Le rendez-vous des chats | PV : Madeline

“Mais les chats ils sourient aussi. Vous devriez sourire aussi, c'est plus sympa. Ils ne sont pas aussi indépendants qu'on le pense !”

Il pince les lèvres, et ne dit rien.
Franchement, il n’y a rien à dire.

“Bah je ne sais pas moi, je ne connais pas grand-chose.”
“M’enfin, ça ne te viendrait pas à l’idée qu’on puisse s’étouffer avec un noyau ?”

Il ne faut vraiment pas être futé - il t’examine de bas en haut. Tu es une gamine, c’est probablement pour cette raison, qu’il se dit. Tu n’as pas encore tous les codes. Que tu sois peut-être plus âgée qu’il ne l’est ne lui traverse pas l’esprit. Il ne s’y fait pas encore, à ces faux âges.

“Donc vous vous lavez avec de l'huile d'olive pour qu'ils vous aiment bien ?”
“Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre. Donne-moi ce cachet.”

Il te tend la main : le chat est détendu, c’est maintenant ou jamais. Une fois en main, il ouvre la gueule du chat - moyennement heureux, il est vrai - avant d’enfoncer le comprimé dans le fond de sa gorge.

Une fois fait, le chat feule et s’enfuit.
En toute logique.

“Et voilà, ton cachet est avalé.”

Maintenant, il voudrait finir sa sieste.

“Bah… si ? Mais ils font attention, non ? Bon après c'est un peu moins grave ici, je crois ? Je ne sais pas trop.”
“Les chats et les chiens, ça mangerait n’importe quoi ! Il faut faire attention pour eux, tu apprendras.”

C’est qu’ils peuvent être bien idiots, ces bestiaux - c’est ce qu’il pense, Alberto. Après tout, le chat du voisin venait toujours taper dans leurs assiettes ou réclamer quelques petits bouts, à croire que l’autre ne le nourrissait pas. Un jour, il a bouffé une ficelle, cet idiot, il a fallu l’emmener chez le vétérinaire. Et puis le chien, n’en parlons pas, encore plus stupide. Il aurait pu bouffer sa balle en caoutchouc si elle avait été plus petite.

“Bah les olives alors ? Finalement vous faites comme moi monsieur !”
“T’as des olives sur toi ? Moi non.”

Cela va sans dire, une nouvelle fois.

“Et puis, si c’est pour traumatiser cette pauvre bête une nouvelle fois, autant faire passer la pilule directement si je puis dire.”

Car en plus de râler, Alberto est persuadé d’avoir toujours raison.

“La prochaine fois, laisse donc les adultes faire. Ce sera plus simple pour tout le monde.”

Expliquez la raison de nouveau ? Hors de question.

“Moui, peut-être. La prochaine fois je demanderai des olives.”
“Eh bien voilà.”
“C'est important de laisser les jeunes faire, comme ça ils peuvent apprendre !”
“Une belle idiotie !”

Les jeunes, ils ne sont pas très malins. Il faut les surveiller, faire attention pour eux parce qu’ils sont de moins en moins vigilants. Pour preuve, tu aurais pu donner une olive avec son noyau à ce pauvre chat. Les jeunes sont bêtes et ne réfléchissent plus, c’est bien connu.

Probablement leurs téléphones portables.

“C'est important de laisser les jeunes faire, comme ça ils peuvent apprendre !”
“Oui, sauf que si tu fais n’importe quoi, non seulement ça va prendre un temps fou à réparer et en plus, ça me retombera dessus parce que je suis le seul adulte ici.”

Une logique implacable.

Il reprend un chat dans ses bras, le premier qui a eu le malheur de passer sous ses jambes. Un rouquin, qui visiblement est ravi d’avoir été choisi pour la sieste si on s’en réfère à son expression faciale. Tant pis. Al commence à le caresser.

“Maintenant, tu m’excuseras, jeune fille, mais je tiens à respecter mon planning.”

Planning qui consiste donc à dormir avec des chats pendant quatre heures.

Si les adultes t’ont demandé de les aider ? Dieu, il n’en sait rien, et il n’irait pas vérifier. Il n’est jamais au courant de rien, pourtant ce qu’il espionne les autres. L’un de ses passe-temps favoris, on s’occupe comme on le peut lorsqu’on devient vieillard.

Alors il fait ce qu’il sait faire de mieux.
Il grogne en guise de réponse.

Il ferme les yeux alors, laisse le chat s’installer temps bien que mal entre ses mains calleuses. Il voudrait reprendre le cours de sa journée. Rien qu’un petit peu, déjà qu’elle est bien entamée - il est dix heures le matin. Mais que voulez-vous, Alberto est vieux. Le temps qui passe prend une autre tournure lorsque l’on s'ennuie en permanence. Là, il ne s’est pas ennuyé, ce fût l’avantage de cette rencontre courte. Bizarrement, il a apprécié. Ça l’a changé de son quotidien morose.

“D’accord. Bonne journée monsieur.”
“Oh gamine !”

Il tire la moue, pince les lèvres.
Il est idiot, il ne sait pas quoi dire.

“... Merci quand même pour le chat.”

Pas pour lui, voyons. Pas de lui avoir parlé alors que tout le monde se fout de son existence. Pas de l’avoir distrait, ne serait-ce que quelques minutes. Pas de ne pas être partie en courant lorsqu’il a commencé à grogner. Pas de l’avoir supporté.

Merci pour le chat, voyons.