Il est facile de prendre un train encore faut-il prendre le bon

Megan n'avait pas vu le temps passer. Elle avait été bien trop occupée à jouer avec ce chien et à le suivre partout. Elle avait eu la sensation qu'elle avait réussi à communiquer avec lui, elle faisait des progrès, mais ce n'était pas ce qu'elle voulait encore vraiment. Elle avait encore oublié le chemin de la maison, c'est pour ça qu'elle avait mis autant de temps ! Elle préférait marcher, mais là elle n'allait jamais s'en sortir. Bientôt, elle oublierait même son nom, vu comme elle était tête en l'air !

Heureusement que dans ses poches fourre-tout, elle avait pensé à noter le nom de la station de métro près de l'appartement. Elle avait un peu flippé au début, elle n'arrivait plus à retrouver le bout de papier parmi tout ce qu'elle arrivait à ranger là-dedans. Elle avait cru qu'elle avait pu nourrir les bennes dehors en y jetant le pense-bête en même temps que les papiers de bonbons et tickets de caisse, mais puisqu'elle l'avait retrouvé, elle s'engouffrait déjà dans la bouche de métro, dévalant les marches comme un poulain. Dans son porte-monnaie, elle avait mis sur la main sur un ticket pas encore usagé, c'était tout bon pour elle.

Elle devait faire quelques changements de lignes pour avoir celle qui la menait à sa destination, mais elle n'était plus à ça près, après tout. Tout en observant les alentours, les lumières des stations et la pénombre environnante, elle appréciait les éclats de couleurs et l'architecture des souterrains. Pour Megan, tout était toujours coloré et magique, c'était quelque chose d'assez agréable. Pas que ses yeux soient fondamentalement différents, c'était pour elle sa façon de voir les choses. En général, c'était pas moche, c'était juste pas beau de la même façon, et là, elle avait l'impression d'avoir mis les pieds autre part.

Megan n'était pas fan des nouvelles technologies et des choses compliquées, alors elle ne prenait pas beaucoup les transports en commun. C'était seulement en cas de nécessité absolue. Puisqu'elle avait des jambes pour marcher, elle s'en servait. C'est pour ça qu'en plus d'observer le monde, elle observait les gens. Une dizaine de stations encore, et elle arriverait. Elle détaillait les visages inconnus qu'elle pouvait avoir déjà croisés un jour dans sa mort, ou alors de nouvelles personnes, et ça la fascinait aussi un peu, le hasard, quelque chose contre lequel on ne peut pas lutter.

Même si en général, on dit que le hasard fait bien les choses, parfois, il ne le fait pas correctement. Suite aux évènements qui s'étaient déroulés plusieurs jours plus tôt ou quelque choses comme ça avec Django, elle avait un peu essayé de l'éviter. Elle ne se sentait pas vraiment à l'aise en sa présence, et elle ne savait pas pour lui, mais elle ne pensait pas non plus. Elle savait qu'avec le temps, ça allait forcément bouger, mais là, c'était encore trop tôt. Elle ne savait pas non plus si elle était censée faire le premier pas ou bien si c'était lui puisqu'il était parti sans explications.

- Ah !

Maintenant qu'il était devant elle, Megan pensait qu'il ne pouvait s'agir que d'un signe du destin, ou alors plus terre à terre, une superbe occasion de mettre les choses aux clairs. Lui ne l'avait pas vue, et à vrai dire, elle venait tout juste de le remarquer, alors qu'elle était assise presque en face de lui. Elle pris alors la décision de ne pas fuir cette fois, et elle espérait que lui non plus.

Il avait l'air un peu, si ce n'est beaucoup, surpris. Un peu comme Megan en fait, être aussi proche de quelqu'un sans le remarquer, forcément, ça fait bizarre après. Heureusement d'ailleurs, il était dans les même dispositions qu'elle, il voulait sauter sur l'occasion pour quelques petites explications. Elle lui sourit timidement, alors qu'elle attendait qu'il finisse de se décoincer, il avait clairement quelque chose à dire et elle était prête à lui porter toute son attention, parce c'était dommage quand-même, puisqu'ils étaient en fait un peu obligés de se côtoyer.

Megan ne pouvait être que satisfaite des excuses de son colocataire. Il n'avait pas l'air du genre à prendre sur lui comme ça, vu la réaction qu'il avait eu le jour de la soi-disant dispute. D'ailleurs, étrangement, elle n'avait pas pensé que ça pouvait se dérouler aussi bien, elle avait imaginé quelque chose de beaucoup plus compliqué que ce qu'elle pouvait gérer. Bon, elle ne pouvait pas écarter la possibilité qu'elle ne comprenne pas la suite, mais en tout cas, elle était bien contente que ce début commence aussi bien.

Ça l'avait à vrai dire un peu torturée. Après que la porte ai craqué, elle était restée seule dans son bordel, n'ayant aucunes réponses à des questions qui n'existaient pas encore. Ce n'était pas un évènement qui avait laissé de grosses traces, mais quand-même, ça avait laissé une marque et une autre interrogation pour Megan qui était revenue fréquemment depuis. Elle n'avait pourtant jamais imaginé se soucier autant de Django, parce qu'elle n'avait jamais réellement prêté attention à ce qu'il pouvait bien faire ou ce qu'il devenait.

Alors elle était bien contente de ses paroles. Bien contente parce qu'elle n'avait pas été la seule à vouloir discuter et sortir de cette impasse. Même elle pouvait dire que ce n'était pas des paroles en l'air, c'était sincère et ça lui apportait un peu de satisfaction. Enfin, ce sentiment était dû en réalité à deux choses : le fait qu'il vienne s'excuser de lui-même et de son plein gré et le fait qu'il aille à l'appartement et qu'elle était sûre d'arriver à destination saine et sauve, sans être attirée par quelque chose en chemin, ça avait une grosse part.

- Ça va. C'est pas vraiment un problème après tout, on peut en discuter.

Son sourire s'étala, poliment, sincèrement, elle affichait clairement son contentement.

Megan laissa échapper un petit rire en même temps qu'elle replaçait une mèche folle derrière son oreille. Tout compte fait, Django l'amusait. Elle avait eu du mal au début à bien comprendre ses sautes d'humeur et s'était un peu trop torturée pour arriver à un résultat, si bien que ce temps d'évitement avait eu pour résultat qu'elle avait finalement compris qu'il était simplement comme ça. Il avait un côté dramatique qui était drôle à ses yeux, même s'il la laissait toujours autant perplexe. Elle cacha sa bouche et repris finalement son calme.

Donc ce qu'elle arrivait à comprendre, dans tout ce tas, c'était que sa sœur était un sujet sensible pour lui et qu'il fallait par conséquent éviter d'aborder le sujet. Elle essaierait, mais ce n'était pas dit qu'elle n'oublie pas. Elle pouvait faire des efforts mais pas changer, et c'était pareil pour lui. Maintenant qu'elle y repensait, elle y était allé franchement, et elle avait maintenant appris que justement, c'est pas toujours ce que les gens attendent d'elle. Mais bon, ce n'était pas vraiment sa faute aussi.

En plus, si au final, ça permettait pour lui de réfléchir sur lui-même, c'était tout bon, on pouvait dire que la maladresse de Megan avait servi un minimum. En fait, c'était le changement assez brutal qui ne lui laissait pas le temps de lui dire de rien qui l'amusait surtout. Elle s'étonnait encore de comment il pouvait passer d'une chose à une autre sans le moindre soucis, sans donner d'explications, comme s'il était possédé par plusieurs âmes en même temps. Il était une sorte d'étrangeté à étudier pour Megan qui, elle, avait tant de mal à lier des liens et à savoir ce qu'il se trame dans la tête des personnes qu'elle rencontrait.

- Ça va. J'ai pu terminer, mais il doit rester des bouts de verres par terre.

En effet, Megan avait quand-même réussit à finir ce qu'elle était occupée à faire avant l'intrusion de son colocataire ce jour-là. Ça lui avait pris plus de temps qu'initialement prévu, mais elle avait réussi. Pour les bouts de verre, c'était parce qu'elle n'avait pas choisi d'utiliser l'aspirateur, celui qu'ils avaient était bien trop moderne et compliqué pour elle. Maintenant qu'elle avait répondu à sa question, elle ne savait pas ce qui allait se passer, si elle devait rebondir sur les confessions qu'il lui avait fait ou enterrer le sujet comme elle avait d'abord pensé. Ne fallait-il pas qu'elle s'intéresse à lui un minimum aussi ?

- Tu pourras passer l'aspirateur, plus tard ?

Elle en oubliait presque qu'ils étaient dans le métro, tiens.

Bon, au moins, si elle le faisait rire, c'était tant mieux. Elle ne comprenait pas pourquoi il était hilare à ce point, elle n'avait pas fait de blague ou quoi, mais ça ne pouvait qu'être bon signe de le voir comme ça. La hache de guerre était enterrée, même s'il n'y avait pas eu de guerre à proprement parler, elle savait ce qu'elle voulait dire. Même que ça la surprenait agréablement, elle ne se sentait pas tellement perdue ou quoi, enfin, un peu moins que d'habitude avec Django en fait. Malgré l'heure tardive, son rire sincère la requinquait.

Il rebondissait aussi sur l'occasion pour lui poser à nouveau sa fameuse question. Megan ne comprenait pas vraiment l'importance de la chose, mais ce n'était pas comme s'il s'agissait d'une question trop personnelle, elle pouvait bien répondre. En fait, elle ne savait pas vraiment si c'était une préférence ou pas, en règle générale, elle avait d'autres choses à penser que de se demander si son truc c'était plutôt la fraise ou le chocolat, les deux étaient tout aussi bons l'un que l'autre après tout.

- Fraise. J'aime beaucoup leur couleur.

Elle avait répondu du tac au tac, sans trop réfléchir, puis tout compte fait, c'était vrai que les fraises avaient une jolie couleur puis une agréable odeur, puis c'était naturel, pas besoin de cuisiner ou de faire des transformations. Tiens, peut-être qu'elle pouvait s'y mettre, au jardinage, pourquoi pas ? Elle oublierait sans doute d'arroser ses plantes, après, elle pouvait toujours mettre au point une potion pour ne pas qu'elles meurent ou quelque chose comme ça.. Elle se perdait dans ses pensées.

- Et toi ?

Elle revenait au cœur de la discussion, distraite comme elle était, il fallait tout de même qu'elle montre un peu plus de curiosité envers son colocataire, c'était la moindre des choses. Elle ne savait pas spécialement ce qu'elle allait faire de cette informations, probablement rien, et d'ici le lendemain, ça serait déjà passé à trappe, mais elle demandait toujours. C'était ce qui faisait plaisir à Django après tout, c'était important dans ce cas. Elle s'intéressa à l'arrêt auquel ils étaient, ça ne passait pas aussi rapidement qu'elle l'avait pensé, pas qu'elle veuille que ça aille vite, non, mais elle ne voulait juste pas louper l'arrêt.

Au final, quand il le voulait, Django pouvait être un garçon vraiment très calme et censé. Il lui avait apparu un peu étrange, presque fou, mais elle retirait ce qu'elle avait dit en pensé : il ne l'était pas le moins du monde, il était juste excentrique, et elle-même l'étant, elle n'avait strictement aucun droit de le juger. D'ailleurs, ce n'était pas un véritable jugement à proprement parler, c'était autre chose de similaire, mais en moins négatif quand-même. En réalité, il faisait quand-même plus attention à elle qu'elle ne le pensait.

Il était touchant, aussi, elle n'allait pas se mentir. Au final, il lui faisait confiance, livrait des trucs sur lui qui ne la regardait pas vraiment. Et tant mieux si ça lui faisait du bien, à vrai dire. De ce qu'elle avait compris, la confiance, c'était quelque chose d'assez rare et positif, mais puisqu'elle-même était fondamentalement gentille, elle avait bien oublié comment elle avait l'habitude d'être, elle en avait aussi oublié comment les gens pouvaient être mesquins et méchants.

- C'est vrai que je ne serais pas allée vers toi de moi-même.

Django n'était clairement pas quelqu'un de fourbe. Elle le savait. Elle n'avait pas vraiment la preuve, puisqu'elle ne le connaissait pas très bien encore, mais c'était une étrange sensation, elle le savait, c'était tout. En plus, cette rencontre hasardeuse dans le métro lui était bénéfique, le long trajet était devenu plus agréable, tellement charmant qu'elle se surprenait même à penser qu'elle aimerait bien que ça dure un peu plus longtemps. Ils étaient dans une situation où l'évitement était totalement impossible, c'était presque une occasion de se confier tous leurs soucis, ils étaient comme en cage tous les deux.

- Ça ne me dérange pas. C'est juste que la fumée pourrait faire jaunir les livres..

Megan prit un air pensif, c'est vrai que ça ne la dérangeait pas vraiment d'un point de vue médical, après tout, elle ne pouvait pas avoir de changer ou les poumons détruits, elle était déjà morte. Puis, elle avait déjà fumé dans sa vie, mais n'avait jamais été addict, si c'était plutôt ça qui posait problème. Au contraire, elle était contente qu'il ose lui parler de ses petites peurs à ce sujet, elle avait à présent vraiment l'impression d'être sa colocataire, c'était rigolo.