Éclat cuivré, brillant sous un soleil jouant à cache-cache avec les nuages. Éclat doré, s'élevant dans les airs, défiant la gravité comme avait pu le faire les hommes souhaitant voler avant de retomber, tel Icare et ses ailes de cire. Un faible éclat, d'une pièce supposée déterminer un choix bien trop important pour être joué aux dés, pour être laissé au hasard. Un choix qui devait être fait seul, en son âme et conscience. À croire que le jeune homme ne voulait pas choisir, pas de cette façon. Cela impliquait-il trop de responsabilités ? Trop d'enjeux qu'il ne désirait pas affronter ? Allez savoir. La pièce retombait, sous le regard à moitié amusé du grand zombie qui sentait que l'issu de ce petit jeu ne plairait pas au jeune homme. Et alors que l'ossement délivrait son jugement, le visage de Cassian se peignant d'une expression déçue, l'autre zombie ne pouvait s'empêcher de sourire.
Tellement prévisible.
Le destin était ainsi, imprévisible, emmerdant mais surtout contre chacun des êtres qu'il aimait faire souffrir. Il choisissait toujours le mauvais chemin, celui avait le plus d’embûches, le plus de problèmes, le plus de contrariété. Comme une marâtre voulant vous pourrir la vie. Comme une ennemie voulant vous traîner un peu plus dans la boue. Comme un bourreau toujours prêt à vous torturer. Cruel. Froid. Ironique. Laisser le destin choisir c'était laissez choisir la douleur, les ténèbres, le mal, l'ennui, la perfidie. Toulouze en savait quelque chose, bien plus que le jeune homme face à lui apparemment. Et cet état de fait ne pouvait que le faire sourire avec moquerie.
- Imbécile.
La fumée tourbillonna dans l'air, dansant telle une ballerine sur un air que l'on ne pouvait entendre. Voletant au vent avec grâce, soufflé par les narines du gamin trop naïf et joueur. Avait-il réellement cru qu'il aurait le résultat qu'il souhaitait ? Que cette pièce lui donnerait le choix qu'il désirait ? Était-il encore un enfant croyant dur comme fer au Père Noël, alors qu'il aurait pu voir ses parents mettre les cadeaux qu'il avait commandé sous le sapin en pleine nuit ? Toulouze se le demanda un instant, observant le jeune homme de ses billes sombres et moqueuses sans prononcer le moindre mot. Pauvre gamin. Il attendait quelque chose certainement, une remarque de plus ou une remontrance de la part de cet homme en qui il avait dit vouloir faire confiance. Une confiance jouée au hasard. Toulouze avait bien envie de rire de cette scène, ses doigts attrapant le bout de métal circulaire pour mieux le faire tourner entre ses doigts. Pauvre gamin.
- Il faut croire que tu ne me fais pas confiance dans ce cas. Tu me diras, c'est pas plus mal.
Éclat cuivré. Caresse glacée d'un vent venant de la mer. Il gonfla les jupes des femmes qui passaient sur le pont, ébouriffant les mèches de cheveux de chacun, refroidit leurs ardeurs de certains. Le zombie faillit perdre la pièce sous cette bourrasque, faible consolation de cette cigarette perdue qui ne lui appartenait même pas à la base. Sa paume l'étreignit avec faiblesse, réchauffant le métal froid avant de jouer à nouveau avec, le vent soufflant pourtant toujours. Manipulation inconsciente d'un être qui ne désirait rien d'autre qu'un peu d'attention. Le repousser. Le faire venir. Le faire tourner. Réfléchir. Il n'était pas comme cette pièce entre ses doigts, pas comme ce bout de métal qui brillait sous la lumière aveuglante du soleil. Mais le constat était le même. Au final, Toulouze ne savait pas quoi faire de ces deux-là.
Regard en biais. L'homme reporta ses perles sombres sur le zombie en face de lui, lui lançant une œillade neutre, son sourire ayant disparu. Confiance ou pas, il ne pouvait pas grand chose pour Cassian. À part le mettre en garde. À part lui dire de faire attention. Comme un proche qui se soucie des actions des personnes à qui il tenait. Seulement, le basané ne savait pas s'il tenait réellement à ce gamin ou non. Toulouze aimait se dire qu'il n'en avait rien à faire de ce môme capricieux mais au final, il revenait toujours pour lui faire la morale. Drôle de situation. Mais peut-être qu'agir de cette façon était celle qui leur convenait le mieux. Jouer les aimants, à se repousser et s'éloigner pour mieux revenir en arrière et recommencer. Encore.
Une pichenette. Plutôt forte et violente. Le gamin allait certainement avoir un bleu sur le front après que l'autre zombie lui ait assignait une telle tape. Enfin, tant pis pour lui. Toulouze lui jeta un regard hautain et sévère, ses doigts attrapant le nez du garçon qu'il pinça avec brusquerie, lui coupant la respiration.
- Joues pas ta confiance au hasard crétin. Mais la donnes pas non plus à n'importe qui. Tu tomberas en poussière plus vite que tu ne le penses.
Il le relâcha ensuite, n'abandonnant pas son expression moralisatrice tandis qu'il plongeait ses mains dans ses poches. Droit comme un i, supérieur, arrogant. Le basané ne se gêna pas pour juger le jeune homme devant lui, le fixant lassitude et amusement. N'empêche, Cassian pouvait être un sacré numéro.
Mais laisses ce gamin tranquille !
- Faut mieux que tu ne fasses réellement confiance à personne. Ça t'évitera de te faire baiser ou de te retrouver avec des potions pourries du genre. Alors au lieu d'accepter quelque chose s'en réfléchir, renseignes toi un minimum.
Rouleau rougeoyant. La cigarette entre ses lèvres se consumait, se terminant, l'homme la balançant comme la précédente par dessus le peau. Vent froid. Glacial. L'air s'était énormément refroidi. Depuis combien de temps étaient-ils là à parler pour pas grand chose ? Certainement pas depuis plus d'une heure en tout cas. Flegme. Fatigue. Toulouze eut envie de bailler, se souvenant vaguement de son rendez-vous raté. Cela servait-il encore d'y aller ? Il n'était pas dit que le type l'attendant soit encore sur les lieux.
Ça reste à voir.
L'homme remonta sa capuche, observa un instant les passants sur le pont, scrutant ces gens qu'il trouvait imbécile avant de reporter ses iris sur son jeune colocataire. Il n'avait plus rien à lui dire, ou plutôt, il n'avait plus envie de lui dire quoi que se soit. Trop lui en dire ne l'aiderait pas. Le materner non plus. Dans ce monde, il fallait apprendre à se débrouiller et faire ses propres choix. Et non pas laisser les autres et le hasard décidaient à sa place. Auquel cas, à un moment ou un autre, on finit par se faire avoir et se retrouver plus bas que terre.
- Après c'est toi qui voit gamin. Je peux pas gérer ta vie à ta place. Mais viens pas me voir en chialant si il t'arrive une merde, j't'en foutrai une.
Un pas. Puis deux. Puis trois. Le décor défila, comme un mauvais film en noir et blanc. Le pont disparut, remplaçant par les tours et les magasins. Les badauds continuaient de se promener comme si de rien était, flânant en cet après-midi bien trop fraîche à son goût. Ennuyé et irrité, Toulouze remonta sa capuche, ses pas rapides le menant vers son point de destination premier alors qu'il rangeait cette scène jouée avec Cassian dans un coin de sa tête. Peut-être l'oublierait-il, peut-être pas. Mais il était certain d'une chose : si le gosse venait le voir en chouinant, il lui en foutait vraiment une.
Pauvre gamin...