Il fallait que je me calme, clairement. Elle était en train de m’énerver car elle me rentrait dedans sans aucune gène, sans aucune faiblesse. Elle parlait et parlait encore, s’adressait à moi comme si elle pouvait sensiblement lire en moi. Pourquoi ? Pourquoi m’avait-elle prise à partie dans cette salle obscure ? Ne pouvait-elle tout simplement pas aller voir ailleurs ? À cette idée mes sourcils se froncèrent d’eux-même. Hm, le vrai problème dans cette histoire c’est qu’elle me touchait. Elle faisait naître en moi de nouvelles émotions et sensations sur lesquelles je n’avais aucun contrôle finalement. J’étais à la fois clairement en colère contre elle et à la fois curieuse de savoir jusqu’où pouvait aller son analyse.
Je cru d’abord un instant que tout ça venait d’une façon d’être, une façon qu’elle avait d’analyser les gens pour mieux les comprendre. Peut-être même était-elle tout simplement maladroite et s’exprimer ainsi était sa façon à elle de faire connaissance. Mais à ses mots j’avais plus la sensation qu’il s’agissait d’un jeu qu’elle essayait d’entretenir. Elle voulait me "mettre en rage" comme elle disait.
- "Vous devriez éviter de jouer à ce jeu là avec moi. Me mettre en colère n’est pas la meilleure option pour vous, je vous le garantis."
Elle ne devait clairement pas s’aventurer sur ce terrain là avec moi. En effet, ce genre d’émotion était difficilement contrôlable chez moi, si difficile que j’en avais soit perdu connaissance, soit perdu tout sentiment soit je m’en étais pris à la personne en face de moi, la blessant et la rendant faible à ses propres sentiments. Je n’avais pas envie de revivre ça et je n’avais pas envie d’utiliser ma colère pour quoi que ce soit, encore moins pour m’en prendre à la rousse devant moi.
Mais elle continuait, sans arrêt. Elle continuait de me prendre la tête avec ses remarques, ses histoires de statues et autre. Je soupirai et décidai de la suivre. Pas pour la contredire mais juste par respect pour elle, car malgré son attitude j’avais beaucoup de respect pour cette femme comme pour son travail.
- "Je vous suis."
Je n’en dis pas plus, la laissant passer devant. Sans m’en rendre compte mes yeux glissèrent sur les courbes de son corps. Je détournai la tête, encore une fois par respect. C’était une belle femme et intelligente de plus. C’était une des seules choses que je pouvais comprendre chez elle. Quel complexité, c’était rare de nos jours. Je n’eus pas le temps de réfléchir davantage qu’elle s’arrêta sans prévenir. Encore une fois elle m’attaqua.
- "Vous n'êtes pas vivante. Vous êtes bien terne et sans couleurs. La rage ne s'empare pas de vous alors qu'on vous démantèle et vous dévisage."
Je ne retins que ça de son discours. Non, elle ne me connaissait clairement pas. Elle ne savait rien de ce que j’avais vécu ses derniers temps, ce que c’était de devoir cacher ses sentiments pour ne pas qu’ils explosent, pour ne pas perdre le contrôle sur ces fichus pouvoirs. Elle ne savait rien de la douleur que l’on ressent lorsque l’on blesse les gens que l’on aime juste parce que l’on est trop faible, trop émotive.. Elle me voyait terne, oh, elle ne savait vraiment pas ce que cela signifiait réellement.
Mon visage s’éteint davantage. Comment ? Je n’en avais aucun idée. J’étais en colère certes, mais ce masque que je possédais déjà de base s’était affiché encore un peu plus. Je ne montrai aucune émotion, je n’allais pas lui faire ce plaisir. Non, j’étais éteinte, complètement éteinte. En s’attardant quelques instants dans mon regard, on pouvait le voir se perdre, totalement vide de tout. Alors je redressai mon visage vers elle, ne la fixant pas directement dans les yeux mais préférant regarder dans le fond de la pièce.
- "Veuillez m’excuser."
Je n’en dirai pas plus. Si elle ne voulait pas que j’explose, je devais tout simplement partir. Je ne pouvais pas rentrer dans son jeu, je devais rester stoïque même si la seule chose que je voulais actuellement faire était de la secouer un peu et de lui crier d’aller se faire foutre elle et sa curiosité, elle et son dédain, elle et ses mots si transperçants. Je serrai alors un peu la mâchoire et me retournai simplement. Je me mis en marche, ne me retournant pas une seule seconde. Je devais partir, partir, partir.
Je passai au travers de la foule, évitant les amateurs d’art au mieux. Quelques serveurs me passèrent à côté mais ça ne fut pas le cas du derniers que je croisai. Me rentrant de plein fouet dedans, nous tombâmes tous les deux en arrière, quelques coupes de champagne se renversant sur moi. Dans un énième soupir, je murmurai quelques excuses presque inaudibles, me relevai et aidai le serveur à faire de même avant de continuer mon chemin. J’avais besoin de me rafraîchir. Je me mis en quête des toilettes que je trouvai rapidement.
J’y entrai et me mis en face du long miroir présent au dessus de quelques lavabos à vasque posés sur un magnifiquement plan de travail en marbre noir. Là, j’allumais l’eau et remplis les paumes de mes mains de ce précieux liquide. Mon visage plongea alors au creux de mes mains encore et encore, jusqu’à ce que celui-ci soit à sont tour rafraichit. Je me relevai. Des mèches de mes cheveux n’avaient pas échappé au processus, ni une partie de mes habits. Bon sang Ael, ressaisis-toi.