BASIL HIRSCH
42+1 ans (parce que 43 c’est moins stylé)
Homme (il paraît)
Yeux verts, cheveux platine, teint caucasien
Professeur de littérature | Écrivain | Ancien journaliste
Cultivé sur tout et n’importe quoi, surtout n’importe quoi | Trop actif, mais également très passif | Humour qui pique l’ego des gens, troll de premier ordre | Prend tout à la légère à un point agaçant, mais pour mieux se monter la tête tout seul | Parle souvent tout seul d’ailleurs, enfin, pas vraiment « tout seul » | En fait des caisses, mais dissimule la plupart de ses pensées et de ses actes | Excentrique et imprévisible, pris de lubies soudaines | Aime passer pour un crétin redoutablement intelligent (ou un génie particulièrement stupide) | Ingénieux et débrouillard, sauf en cuisine | Trop dissipé pour se concentrer sur une seule chose à la fois | Amateur de cigarettes, d’alcool, de cannabis et autres substances | Sait que ça le détruit, merci, maintenant passez-lui son briquet | S'attache à de petits détails chiants, les oublie quand ça l’arrange | Tête de mule au possible, n’est souple qu’au lit | Connaît mieux le kamasutra que le code de la route | Connaît très bien le code de la route, même si on ne dirait pas | Garde un sang-froid spectaculaire, sauf quand ça touche à ses phobies | Conscient de ses responsabilités, mais se torche souvent avec | Exalté par les prises de risques, de préférence inconsidérés | Dévoué à en mourir pour ses proches, et le reste du monde peut brûler | Ne déteste pas fondamentalement les gens, mais ne les aime fondamentalement pas non plus | Paradoxal et vous emmerde | Avec amour | Et humour
Pouvoir : il possède un don appelé « Narrateur ». Il s’agit littéralement une voix-off dans sa tête, lui racontant sa vie en permanence. Elle a la particularité d’être parfois capable de révéler des éléments du passé ou du futur de son quotidien ou de son entourage, avec plus ou moins d’exactitude. Dans les faits, elle est beaucoup plus efficace concernant le passé que l’avenir où elle se trompe souvent, ce qui aura joué beaucoup de mauvais tours à Basil.
Points-clés de son histoire :
• A rencontré Ulrich et Ophélia lors de ses études à Oxford : ils étaient inséparables.
• Était au courant des différents drames qui allaient survenir concernant Ulrich et Ophélia grâce à son narrateur, mais croyant que celui-ci se trompait, il n’a rien pu faire.
• A laissé Ophélia partir et cacher l’existence de Céleste à Ulrich, en estimant qu’il n’avait pas le droit d’interférer dans sa décision.
• N’a jamais gardé contact avec Ophélia pour les mêmes raisons.
• Est celui qui a permis à Céleste, et Ulrich de se retrouver, après la mort accidentelle d’Ophélia.
• Ulrich n’est actuellement encore au courant de rien.
• Basil culpabilise encore aujourd’hui.
Rencontre posthume
Une gorgée chaude d'alcool descend le long de ton œsophage, te faisant oublier le frisson glacé qui a remonté ton échine au contact d'une caresse contre le bas de ton dos. Un homme te drague depuis des heures mais tu l'oublies à chaque minute d'inattention, de désintérêt, à chaque nouvelle commande auprès du barman qui depuis longtemps t'a confisqué tes clés de voiture. Tes pensées dérivent, troubles comme le fond de ton cocktail, comme ton regard d'un vert actuellement aussi terne que le cul d'une bouteille de bière bas de gamme. Parlant de cul, la main étrangère s'est lassée de tes reins. Tu bois davantage pour t'échauffer plutôt que te refroidir. Tes paupières pèsent comme la chape de plomb sur ton esprit, tu les fermes sur les glaçons entre tes phalanges, baignant dans l'ambre liquide de ton verre ; tu les rouvres sur l’océan baigné d'or à tes pieds.
Que fais-tu sur la plage ? Juste une de ces nuits où tes excès t'assomment. La narration reviendra peut-être sur ce que tu as bien pu faire pour t'échouer au point de finir sur le sable. Tu as bien dû t'y envoyer en l'air avec l'autre épave que les bars ont rejeté. Tu tournes la tête et tu écarquilles les yeux.
Le pire coup de ta vie ? À tes côtés, quelqu'un qui jusqu'alors t'était inconnu sous cet angle, que tu ne connais que trop bien sous tous les autres : c'est toi. Tu t'es foutu en l'air.
Tu ne bouges pas. Toi non plus. Tu n’as pas l’impression que tu respires. Ce serait difficile à dire avec exactitude cependant, vu la position dans laquelle tu es couché. Or, si tu respirais, tu te serais réveillé… À ta place, non ?
Une vague se brise sur tes chevilles. Tu sens qu’elle est froide. Si tu tendais une main vers toi, seras-tu froid également ?
Ta main te traverse. Une vague traverse tes chevilles. Pourtant, c’est froid.
C’est étrange. Tu tentes de respirer, toi. L’air a toujours une odeur. D’écume, de sel. Elle ne provient toutefois pas des eaux pas si calmes du Pacifique. Une vague se brise sur tes chevilles. Et traverse les vôtres. Pas les tiennes. Mais pas seulement les tiennes non plus.
— T’as toujours vécu en marge de toi-même, Baba. Ça te choque, que ce soit maintenant au sens littéral ?
Cette voix. À tes côtés. À tes côtés. Deux pieds nus. De longues jambes. Tu suis leur galbe. Les agents municipaux ne se promènent pas sandales à la main, en robe légère. Il y a un peu de vent. Elle n’ondule pas. Sa chevelure non plus. Blonde. Encadrant son visage.
— Ophé.
Ophélia. Elle vient s’asseoir, auprès de toi, auprès de toi. C’est elle, l’odeur. Elle sent les embruns. L’océan qui borde Summerbridge. Non, la mer, qui vient lécher les côtes anglaises. Ses yeux bleus qui t’engloutissent.
— T’as pas une ride.
— Parce que tu me vois ainsi.
— Et toi, comment tu me vois ?
— Tel que tu te vois étalé par terre. Vieux.
Elle rit. Ulrich adorerait son rire. Les échos d’une jeunesse passée.
Vous aviez 20 ans, vous étiez à Oxford, vous étiez les rois du monde avec trois livres sterling en poche et une radio stéréo grésillante. Qui aurait cru qu’à cette époque elle tomberait enceinte.
— Pourquoi t’es là ? T’es pas avec Céleste ? Ou même Ulrich ?
— Non. Je suis déjà…
— Morte. Je sais.
Un déjà-vu, déjà-entendu, déjà-su aigre-doux imprègne ta pomme d’Adam. Ses mots se gorgent de la même saveur.
— Je devrais te retourner la question. T’es pas avec eux ?
— Je suis pas en vie non plus.
— T’es pas mort pour autant.
— Alors t’as rien à faire avec moi.
— Bien sûr que si, puisque t’es là.
Tout en niant que tu sois mort, elle n’a pas pleinement réfuté que tu n’es pas en vie. Que dois-tu y comprendre ?
Cherche la réponse qui se défile. « Il est encore vivant ! » Savais-tu que tu regardes en haut à gauche lorsque tu mens ? Quelle gauche ? Tout dépend du point de vue.
N’oublie pas que tu es ambidextre.
— Es-tu réelle ?
— T’es culotté de me demander ça. Tu veux mon poing dans ta gueule de navet blond pour être sûr ?
— Je suis même sûr de l’être moi-même.
Si vous l’êtes. Si vous l’êtes. Si nous le sommes.
— Depuis quand tu as cessé de décider toi-même de ce qui est réel ou non, Basil ?
— Depuis que je me suis trompé.
Qui aurait cru qu’elle abandonnerait ses études. Qu’elle disparaîtrait et lui cacherait l’existence de Céleste. Tout avait été narré, tout avait été écrit. Tu savais tout. Si quelqu’un avait pu y croire ç’aurait été toi. Tu n’y as pas cru.
— J’ai confiance en tes choix.
— J’ai fait le choix de t’abandonner.
— T’as fait le choix de me faire confiance.
L’océan, les vagues qui traversent vos chevilles. Le froid qui te brise. Ses yeux, la mer. Tes yeux engloutis.
— J’aurais au moins pu essayer de savoir…
— Et t’aurais fait quoi ? C’est pas moi qui vais t’apprendre que savoir ne signifie pas toujours pouvoir agir.
Elle aurait refusé ton fric. Elle aurait refusé ton aide. Elle aurait refusé ta pitié. Elle aurait refusé jusqu’à tes mots. Elle ne pense même pas qu’elle aurait été heureuse de te revoir. Tu n’aurais rien pu faire pour l’empêcher de s’épuiser avec le perpétuel combat pour l’argent de ses mi-temps pourris dans la supérette du coin, dans la grande surface de la zone industrielle ; pour l’argent de ses allocations familiales distribuées au lance-pierre après des files d’attentes interminables devant les bureaux. Tu n’aurais rien pu faire pour l’en empêcher car c’était une battante. C’est en luttant contre le sommeil qu’elle a perdu contre un poids lourd sur la voie rapide.
Elle a raison : ce n’est pas elle qui te l’apprend. Elle comptait probablement sur ton narrateur. Même elle croit mieux en lui que toi. Mais elle croit mieux en toi qu’en lui.
— Je préfère quand tu agis, même sans savoir.
— Ça n’a pas de sens.
— Trouves-en un.
Trouves-en une infinité. Tu as tout ton temps. Bien plus qu’un quart d’heure.
Déjà un quart d’heure.
— Debout, allez. C’est la fin de l’aurore.
Elle se lève. Tu restes allongé.
— Embrasse-le pour moi.
— Je ne peux pas faire ça.
— Je ne t’ai pas demandé de l’embrasser comme moi.
— Comment alors ?
— Ferme les yeux.
Quelque chose se pose sur tes lèvres. C’est doux. C’est aigre. Tu rouvres les yeux. Ils sont rouges, ceux que tu croises. C’est ferreux. Du sang. Il t’a mordu, le fourbe.
— Putain, t’es plus dur à réveiller que la Belle au Bois Dormant. Mais ton haleine a bien cent ans en tout cas.
Debout, Aurore. Tu finis d’émerger. Tu tournes la tête. Par tu ne sais quel sortilège, tu es chez Ulrich. La narration reviendra peut-être sur ce que tu as bien pu faire pour t'échouer ici. Ou pas.
Cette fois au moins, tu t’es réveillé à ta place.
— Et sinon, Princesse de la Ville, qu’est-ce que tu fous à pioncer dans la veste d’Ophélia ?
— … Elle sent les embruns.
Ça n’a pas de sens.
Trouves-en un.
Ça a tant d’autres sens que celui que tu as trouvé.
Trouves-en une infinité.
C’est déjà le zénith. Il est midi passé. Cendrillon est partie aux douze coups. Dans sa fuite, a-t-elle oublié une sandale ?
Tu as encore l’écume et le sel accrochés au bord de tes cils.