panique mécanique

Aléas de la vie, misère mécanique.

C'est comme ça, on a pas toujours le choix. Et Anathema, il a clairement pas eu le choix, là, tu vois ? Son micro-onde, il s'est pété. Explosé, ce serait plus juste, je crois. Une histoire d'ingrédient à réchauffer et la flemme de le faire proprement.
Pas une utilisation normale donc. La garantis ? Pitié, ce micro-onde date du début des années 2000¹ ! Il n'y a plus de garantis depuis longtemps. Mais il a bien servi, on en doute pas.

Principale source d'alimentation : pour le peu qu'il mange, tout se cuisine au four à micro-onde. Nouilles instantanée, plateau repas, pop-corn, soupe et même thé. Seul le café semble trouver grâce à ses yeux, qu'il prépare dans une machine à cette attention - malheureusement, ceci se fait par simplicité plus que par amour du goût. Infamie culinaire, Anathema ne s'en soucie guère.
Sa cuisine ne lui sert qu'à la préparation d'ingrédients pour les rituels ou pour la vente ; quelques casseroles encore vierge de toute salissure traîne dans les armoires de sa demeure, prenant poussière dans l'oubli gastronomique.

Agacement, colère passagère qui laissera place à la réflexion inquiète ; "Et je fais comment sans micro-onde, moi ?" Dérangement certain, une solution est nécessaire. La recherche d'un.e mécanicien.ne est logique ! Un appareil électroménager est mécanique, construction métallique qui s'emboîte pour former un autre objet, plus utile à la populace. Pas trop loin du véhicule, n'est-ce pas ? Mais Anathema, poltergeist quatre fois centenaire ne s'intéresse pas à ce genre de chose ; détail insignifiant de l'existence - il ne lui rapporte pas d'argent, en somme.
Application de navigation sur le téléphone, recherche de "mécanicien" aux alentours. Un garage² - drôle de lieu pour réparer la mécanique, mais soit. Propriété d'une Mary, peu probable que ce soit la sainte, mais peut-être pourra-t-elle le sauver ? A à peine quelques rues de chez lui, voilà, c'est une destination acceptable. Il peut y aller à pied.

Enfant du pragmatisme, il débranche l'appareil carbonisé - chance inestimable de ne pas avoir fait plus de dégâts, les réparations auraient été dures -, et l'embarque comme il peut. Galérant comme il peut avec les portes, il se déplace, se perdant au passage, ne pouvant regarder son téléphone pour se guider. Dommage.
Machisme ou timidité, en tout cas, le poltergeist refuse de demander son chemin, préférant se casser le dos à chaque doute pour sortir le portable, et au passage, se cassant presque le pied, lorsqu'il fait tomber le petit four au sol, en voulant le déposer. Dégâts supplémentaire. Tant pis, il ne fonctionnait déjà plus, c'est pas un coup qui va tout détruire non plus.

Au bout d'une quarantaine de minutes, pour un trajet qui aurait dû en durer dix, un "Bonjour." retenti dans le garage. Anathema est arrivé à destination, mal au dos et mal aux bras.

-- J'aimerais me renseigner sur les prix, durées du service et possibles réparations nécessaire de mon appareil.

Quel est le problème ? La question à laquelle il s'attend, et répond avant de l'avoir eu.

-- Mon micro-onde ne peut plus faire vrummmm. J'aimerais que vous le répariez.

Chimère cachée - par absence de contact visuel³, Anathema ne sait pas encore à qui il a affaire. Tant pis, il subira colère et cri, Invité, sache-le. Mais bon, un micro-onde, c'est sacré ; c'est sa cuisine.

Déception.

Que voulait-elle dire par "Je répare tout ce qui a un moteur, pas de l'électroménager"¹ ? Anathema en était certain ; les véhicule motorisé et les mécaniques de cuisines n'étaient pas bien différente ! Un complot grotesque pour empêcher les consommateurs d'aller voir une même et unique personne pour tout soucis. Qui plus est, ce complot permettait de toute évidence de faire gonfler les prix². Et ça, Anathema ne le permettrais pas ! Pas tant que son portefeuille contiendra quelques ossements dedans.

Ce qui était le plus blessant, pour l'égo du poltergeist, n'était pas qu'il ait pu se tromper, mais la remarque. Coup de poignard dans le coeur, rappel désobligeant ; oui, Anathema est près de sous, mais ce n'est pas l'unique raison. Vie de misère, cet appareil fût un cadeau chérie. Le fantôme l'avait presque oublié. La honte s'empare de l'égo. Comment est-ce arrivé ?³

-- "Les raisons qui me poussent à garder cet micro-onde ne regardent que moi."

L'homme aux cheveux blancs aurait bien voulu soutenir le regard de la femme en face de lui, mais c'était bien trop dur ; ça l'était toujours de regarder au travers de la fenêtre de l'âme.

-- "Si vous accueillez tous.tes vos client.e.s comme ça, il n'est pas étonnant que vous n'ayez que de mauvais avis sur Internet."

Regard qui semble juger la pièce, demi-mensonge ; il n'y a tout simplement pas d'avis sur le garage. Oubli commun ou simple démotivation de donner un avis, quelle importance ? Ce manque de geste peut simplement être compris comme un désengagement. Refus de soutenir une personne qu'iels n'ont pas apprécié. La probabilité qu'Anathema laisse une remarque cinglante⁴ qui n'interressera personne augmente à la seconde. Il se prend pour plus important qu'il ne l'est. Pas un véritable client, pourquoi se soucierait-elle de l'avis d'un ignorant tel que lui ?

Mary, oh Sainte Mary, pourquoi refuses-tu de l'aider ? "Parce qu'il n'a rien à faire ici, et qu'il n'y a rien à faire pour cet engin carbonisé."⁵, voilà ce qu'elle doit penser, très certainement. Anathema le sait, mais il refuse de s'avouer vaincu. N'est-ce pas là toute la raison de son existence dans le monde des morts ?
Pourtant, malgré les hantises, malgré les efforts, Anathema disparaît peu à peu, s'effaçant d'un monde qui change trop vite, qu'il comprend de moins en moins. Anathema se sent ahuri face à la vérité.

-- "Écoutez," commence-t-il, "il doit bien y avoir quelque chose que vous puissiez faire, non ?"⁶

Supplique inavouée, requête qu'il ne peut pas exprimée pleinement ? Comment avouer que perdre un objet aussi quelconque le détruirait ? Dernier souvenir d'un amour tombé en poussière. Qui a dit que les morts ne portaient pas le deuil ?

-- "S'il vous plaît."

Demande qui semble au-dessus de ses forces, il se retient de le dire. "C'est important."