La cliente est Raine - [Céleste & Astard]

Qu'il aie un problème avec l'autorité et ses représentants, c'était peu de le faire remarquer. Il l'exprimait si ardamment, après tout. La ridicule scène prenant place en était bien la preuve s'il en fallait une, après tout. Bien d'autres exemples encore plus comiques pouvaient être cités, mais passons, Sieur Croûton n'aimerait pas les entendre.

Reste que le pirate ricane grassement quand la boolicière répond à son injonction à faire venir ses collègues. C'est qu'il se croyait vraiment capable de tous les mettre au tapis, et ne devait pas tant se tromper puisqu'il était manifestement toujours hors de prison.

Bon, si rire un instant était une chose, qu'elle reste et fasse fuir la clientèle -de son point de vue, comprenez- n'était pas drôle. Et puis, son ton hautain et stoïque commençait sérieusement à lui courir sur le système. Elle avait réponse à tout, refusait de comprendre qu'elle n'était pas la bienvenue, se sentait légitime de l'ouvrir dans la tanière du loup de mer.

Et puis, son ami allait le tuer s'il découvrait que le bar s'était entièrement vidé à son retour. Astard était trop sobre pour ces conneries.

"Bon, t'auras souillé mon comptoir assez longtemps. Maintenant, tu dégages."

Cette fois-ci, il faisait le grand tour du bois, pour repasser du côté des clients. Roulant des épaules pour les échauffer, faisant craquer ses phalanges.

"J'vais pas me répéter."

Il tentait de se donner un air menaçant, quand même, et forcé de constater que ç'aurait été plus efficace sans les bottes de cuir faisant un bruit ridicule sur le sol.

Il ne répond même plus aux provocations, s'avance sans lenteur ni hâte, comme naturellement. Qu'elle reste en place était la preuve d'un calme olympien, d'une maîtrise de soi assez bluffante. Lui venait un instant l'idée qu'il courait à sa perte, et qu'elle allait lui éclater la figure. Plus d'une fois il s'était attaqué à plus gros que lui, c'est que les apparences sont trompeuses quand les potions circulent.

Bon, il était trop idiot et trop fier pour reculer de toute manière, et quitte à finir au sol, il pourrait retenter de draguer quiconque prendrait soin de lui à l'hôpital. Et même raconter qu'il avait gagné, parce qu'un pirate ne perd jamais.

Il se plantait enfin devant la peste, tentait de la dominer de sa masse et de sa taille. Hurlait une énième protestation, presque sans savoir pourquoi.

"Tu crois pouvoir payer ta place dans mes cercles?! Tu vas voir toi, si l'honneur ça s'achète."

C'était assez déplacé, considérant qu'on pouvait lui faire faire presque n'importe quoi pour trois francs six sous. Céleste ne le savait pas forcément, la tentative de se montrer intègre pouvait paraître crédible.

Venait enfin la libération de sa rage, ses deux puissantes mains partant chercher le col de la vampire pour la saisir, la secouer un peu. Lui faire comprendre qu'elle n'avait pas enragé un petit escroc qui ne savait qu'aboyer. Il assumerait les conséquences de ses actes plus tard.

Impassible, elle le laisse lui empoigner les vêtements, approcher trop près pour que tout ceci finisse bien. Il était pirate, brigand et hors-la-loi. Venait le temps de se faire respecter en tant que tel, de faire comprendre au monde qu'il n'allait se plier à la volonté de rien ni personne.

C'était une triste affaire d'égo, endrapée dans une question très poignante d'obstination insensée. le coeur a ses raisons, dirait l'autre.

Pour l'heure, il use de sa prise pour la dégager manu militari du siège, la pousser enfin vers la sortie, la faire avancer hors de son monde.

Il n'arrête pas d'avancer pour autant, monte sa garde -foireuse- et se fait pressant. C'est qu'elle en serait presque adorable, à tenter de calmer le jeu maintenant. Maintenant qu'il a commencé à dépasser les menaces.

"Si tu voulais pas t'battre, fallait dégager plus tôt."

Parce qu'il savait très bien qu'elle n'allait pas tourner les talons, s'enfuir ou appeler des renforts. Oh non, il commençait à la cerner, et elle demeurait au moins aussi têtue que lui-même. Si d'ordinaire il appréciait grandement les femmes de caractère, forcé de constater que celle-ci faisait exception à la règle. Peut-être à cause la fonction, qui sait?

Ah tiens, elle semble avoir compris le message? Bon, Astard est décontenancé, mais pas mécontent pour autant. Il aurait le bar tout à lui, quelle aubaine. Il répond à tous les mots par un crachat par terre, histoire de ponctuer la fin de l'histoire.

Le propriétaire allait certainement revenir et le sermonner sous peu, puis Croûton lui-même lui prendra le chou en rentrant à la colocation. Après, ce sera le reste des colocataires qui l'enquiquineront, puis peut-être des démons vu comme c'était parti. Le pirate s'asseyait à une table (il avait le luxe de la choisir), puis passait une main tremblante dans ses quelques cheveux.

Quelle soirée ignoble. Et c'était que le début, en plus. Il sortait son téléphone, envoyait un simple message, à peine mensonger.

"Une de tes gamines m'a gonflé ce soir. Apprends-leur à pas traîner dans mes pattes avant qu'il arrive des accidents à tes sbires"

Il se servait un verre, le vidait d'une traite. Pas pour le goût, pour laver la lassitude. Ah tiens, un appel.

Pas besoin de vérifier, il savait déjà qui c'était.