Un manoir abandonné
“Je veux bien mais c’est quoi d’abord un “manoir” ? Et surtout… Qu’est-ce que je fiche ici ? ”
L
es trop nombreux éclairs illuminèrent le voile macabre jeté sur la forme d’un cadavre en putréfaction, un haut-le-corps saisissant la prêtresse tandis que le souvenir vivace du corps de son père s’imprimait dans sa rétine en lieu et place de cette réalité-là. La douleur fut si vive qu’elle manqua de souffle mais, puisqu’elle n’était pas seule, puisqu’elle se devait de tenir le coup - si c’était véritablement une épreuve des Dieux, elle ne pouvait se permettre d’échouer encore une fois.Les deux jeunes filles semblaient tout aussi pétrifiées qu’elle tandis qu’elles déchiffraient les papiers épars qui témoignaient de vies brisées et de folies toutes humaines. Les choses se terminèrent donc ainsi, en quelques point de suspension bien trop éloquents, comme le souffle qui finalement se suspend dans une poitrine roide.
Elles ne sauraient jamais qui il était en définitive, ce cadavre sous le drap. Pas plus qu’elles ne sauraient toutes les vérités mais ce n’était pas vraiment important. Les mains jointes sur le devant de sa robe, l’hundra pria en silence, la tête penchée comme sous le poid trop lourd de cette découverte. Elle pria pour cette âme et toutes les autres. Elle chanta à voix basse un très vieux chant qui se perdait entre les âges de ce Royaume qui l’avait vu naître et qui accompagnait les défunts. Elle chanta comme elle avait chanté pour son père.
Le tonnerre assourdissant couvrit bientôt toute cette réalité, jusqu’à ce qu’un flash de lumière plus aveuglant que les autres l’emporte finalement comme les feuilles balayées par le vent mugissant. Elle se réveilla auprès de sa bien-aimée endormie, transie, en sueur, tandis que les éclairs zébraient les carreaux de verre dépoli de ses appartements. La foudre de Dingir frappa une nouvelle fois et puis, aussi sûrement que le matin succède à la nuit, l’orage s’éloigna et le monde retrouva un sens...
nightgaunt