commande alors. Vanille et fraise pour toi, et “du B, négatif de préférence” pour lui. Il te prend un cornet, sans hésiter non plus, tandis qu’il se fait servir sa glace dans un pot, avec une cuillère.

“Et voilà pour toi.”

Il te tend ta glace, non sans commencer à avaler la sienne, grandement satisfait du goût ferreux qui s’étale sur ses papilles.

Entendre le mot comtesse échapper des lèvres de Louis, ça lui fait quelque chose, quand même. Zdenka ne laisse rien paraître bien sûr, mais ça la flatte un peu dans un sens. Non pas en tant que marque de respect, bien au delà en réalité.

"Je vois que Monsieur Wilson a fait ses recherches. Ravie de constater que la noblesse m'a suivie même dans la mort."

Ou alors il avait juste eu un coup de chance, l'avait dit par hasard, mais Zdenka refusait presque de le croire. Ç'aurait été si décevant. Elle se réservait souvent de donner l'exactitude de ses origines, de son histoire avant sa mort. M'enfin, d'autres avait fait le travail de chroniquer sa vie. Reste qu'il juge ses choix gustatifs, et c'est quand même osé quand on sait quel fin gourmet elle est. Une remontrance -amicale- est nécessaire.

"Et vous m'excuserez de ne pas avoir demandé 'un sorbet goût sacrifice sanglant à un démon des enfers avec une dague rouillée', il me reste sur l'estomac."

Sa blague pouvait paraître un peu rude pour les vampires, mais elle se doutait que Louis avait le recul et l'âge suffisant pour ne pas mal l'apprendre. Enfin elle espérait aussi. Au pire, elle pourrait courir et lui échapper sans trop de souci.

"D'ailleurs, merci."

Une base de politesse, tout de même.

“Je vois que Monsieur Wilson a fait ses recherches. Ravie de constater que la noblesse m'a suivie même dans la mort.”
“Oh, elle vous colle à la peau.”

Il sourit, plaisante avec ses traits tirés. Il se demande si ses origines prolétaires sont toujours inscrites sur son visage, malgré les années qui passent doucement. Il avait fait ses recherches, bien sûr - et une personne aussi connue n’échappe pas à se voir chroniquer son existence. Par chance, Louis échappe à ce traitement - ce qu’on y trouverait n’est pas vraiment flatteur, surtout sur la fin de sa vie. Quand bien même ce sont des inepties.

“Et vous m'excuserez de ne pas avoir demandé 'un sorbet goût sacrifice sanglant à un démon des enfers avec une dague rouillée', il me reste sur l'estomac.”
“Vous ne savez pas ce que vous ratez, je m’en délecte.”

Dit-il en prenant une cuilléret de glace.

Il ne faut alors pas bien longtemps pour que le goût ne le prenne à la gorge, lui rappelant ses jeunes années de vampires. Sans vraiment de classe, ni même de discernement, il recrache le peu qu’il avait jusqu’alors avalé - directement dans le pot. Des haut-le-cœurs lui retournent l’estomac, avant qu’il n’ait la présence d’esprit de se pencher sur le côté pour vomir de la bile. L’acidité lui brûle la gorge, désagréable sensation s’il en existe une.

Le souffle court, il lève une main pour te demander le silence.
Dieu, il avait presque oublié la sensation.

“Ah… Cet idiot s’est trompé sur les groupes sanguins…”