prone to getting blinded. & luka

Tu ne comprends pas.
Tu fixes ta chambre.

Tu ne comprends vraiment pas.
Tu fixes le visage d'un descendant qui fixe ta chambre.

Tu ne comprends absolument pas.
Tu fixes son visage.

Des cadeaux.
Plusieurs cadeaux.

Tu ne comprends pas.

Tout ça a commencé il y a quelques mois, peu après votre rencontre plus...

Officielle ?

Au détour de la maison.

Tu pensais au début à des remerciements.
Mais est-ce qu'on a besoin d'autant de cadeaux - pour toi du moins - pour remercier ?

Il venait toujours en personne, avec son sourire.
Ses yeux.

Ses yeux.
Tu détournes toujours les tiens.

Quoi qu'il en soit.
Oublions ses yeux.

Rappelons-nous le nœud du problème.

Tu as cru au début que c'était pour la matriarche mais ce n'est pas le cas.
Ca semble bien t'être dû.

Tu n'aimes pas ça.
Mais tu ne peux pas refuser, on te l'a catégoriquement refusé.

Malgré tout, tu n'aimes pas ça.
Ca te rend si mal à l'aise.

Pourquoi toi ?

Qu'est-ce que tu as fait pour autant titiller son intérêt ?
Est-ce une manière de mieux se moquer de toi plus tard ?
T'attendais ça à chaque fois.
A chaque sourire.
A chaque mot.
A chaque rencontre.

Une montre.
Puis.
Une plume.
Puis.
Des bagues.
Puis-

Tout est resté dans leur emballage, tu n'y as pas touché.

Tu les regardes toujours du coin de l'œil, te demandant quoi en faire.

Bien que tu trouves le tout magnifique - tu te demandes la valeur de ces objets -, tu ne te trouves pas assez élégant et digne de porter de telles choses.

Surtout en ignorant si tu ne vas pas les abîmer puis il va te demander réparation.

Pourquoi ?
Tu n'arrives pas à mettre le doigt dessus.

---

Tu veux lui parler.
Tu te prépares.
Tu veux lui parler.
Tu te coiffes.
Tu veux lui parler.
Tu te maquilles.
Tu veux lui parler.

Tu t'habilles.
Tu sors.

Tu ouvres ton ombrelle.

On t'a ordonné d'être le mieux vêtu possible et tu as réussi à éviter le kimono - non que tu détestes l'accoutrement mais tu n'es pas le plus à l'aise, c'est, encore une fois, trop beau pour ton humble personne.

Tu veux lui parler.
Pour lui demander d'arrêter ses présents.
Car à présent, tu n'en peux plus de ce malaise.

Tu veux comprendre, quitte à être tourné au ridicule.

Ca ne changera pas de d'habitude.

Tu te déplaces en transports, jouant beaucoup avec tes cheveux, admirant le paysage défiler à toute allure dans le train.

Tu as peur malgré tout.
De voir ses yeux.

Il te rend mal à l'aise.
Tu ne saurais l'expliquer.

Est-ce son énergie solaire ?
Confiante ?
Intouchable ?

Toi pauvre insecte qui n'arrive pas à t'enfuir de ta cage ?

Tu soupires.
Tu fermes les yeux.

Tu veux lui parler.
Malgré l'angoisse qui tord tes entrailles.

---

Tu arrives au point de rendez-vous.
Un restaurant français.

Il aime voir les choses en grand.

Ca te rend mal à l'aise.
Tu ne le mérites pas.

Tu regardes l'heure.

Tu es en avance.

T'ignores s'il est déjà arrivé ou non.

Devrais-tu y entrer ?
Mais s'il n'est pas là, n'est-ce pas malpoli de paraître impatient ?
Mais s'il est là, n'est-ce pas malpoli de le faire patienter ?

Tu soupires.
Tu fermes les yeux.

Tu vas attendre.
Dehors.

Ta main se resserre autour de la poignée de ton ombrelle.

Tu veux lui parler.
Autant que tu veux t'en aller.

Finalement, ça tend plus vers le retard.
En le voyant arriver, t'abaisses ton ombrelle pour la fermer et l'accueillir d'un bref inclinement. Avant que tu ne puisses plus parler, il parle.

Te prend la main.
La serre.

Le contact te fait frissonner.

Tu n'es pas habitué à ce qu'on te touche de cette façon.
Autre que-

Quel étrange personnage.

Même si de nombreux étrangers sont dans le Tokyo de l'au-delà, tu gardes les coutumes japonaises, dans ton foyer de toute manière bien traditionnel et conservateur :

« Bonsoir, je- »

Trop lent, le voilà déjà à l'autre bout.
Tu presses le pas - il est bien plus grand que toi, tu dois bien allonger ta marche.

Tu le suis.
Difficilement, de tes petites jambes.

C'a toujours été comme ça.

Vous êtes installés à une table à son nom - c'est bien lui qui a tout organisé après tout - et tu t'assois sagement sur ta chaise. Tu le suis dans son mouvement pour se désinfecter les mains puis te mets droit :

« Je- »

Tu es de nouveau coupé.
Ta voix est trop basse.
Un murmure après tout.

Tu as l'habitude de parler ainsi, pas un mot plus haut que l'autre.

Bien sûr, tu es facilement écrasé par autrui :

« Non, on m'a autorisé à ne pas en porter pour aujourd'hui. », expliques-tu simplement, mains sur les cuisses.

Tu baisses un instant les yeux :

« Je... me porte bien, pour vous répondre. Et... et vous ? »

Si étrange.
Une conversation.

Bien sûr, ce n'est pas le seul avec qui tu discutes.
Ce n'est pas non plus la première fois qu'il te parle aussi familièrement malgré ton rang inférieur - ton être inférieur.

Mais ça t'étonne toujours.
L'intéresses-tu ?
Si oui, pourquoi ?

Bien sûr, tu te méfies de ses yeux.
On te l'a répété, surtout en tant que messager.

A-t-il vu en toi un pion ?
C'est probable.

Ca ne changera pas :

« Coldwell-sama. »

Tes doigts froissent ta jupe :

« Je vous remercie sincèrement de vos attentions à mon égard, je suis touché. »

Mais ta voix est monotone :

« Néanmoins, je doute mériter tant de luxueux cadeaux. »

Ca te rend mal à l'aise.
Tant de beauté.
Devant ta laideur :

« Puis-je humblement refuser vos futurs présents ? »

C'est dit.
Ton expression reste neutre :

« Je vous les rendrai bien évidemment, je ne compte pas les garder. Je... n'ose pas les utiliser, de peur de les abîmer. Ils seront plus en sécurité avec vous. »

Tu t'inclines :

« Si vous le voulez bien. »

Tu te redresses.
Yeux noirs rencontrent yeux bleus.

Ca ne lui fait pas plaisir.
Tu peux aisément le lire sur son visage.

Ca lui change d'ailleurs.
Lui qui sourit.
Lui qui pétille.
Lui qui scintille.
Lui qui-

Ses yeux.
Tu les détournes.

Tu fixes ton menu :

« Non, ce sont de cadeaux magnifiques. »

Tu les aimes en soi.
Juste- :

« Ca ne m'irait pas. Il serait préférable de les offrir à quelqu'un avec plus de prestance et d'élégance. »

Comme ici.
Tu sais que tu détonnes du cadre.
Même sans ton accoutrement hors du commun.

Les vêtements te portent plutôt que l'inverse :

« Mais si vous ne pouvez pas les reprendre, je vais les garder. Malgré tout, est-ce possible... de s'en arrêter là, alors ? Je ne veux pas plus vous déranger à chercher autant de sublimissimes présents pour mon humble personne. »

Tu déblates.
Tu voudrais pouvoir dire un non franc et massif.
C'est rare que tu montres ton désaccord aussi franchement malgré tout.

Mais...
Tu ne veux pas lui faire perdre son temps.
C'est pour lui.

Qu'il arrête de s'intéresser à ton humble personne :

« Néanmoins, sachez que je suis réellement touché par votre intérêt pour moi, je pense simplement que je ne le mérite pas car je ne suis pas à votre hauteur. Je- »

Suis rien :

« De telles jolies choses ne me vont pas, Coldwell-sama. »

Tu détournes les yeux :

« Pardonnez-moi mon affront. J'ai demandé à vous voir pour ne pas vous perdre plus de temps et d'argent pour moi. », expliques-tu.

Comme ici.
Encore.

Un sourire, maladroit.
Qui se veut plus ou moins sincère.

Mais finit bien vite plastique.

Comme tous les autres.

Tu ne dis rien.
Alors que tu voudrais parler.
Tu ne dis rien.
Alors que tu voudrais crier.
Tu ne dis rien.
Alors que tu-

Une bonne raison.
Pourquoi s'obstine-t-il tant ?
Qu'est-ce qui le pousse à autant pousser ?

Tu ne comprends pas.

Tu as déjà assez parlé.
Tu as déjà expliqué tes raisons.

Ça te fait peur.
Tu le sens contrarié.
Tu le sais contrarié.

Avec tes années d'abus, tu commences à être souvent en hypervigilance.
Si ce n'est tout le temps.

Tu détournes les yeux un instant :

« Pardonnez-moi si mes raisons ne sont pas assez bonnes à vos yeux mais je dis vrai. Je ne mérite de tels cadeaux, c'est tout ce que je peux vous dire. »

La tension :

« C'est tout ce que je voulais vous dire pour ce soir. »

Tu sais qu'il a commandé, tu l'as compris mais-
Tu n'as jamais dit rester.

Malgré tout.
Tu sais que le contrarier est risqué.
Mais-

Tu as envie de vomir.

Tu soupires intérieurement.

Malgré l'angoisse.
Malgré l'anxiété.
Malgré tout.

Tu finis par secouer la tête :

« Permettez-moi. »

Tu te lèves.
Mettant ton manteau et récupérant ton ombrelle :

« Pardonnez-moi, je ne pourrais rester pour dîner avec vous. Je voulais simplement vous demander de cesser les présents pour ne pas vous embarrasser plus longtemps de cette tâche. »

Tu t'inclines :

« Sur ce, Coldwell-sama. Je vous souhaite une excellente soirée et merci d'avoir répondu à l'invitation en premier lieu et de m'inviter ici. Je paierai ma part. »

Tu te retournes.
Et tu marches.

Malgré ton ventre qui se tord dans tous les sens.

T'as besoin d'air.

Tu regrettes.
Au fond, tu regrettes.

Ce n'était pas approprié.
Malgré tout-

Non, tu n'as aucune excuse.

Malgré tout-
Tu as été sermonné sur la question.
T'ignores comment mais on a bien compris que tu refusais désormais les cadeaux de votre partenaire - sans doute car, tout simplement, il ne vient plus au domaine pour te les donner.

On t'a alors envoyé pour que tu ailles cette fois-ci t'excuser.
Tu es mal à l'aise.

Cet homme te rend mal à l'aise.
Car tu ne le comprends pas.
C'est une énigme à tes yeux.

Un casse-tête.
Il te casse la tête avec ses yeux.

Alors pour tenter de calmer ta tête, tu poses innocemment des questions sur Coldwell autour de toi. Tu récoltes lentement des informations sur lui avant d'enfin te décider de le rencontrer de nouveau - pour ta défense, tu étais aussi très occupé.

Ces informations ont empiré ta tête finalement.

Le fait qu'il soit un étranger.
A la tête de sa propre organisation.
Familiale en plus de ça.

Ca te rappelle la tienne.
Sauf que lui, il a réussi à s'imposer.
Contrairement à toi.

Le roux accepte ta nouvelle invitation - vraiment, tu ne le comprends pas, il a toutes les raisons du monde à dire non.

Tu veux savoir.
Pourquoi il est aussi fixé sur toi.
Ou alors tu te fais des illusions ?

Pourquoi s'intéresserait-il à toi ?

Tu n'es rien, Kaoru.
Tu n'as rien, Kaoru.

Rien.
Rien du tout.

---

Le retour du kimono.
Tu t'es laissé faire car tu n'as plus ton mot à dire.

Tu dois réparer ton erreur après tout.

Tu as, cette fois-ci, choisi votre lieu de rencontre.
Un petit restaurant traditionnel, bien loin du grand restaurant chic de la dernière fois.

Tu remets correctement le col de ton vêtement.

Tu es rentré le premier, attendant calmement - mais impatiemment - l'arrivée de ton invité.

Tu crains de le contrarier de nouveau - et tu ne donnes pas cher à ta peau si ça arrive une nouvelle fois - donc tu vas tenter de calmer tes mots.

Tes maux.

Tu te permets de soupirer tant que tu es seul.
Tu regardes ton téléphone.

Tu es là bien, bien en avance.

On t'a forcé.
Mais il devrait être bientôt là.

Tu te permets de soupirer tant que tu es seul.