Doux Hanami ♥ - ft. Lolly

Un éclat de rire saisit Maya quand Lolly releva la cruauté avec laquelle elle lui avait montré le muffin pour ensuite le dévorer sans vergogne. La chimère vachette était ravie de savoir que ses pâtisseries intéressaient son amie, qui se pencha d’ailleurs pour saisir l’une de ces sucreries tant convoitées. Sa main tendue pour attraper un muffin et ainsi rapprochée de son amie, elle lui murmura un remerciement qui fit fondre de plaisir le coeur de Maya.

De simples petits mots, murmurés sur le ton de la confidence, mais emplis de pure tendresse et témoignage d’une confiance si précieuse. Cet instant de partage et d’amitié, dans un décor poétique de pétales de cerisiers volant au vent, se grava avec émotion dans la mémoire de la brunette. Allégresse et félicité emplirent son coeur timide, tandis que le ravissement se lisait sur son visage aux joues rosées.

La confiance que Maya vouait à Lolly, et surtout celle que Lolly lui vouait en retour, lui étaient infiniment précieuses. En cet instant, elle était inexorablement pleine de gratitude à l’égard de sa camarade chimère, et son visage ravi au sourire béat témoignait de l’émotion qui l’animait.

Elle finit de mâcher sa bouchée de muffin et, saisie d’un élan de tendresse, passa ses bras autour des épaules de son amie pour l’enlacer, évitant précautionneusement de poser ses doigts plein de miettes ou son restant de muffin sur elle. Elle la serra fermement dans ses bras, s’efforçant de ne pas faire durer cette embrassade plus long que nécessaire, ne sachant guère si son amie apprécierait d’être étreinte de la sorte. Elle maintint toutefois le câlin plusieurs secondes, assez pour avoir le sentiment d’avoir transmis à Lolly toute l’affection qu’elle lui portait, sans non plus faire traîner en longueur une situation qui pourrait la mettre trop mal à l’aise.

Relâchant sa comparse, elle attrapa la petite boîte de muffins et la tendit à Lolly pour que son amie puisse faire son choix parmi les petites boules de pâte et de myrtilles.

— D’ailleurs, commença-t-elle, songeuse, je me suis demandée quand je cuisinais si tu avais une préférence en matière de fruits.

Elle lécha le bout de son doigt plein de myrtille.

— J’ai pensé à la framboise parce que c’est rose aussi - mais bon, la couleur ne fait pas le goût, et puis c’est rose foncé quand même, ce n’est pas la même nuance que le rose Lolly, taquina-t-elle avec un sourire malicieux.

Un merci honnête qui ne demande rien en retour, Lolly voulait simplement être sincère et lui montrer à quel point elle peut compter sur l’amitié de Maya. Elle reconnait que l’autre chimère est sûrement l’une de ses plus chères amies aujourd’hui, il n’y a aucun faux-semblant, elle n’en a pas besoin. Elle sait que Maya l’apprécie pour qui elle est et ça l’attendrit un peu, trop même. Alors elle préfère se distraire de ces émotions positives dont elle n’a plus vraiment l’habitude, qui pourraient exploser un peu trop fort. Elle tente d’attraper un muffin comme pour inciter à un changement de sujet, mais elle ne s’était pas préparée à ce que ses remerciements puissent attendrir autant Maya aussi.

Alors, avant qu’elle puisse attraper un nouveau gâteau, Maya l’enlace, témoin de la tendresse qu’elle voulait lui exprimer. Cela surprend un peu Lolly, jamais prête à un élan d’affection, mais ça lui plait aussi, elle répond avec délicatesse et la serre tendrement contre elle, apprécie cet instant. Ça la touche un peu trop, ça lui donnerait presque les larmes aux yeux si le câlin avait duré plus longtemps, mais les deux filles se détachent déjà, comme pour ne pas se laisser aller à l’émotion trop facilement. Lolly lui offre un léger sourire, un peu tremblant, transparaissant toutes les émotions qu’elle pouvait ressentir sur le moment, que du positif, pour une fois.

Lolly ne dit rien, le câlin est bien suffisant et veut dire bien des mots. Finalement, Maya lui propose la boite de muffins d’elle même, le changement de sujet arrive enfin, mais l’affection reste tout de même entre les deux chimères. Lolly attrape un premier muffin et croque directement dedans pour goûter. Elle qui a un si petit appétit d’habitude, elle veut faire plaisir à Maya et puis impossible d’éviter la gourmandise aussi quand il s’agit de sa cuisine et de ses petits plats. Puis elle rit un peu aux taquineries de son amie avant de répondre honnêtement.

« Hmmm… Je pense que je préfère les fruits rouges au reste, alors tu n’es pas si loin… Mais à choisir un seul, c’est classique mais je pense que ce serait la fraise, si bien que j’ai quelques vêtements avec un motif fraise dans ma garde robe tu sais… »

Elle devrait l’inviter chez elle à Grimm un jour, pour lui prêter quelques uns de ses vêtements, c’est un peu comme ça que Lolly prouve son amitié aux autres, elle ne ferait pas ça avec tout le monde… Un deuxième croc dans le muffin avant de poursuivre la conversation, elle lui avoue :

« Puis tu me parles de “rose lolly”… Mais tu sais, avant j’ai même pas choisi ce rose ! Avant j’étais blonde, c’est après l’injection que j’ai eu les cheveux roses… Mais ça me plait comme ça, le hasard fait bien les choses, ou presque ! »

Elle ne va pas parler de ses attributs animaux qu’elle préfère cacher, à l’opposé de Maya qui elle assume complètement. Si Lolly se préfère sans, elle n’imaginerait pas Maya sans ses attributs. Puis, la curiosité est attisée, il y a des conversations qu’elle n’oserait pas avec tout le monde mais elle sait qu’elle peut les aborder avec son amie, du moins elle espère, alors elle demande un peu timidement :

« D’ailleurs, si on te proposait une autre injection, est-ce que tu accepterais ? »

On ne choisit pas l’ADN dont on peut hériter d’une injection, il y a toujours cette adrénaline à espérer quelque chose de mieux, des fois Lolly pourrait se laisser tenter si l’occasion se présentait, mais elle reste hésitante. Alors, elle a envie de savoir l’opinion de Maya sur ce sujet, le genre de petits secrets bien gardés entre copines.

Hochant la tête attentivement, Maya nota précieusement dans un coin de sa mémoire la préférence de Lolly en terme de fruit pour une utilisation ultérieure. Son imaginaire associait déjà cette information avec un évènement particulier à fêter - Et elle prévoyait d’ores et déjà de trouver la meilleure recette de gâteau à la fraise pour son prochain anniversaire.

Persuadée que le rose avait toujours été la couleur préférée de Lolly, la brunette haussa des sourcils étonnés en apprenant que son amie n’avait pas choisi de se parer de cette couleur en particulier.

— Heureusement que le hasard a bien fait les choses. Et ça te va bien au teint ! Conclut Maya avec enthousiaste, étant toutefois bien en peine de l’imaginer avec des cheveux d’une autre teinte.

Elle sirotait nonchalamment son verre en regardant les petits gâteaux, réfléchissant à sa prochaine victime sucrée, mais la question de Lolly lui fit relever la tête et la plongea dans une intense réflexion.

— Mmmh, eh bien, je ne sais guère, à vrai dire… Je n’y ai jamais songé. Je craindrais que cela ne change des parties de moi d’une façon que je n’apprécierais pas, songea Maya à voix haute, tendant sa main tachetée devant elle pour la regarder. Sais-tu que normalement, j’ai deux pattes avec des sabots ? Celle-ci et celle-ci, ajouta-t-elle en montrant les deux membres incriminés : son bras gauche et sa jambe droite. Ce n’est ni pratique, ni joli, alors j’utilise des potions pour le cacher, mais je conserve le reste.

Elle leva les yeux vers son front, comme si elle pouvait apercevoir ses deux cornes qui s’élançaient au-dessus de son crâne, défiant la gravité.

— Je me suis habituée à tout ceci ; les cornes, la queue et les oreilles. C’est à présent une partie de moi, de mon identité, oserais-je même dire un symbole de renouveau… Et si je les perdais avec une nouvelle injection ? J’en serais déçue, déstabilisée.

Perdue dans sa réflexion, elle jouait avec les piercings de l’une de ses oreilles, comme elle le faisait souvent. Elle soupira et haussa les épaules, navrée de ne pouvoir trancher la question.

— Mais si j’y percevais un avantage, un atout dont j’aurais besoin et qu’une injection pourrait m’apporter, pourquoi pas ? Je ne sais guère comment je réagirais si j’étais confrontée à ce choix cornélien.

Concluant sa réflexion par une non-prise de position ferme, elle posa ses yeux sur son amie. Avec un sourire curieux, Maya lui retourna la question, intriguée quant à l’avis que pourrait avoir son amie, s’interrogeant même si c’était une question inopinée ou une idée qui trottait dans la tête de Lolly.

— Et toi ?

Lolly, c’est le genre à poser les questions aux autres d’abord, des interrogations qui trottent dans sa tête et parfois savoir l’avis des autres peut bien l’aider à confirmer ou non le sien. Quand elle a accepté la première injection, il y a quelques temps déjà maintenant, c’est surtout parce qu’elle était bien trop perdue pour dire non, suite à sa mort. Elle avait envie de se prouver quelque chose, se confirmer qu’elle détestait bel et bien les hommes après ce qu’il lui est arrivé. Mais au final, il s’avère qu’elle ne les déteste pas tous, seulement certains. Puis, les attributs qu’elle a pu obtenir ne lui plaisent pas, pas tous en tout cas.

Avoir une nouvelle injection, c’est surtout quitte ou double au final. L’occasion ne s’est encore jamais présentée. Alors ses pensées se résument simplement à des “et si” sans aller bien loin. Quelque part, l’avis que Maya énonce rejoint aussi le sien. Elle se sent comprise, et en apprend un peu plus aussi sur son amie. Elle acquiesce avant de partager son ressenti :

« Oui… T’as raison. Je ne savais pas que ça t’avait donné des sabots en plus… Je comprends l’envie de ne pas les garder. À côté, c’est simplement esthétique pour moi. En dehors des griffes, j’ai juste obtenu une queue touffue et deux oreilles bien trop grandes pour aller avec sur le haut du crâne. Je sais ce que tu vas dire, que ça serait trop mignon si je les acceptais, mais je n’aime vraiment pas ça. »

Alors la balle est renvoyée. Evidemment que Maya se montre curieuse en retour. Maintenant que sa réponse est donnée, elle veut savoir celle de Lolly et cette dernière ne peut pas lui en priver. Elle termine son muffin (et ce sera sûrement le dernier, elle ne peut pas trop forcer), puis elle fait enfin taire le suspens :

« Je ne sais pas non plus… Tout comme toi, je n’aimerais pas avoir quelque chose qui ne me plait pas. » (Encore…) « Mais d’un autre côté, je me rappelle cette sensation d’adrénaline que j’ai eue, être chimère ça nous rend particulières aussi… Uniques à notre manière, je serais curieuse de savoir ce que le hasard peut me réserver alors… Si ça arrive, peut-être que j’accepterais. »

C’est surtout que Lolly se laisse aller trop vite avec le danger, elle ne tient jamais compte des conséquences et de ses responsabilités, et tant pis quand c’est trop tard. Elle attrape de nouveau sa tisane pour continuer de la boire, que la boisson fraiche puisse faire passer un peu plus facilement la nourriture qu’elle a déjà mangé. C’est succulent, c’est indéniable, mais Lolly ne peut jamais trop forcer malgré tout. Il y a encore tant à manger face à elle, ça finit par la faire culpabiliser un peu. Elle tente d’abord de le cacher, mais avant d’avoir la boule au ventre, elle finit par avouer :

« Désolée… J’aime vraiment ce que tu me prépares, tu le sais bien, Maya… Mais je ne pense pas pouvoir manger quelque chose de plus, tu connais mon petit appétit. Si tu veux, je peux ramener quelques trucs avec moi, à la maison. Je les mangerai quand j’aurais de nouveau faim, c’est promis. »

Puis, un sourire un peu désolé se dessine sur ses lèvres. Elle aimerait pouvoir faire semblant, mais ce n’est jamais facile de se cacher derrière des faux-semblants trop longtemps. Puis, à force de côtoyer Maya, elle ne peut plus rien lui cacher ou même essayer de mentir. Elle sait qu’elle finira par comprendre, alors autant aller à l’essentiel. C’est mieux ainsi.

« Vraiment, je suis ravie de t’avoir comme amie. Tu es toujours si compréhensive avec moi, des fois je me dis que je ne mérite pas tout ça… »

De nouveau, ça lui échappe. Elle a pensé trop fort.

A l’écoute de Lolly, Maya acquiesça - Elle était effectivement persuadée que deux grandes oreilles siéraient à ravir à son amie, mais elle comprenait fort bien que celle-ci n’en souhaitait guère. Ce qui était dans son bon droit.

— Si tu ne les aime pas, tu fais bien de ne pas les garder, acquiesça-t-elle. A mes yeux, être une chimère, c’est aussi en quelque sorte reprendre le contrôle de soi et de son corps - et s’accepter.

Maya se coupa un beau morceau de Carrot Cake et entreprit de le dévorer - avec un minimum de retenue quand même, tentant d’éviter d’éparpiller des miettes sur ses vêtements et la couverture.

Les mots de Lolly ravivaient à son souvenir sa propre injection. Cette montée d'adrénaline et cette prise de confiance avaient effectivement été notables et plaisantes au possible pour Maya. Elle n’avait répondu à Lolly que du point de vue de la praticité, avec une approche très terre-à-terre ; Mais Lolly lui répondait en parlant de ses émotions, des ressentis forts qui accompagnaient l’injection… Une réponse poétique empreinte de passion qui rappelait à Maya que l’injection représentait bien plus que ce qu’elle était réellement. Ces émotions fortes qui l’accompagnaient, cette montée en pouvoir d’affirmation de soi-même, Maya la comprenait. Seules les chimères pouvaient le comprendre.

Ses yeux croisèrent ceux de Lolly, un sourire étira les lèvres de la chimère vachette. Son amie n’avait plus faim ; Avec Lolly, nul besoin d’insister pour qu’elle reprenne un bout de pâtisserie - Maya la connaissait suffisamment pour savoir qu'insister ne provoquerait qu'un malaise chez son amie.

— Ne t’inquiète pas, la rassura-t-elle sincèrement, je savais bien que j’avais abusé sur la quantité par rapport à ton petit appétit ! Un clin d'œil taquin accompagna les mots de Maya. Si tu t’es régalée, c’est le principal. Ça m’est égal qu’il y ait des restes - avec les gourmands qui traînent à l’appartement, les gâteaux vont forcément trouver preneur ! Elle sourit, amusée. Tu peux en ramener si ça te fait plaisir, bien sûr ! Même en proposer à tes colocataires. Et tu me diras ce qu’ils ont pensé de ce fameux gâteau au citron.

Maya profita des dernières bouchées de son gâteau avant de réunir des petits bouts de tout dans une boîte pour Lolly.

Elle s'arrêta toutefois soudainement, se figeant dans son mouvement d'empaquetage, les yeux écarquillés à l’assertion de Lolly. Elle s’empressa de la contredire avec véhémence.

— Bien sûr que tu le mérites ! Tu m’as beaucoup aidée, toi aussi… je ne serais certainement pas qui je suis sans ton amitié, et je me considère chanceuse de t’avoir. Tu es géniale, tu devrais être moins dure avec toi-même.

Maya glissa un regard réconfortant envers son amie, désolée qu'elle ne puisse se voir comme elle-même la voyait : une personne intègre et en qui elle avait confiance, une personne avec qui elle appréciait passer du temps et se confier.

— Et je ne serais pas là, si enthousiaste à l'idée de cuisiner pour dix Lolly, si tu ne le méritais pas.

Son regard attrapa celui de son amie comme pour donner du poids à ses affirmations, pour transmettre ses sentiments sincères et forts envers son amie.

— Je n'ai pas eu beaucoup d'ami.e.s, de mon vivant. Maya ne put empêcher ses yeux de s'abaisser sur ses gâteaux, incapables de soutenir le regard de son amie devant cette confession. Aucun même, en fait. Peut-être Lolly le savait-elle déjà ? Malgré les années passées, ces souvenirs meurtrissaient toujours la chimère vachette. Crois-moi quand je dis que ton amitié m'est précieuse et que ta gentillesse mérite que je fasse moults gâteaux pour toi.

Le cadre de ce pique-nique aide sûrement un peu trop aux confidences. Déjà que Lolly apprécie un peu trop la compagnie de Maya, être là assises autour des cerisiers en fleur, à contempler les pétales qui se laissent danser au rythme de la brise, tout en dégustant de délicieux encas, ça aide beaucoup à être un peu trop honnête avec soi-même, avec son amie à ses côtés aussi. Ça change des habitudes de Lolly, elle qui est d’habitude si secrète, elle qui se cache si aisément derrière des masques et des faux-semblants. Aujourd’hui, elle se sent déjà un peu plus changée, grâce à la vie après la mort qui passe, grâce à ses nouvelles rencontres, dont Maya, une amie dont elle n’aurait pas pu rêver mieux.

Alors, les mots sont lâchés, Lolly pense sincèrement ne pas mériter tout ça. Maya est des fois un peu trop douce, un peu trop bien pour elle, au point qu’elle sait aussi comment rassurer son amie. Bien vite, elle ne la laisse pas en dire plus et sait trouver les mots pour la faire taire, et ça c’est un peu trop fort pour Lolly. Elle qui est d’habitude si têtue, elle laisse Maya rétorquer sans rien dire, elle laisse Maya se confier à ton tour et ça la touche un peu trop fort. Maya la regarde si fixement que Lolly ne peut pas détourner le regard, et c’est comme si elle en oubliait tout le reste.

« Je te crois, Maya. » Elle hésite un instant, mais rajoute quelques souvenirs à son tour. « Je peux comprendre, je pensais avoir des amis auparavant, mais j’ai été isolée pour diverses raisons au final… » Elle n’en dira pas plus, elle en a déjà dit beaucoup aujourd’hui et c’était déjà de trop pour elle, parler de ses traumatismes serait la goutte de trop. Alors, elle hésite encore avant de reprendre. « Faut croire que ça a un peu cassé l’estime que je peux avoir de moi, mais j’essaie… De passer outre. Alors merci de me rassurer, ça me touche beaucoup et je vais essayer de me rappeler de ce que tu viens de me dire, dans ces moments de doute. »

Plus que de passer outre, Lolly fait en réalité semblant. C’est si facile, de faire croire plutôt que d’y croire vraiment, mais avec le temps, ça finira peut-être par changer. Peut-être que Maya finira par l’aider à changer, être meilleure encore, comme elle se l’était promis, en arrivant dans le monde des Morts. Après tout, elle a encore de longues années devant elle pour tout ça, un semblant d’éternité. Le silence finit par s’imposer, parce que Lolly se perd dans ses pensées, elle réfléchit surtout, à comment renvoyer la pareille à Maya. Elle ne demande pas forcément à être rassurée en retour, mais elle veut quand même lui donner un peu de tendresse et de gentillesse. Elle se rapproche encore un peu et pose sa main contre la sienne, pour lui montrer qu’elle est là.

« En tout cas, sache qu’aujourd’hui, tu as au moins une amie. Parce que tu es vraiment géniale, Maya, et tous les autres ne savent pas ce qu’ils ont pu rater, je te le jure. Merci encore d’être là, et moi aussi je continuerai d’être là pour toi, c’est promis. »

Au moins, elles savent aujourd’hui toutes deux qu’elles ont un point de repère, quelqu’un qu’elles peuvent retrouver dès qu’elles ont besoin d’un peu de compagnie. Elle lui adresse un autre sourire, un dernier regard tendre avant de se recacher derrière une facette plus assurée. La vulnérabilité, Lolly ne la laisse pas transparaitre très longtemps, par simple habitude un peu malsaine, malgré elle. Elle s’approche alors ensuite du panier où il y a encore multitude de petits gateaux à grignoter, pour plus tard du côté de Lolly. Elle demande alors :

« Bref ! Je veux bien ramener quelques trucs avec moi alors, ça t’évitera de devoir gaver tout Courchevel, autant partager si tu veux bien… Comme ça, si tu me manques je pourrais penser à toi en mangeant une bonne part de carrot cake. »

Elle lui fait un clin d’œil un peu taquin, ça y est on laisse les confidences derrière, Lolly reprend sa confiance un peu trop fausse, mais c’est comme ça qu’elle est aussi. C’est toujours plus facile de faire semblant, après tout.

Les mots de Lolly faisaient valser le coeur de Maya. La chimère vachette en était émue. Elle écoutait son amie la remercier, et ses yeux commençaient à la picoter d’émotion. Les confessions de son amie et sa reconnaissance gonflaient de bonheur sa poitrine.

Fugace et éternel, ce doux moment était en suspens, vif comme le papillonnement d’une paupière et s’étirant à jamais dans sa mémoire. Un battement, un intervalle, un souffle dans la musique de leurs âmes chahutées par la vie. Un arrêt sur image de quelques secondes, dans ce parc aux odeurs printanières, parmi les fleurs de cerisiers portées par le vent. C’était un instant, hors du temps, empli d’émotion, empli de confession, empli de tendresse. Un moment de partage, trop court et trop long, trop embarrassant et trop rassurant.

Un souffle, un sourire, un battement de cils chassant une larme silencieuse.

Le temps avait déjà repris son cours, et l’importance triviale des pâtisseries avait repris la place maîtresse dans leur conversation. Mais la douceur était encore là, miette emportée dans les coeurs, présente et abondante.

Maya n’aurait pas eu les mots pour répondre à son amie, pour exprimer ce qu’elle avait à exprimer.

Et peut-être n’y avait-il pas besoin d’exprimer quoi que ce soit d’autre. Peut-être tout avait déjà été dit, transmis.

Et c’était parfait comme ça.

— Insinuerais-tu que je ressemble à un carrot cake ? plaisanta Maya avec un grand sourire à l’attention de Lolly, tandis qu’elle rassemblait diverses parts de gâteaux dans la boîte et en rangeait d’autres dans le panier. Suis-je une carotte géante avec du glaçage sucré ?

Maya passa son doigt sur le dessus de l’une des parts de carrot cake qu’elle allait remporter pour elle et étala un pouce de crème sur son nez, avant de pincer les lèvres en cul-de-poule et se figer toute droite, dans une tentative ridicule d’imiter une carotte. Elle éclata bien vite de rire, un tantinet gênée de sa propre bêtise.

— Je ne ferais pas une belle carotte, je crois !

Le créateur de Tetris aurait, en tout cas, été fier de l’empilement de gâteaux fait par Maya dans la boîte. Elle avait réussi à y glisser moultes pâtisseries, pour son plus grand plaisir - elle était ravie à l’idée que Lolly règle leurs comptes à ces petits gâteaux plus tard. Le charme de pâtisser pour ses proches ! C'était sûrement l'un des plus grands plaisirs de la chimère vachette.

Les gâteaux empaquetés dans la petite boîte, Maya tendit celle-ci à Lolly, tout sourire.

— Et voilà pour toi ! Ton repas pour les trois prochains jours, taquina-t-elle - bien entendu, elle espérait que Lolly ne mangerait pas uniquement des gâteaux dans les jours à venir.

Les confidences laissées derrière pour de vrai, Maya se met maintenant à plaisanter avec Lolly pour détendre l’atmosphère, alléger le cœur de toutes ses émotions et ces souvenirs d’avant. Lolly rit avec son amie, heureuse d’avoir partagé ce moment avec elle, parmi les fleurs de cerisiers qui tombent autour d’elles. Elle finit par secouer la tête, toucher son nez pour la débarrasser de la crème qu’elle y a laissé. Par rare gourmandise, elle n’en fait qu’une bouchée et finit par expliquer ses dernières paroles :

« Voyons Maya, je ne voulais pas sous-entendre ça ! Juste que ton gâteau est si bon que c’est impossible de ne pas penser à la merveilleuse pâtissière qui l’a fait avec passion, tu sais… Donc non, tu fais pas une belle carotte mais tu es une adorable pâtissière qui en fait trop pour moi ! »

C’est le cas de le dire quand elle la voit lui mettre tout plein de parts de gâteau de côté. Lolly sait d’avance que ses autres colocataires se feront un plaisir de piocher dedans, mais elle fera quand même l’effort d’en manger un bout encore aussi, pour faire plaisir à son amie, pour en profiter aussi parce que malgré son petit appétit c’est impossible de ne pas résister à ses petites pâtisseries.

« Merci encore pour tout ça, avec mes colocataires je ne pense pas que j’aurais assez pour les trois prochains jours malheureusement, mais promis je vais garder quelques parts pour moi, promis. »

Elle garde la boite de côté pour elle et commence donc à aider Maya à ranger le reste dans les paniers, cette fois-ci moins remplis qu’à son arrivée. L’après-midi était déjà passée à une vitesse folle, et elles avaient bien profité toutes les deux du moment et de leur compagnie. Lolly avait le cœur léger, le sourire scotché aux lèvres. C’était toujours comme ça après une sortie avec Maya, impossible de ne pas se sentir bien avec elle.

Le rangement se termine avec le pliage de la nappe. Tout est bien rangé et il est maintenant temps de se dire au revoir, en laissant la nappe sur le panier de Maya, Lolly se rapproche de son amie alors :

« En tout cas c’était chouette cet après-midi avec toi, il faudra qu’on se refasse ça un autre moment ! Cette fois-ci j’oublierai pas les boissons… Ou sinon, une autre activité, on se redira ça ! Dans tous les cas, je viendrais te redonner la boîte chez toi quand elle sera vide, donc on pourra voir à ce moment là. Je vais y aller du coup, merci encore. »

Puis, elle ose alors un autre câlin pour se dire au revoir. Elle récupère ses affaires et salue une dernière fois son amie avant de partir. Les journées comme celle-là, elle en veut encore plein mais elle saura qu’aux côtés de Maya, elle n’a pas de doute à avoir.

Maya rangeait le panier, faisant de l’espace autour d’elles, quand Lolly mentionna la gourmandise de ses colocataires.

— Les goujats ! S’exclama Maya en arborant une moue faussement sévère, avant de laisser son visage se dérider pour retrouver son grand sourire. En réalité, si ses pâtisseries plaisaient et pouvaient apporter un peu de bonheur ou de baume au coeur, elle en était ravie. Sans compter que cela lui faisait elle-même très plaisir que Lolly partage !

Les deux amies s’allièrent pour ranger les paniers et plier la nappe. L’herbe d’un vert tendre était aplatie à l’endroit où elles s’étaient installées, et des pétales de cerisier tombés autour semblaient délimiter la zone. Témoins discrets de ce moment tout doux qu’elles avaient passé.

Lolly partagea d’ailleurs son plaisir à Maya, ce qui lui réchauffa encore un peu le coeur.

— C’était très chouette et ça m’a fait très plaisir !

Un grand sourire flottait sur ses lèvres. Ses joues allaient finir par tirailler, à force de s’étirer autant !

— Une des prochaines fois, on pourrait parler ongles, proposa la chimère vachette en levant sa main - son amie lui avait déjà verni les ongles une fois, et Maya avait adoré. Déjà parce que cela lui permettait de passer du temps avec son amie, et aussi parce que c’était beaucoup plus joli et gracieux que quand elle se tartinait elle-même le bout des doigts. Parce que la dernière fois que j'ai essayé de mettre du vernis, c'était un massacre. Sa grimace accentua l'horreur de la chose.

— En tout cas j'ai passé un trop bon moment, merci à toi aussi, conclut-elle avec un sourire, avant de faire un petit signe de la main. A bientôt !

Le dernier câlin de Lolly lui fit immensément plaisir, puis elle la regarda s’éloigner, silhouette rose accordée aux cerisiers du printemps. Attrapant le lourd panier, Maya se mit également en route de son côté, de beaux souvenirs plein la tête et de doux sentiments plein le coeur.